Londres, samedi 2 février 1980
« En blanc alors ? » s’impatienta Lucius en s’appuyant sur un petit lit à barreaux.
« Oui, pourquoi pas, » marmonna Eléa.
Lucius leva les yeux au ciel.
« On le prend, » dit-il sèchement à la vendeuse qui les suivait, un bloc note et une plume à la main.
Elle s’empressa de noter le lit en achat et suivit Eléa à distance. Lucius lui avait donné ordre de noter tout ce qu’Eléa désirait mais Morrigane, vendeuse dans ce magasin depuis un an déjà, avait remarqué le peu d’intérêt que portait la future mère à tout ceci.
Elle avait ressenti de la tristesse en voyant le regard vide d’Eléa alors que Mr Malfoy était plutôt ravi de faire ces achats. La rumeur disait bien qu’il avait une maîtresse et que celle-ci était enceinte, tout comme Mme Malfoy. Il lui tardait de confirmer tout cela à Alysson et Maire, ses deux amies qui vouaient une fascination pour les riches familles de sorciers, surtout quand leurs membres avaient autant de charme que cet homme-là.
Elle observa la magnifique jeune femme qui se tenait devant elle. Morrigane ne pouvait pas lui donner d’âge, mais elle savait qu’elle venait d’un milieu très aisé. Bien que simples, ses vêtements, une jupe de velours côtelé noire et un pull à col roulé, bleu pâle, comme ses yeux, étaient d’une qualité bien supérieure aux siens. Elle se demanda quel travail la maîtresse de Lucius Malfoy pouvait exercer, avant de se rendre à l’évidence qu’elle ne devait sûrement pas travailler, mais profiter de son argent.
Eléa la regarda du coin de l’œil et Morrigane fit mine de noter quelque chose. Cette femme avait quelque chose en plus, elle ne savait pas quoi, mais elle avait le sentiment qu’il valait mieux être en bon termes avec elle.
Eléa s’arrêta devant un mobile, c’était la première fois que Morrigane voyait la jeune femme sourire, le sourire d’une enfant qui découvre quelque chose de merveilleux. Le mobile représentait des fées, gracieuses, en bois fin sculpté et en cristal, l’objet était très fin et lorsque le mobile se mettait en route, une douce lumière éclairait les fées, se projetant au travers du cristal et parsemant les murs alentours de petites étoiles.
« Il te plaît amour ? » se risqua Lucius en voyant le visage illuminé de sa compagne.
« Oui, » souffla-t-elle.
Il l’embrassa sur le front et fit signe à la vendeuse de le noter.
Ils sortirent du magasin quelques minutes après, non sans avoir remercié la vendeuse de quelques Galions. Ils n’avaient finalement pas acheté grand-chose, un lit, le mobile, une commode. Lucius espérait revenir plus tard terminer les achats, ils avaient le temps et il souhaitait vraiment qu’Eléa s’implique.
Quand ils revinrent à l’appartement, Eléa se contenta d’enlever sa cape et de s’asseoir dans le canapé, conjurant deux tasses de thé fumantes.
Lucius l’observa et grimaça légèrement. Il avait repoussé le moment, mais il devait le faire, pour elle, pour eux, pour leur famille. Il savait que cela ne serait pas facile, qu’elle s’opposerait à un tel traitement. Il sortit de sa sacoche de travail un sac en velours noir et avança vers le canapé. Il poussa le plateau qui contenait le thé et s’assit en face d’Eléa, sur la table en bois. Elle fronça les sourcils en remarquant le sac de velours.
« Eléa... J’ai parlé avec Sev et je lui ai demandé de préparer quelque chose pour toi... »
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-elle, méfiante.
« Une potion, » dit-il en sortant délicatement une fiole dont le liquide violacé brillait à la lumière des bougies. « Une potion contre la mélancolie... »
Eléa soupira en s’enfonçant dans le canapé.
« J’en ai pas besoin Lucius, je ne suis pas mélancolique... »
« Amour... Tu ne souris plus, tu ne me parles plus, je ne te reconnais pas... » murmura-t-il tout en lui prenant les mains. « Tu manges très peu, tu... »
« Arrête avec ça Lucius ! » le coupa Eléa. « Comment veux-tu que j’aille ? Je suis enceinte, je vais bientôt ressembler à une baleine et je m’ennuie... »
« Je voudrais que tu prennes cette potion... Elle t’aidera à moins voir les choses en noir... » Eléa leva les yeux au ciel. « Amour, s’il te plaît... Je ne supporte plus de te voir si triste... »
Eléa le regarda dans les yeux et fut touchée par la sincérité de son regard. Elle devait faire des efforts, elle le savait, elle ne voulait pas le perdre.
« D’accord... » accepta-t-elle. « C’est pour toi que je la prendrai. »
« Non, c’est pour nous... nous 3. »
Elle s’approcha de lui et ils s’embrassèrent tendrement. Elle prit la fiole et la regarda d’un air suspect.
« Je lui ai demandé de faire un goût à la fraise, » ajouta Lucius.
Elle sourit et l’attira vers lui pour approfondir leur baiser, il lui sourit à son tour et lui enleva rapidement son pull pour atteindre sa poitrine gonflée qu’il caressa avec précaution. Elle lui mordilla la lèvre et lui susurra ses envies, la nuit fut longue et mouvementée. Elle s’endormit sereine, alors que Lucius la quitta pour rejoindre le manoir familial dans lequel il n’avait pas mis les pieds depuis une semaine.
***
Poudlard, vendredi 7 février 1998
Deux semaines venaient de s’écouler, deux semaines plutôt tranquilles et où les jours défilaient avec une certaine monotonie au fur et à mesure que l’angoisse s’était emparée des septièmes années qui subissaient la pression des professeurs quant à l’examen final qui clôturerait leurs études à Poudlard.
La semaine touchait enfin à sa fin, au plus grand soulagement de Ron qui voyait défiler ses piteux résultats aux ASPICS blancs. Hermione avait été déçue de sa note en Histoire de la Magie mais affichait des résultats plus que satisfaisants alors qu’Harry récoltait des résultats honorables et les félicitations de ses professeurs. Neville était entré en cours de Potions en tremblant, pétrifié à l’idée de subir le courroux du Professeur Snape face à une note qu’il évaluait comme mauvaise. Ce qui surprenait le plus Ginny, prise dans le tourbillon des inquiétudes de ses amis, c’était qu’aucun n’avait encore parlé de la Saint Valentin dont le bal aurait lieu dans une semaine…
A la fin du cours de Potions, Hermione ne demanda pas son reste et bouscula Ron pour sortir plus rapidement de la salle de cours et s’enfuir en direction de la Tour Gryffondor.
« Qu’est-ce qui lui prend ? » demanda Ron en la suivant du regard.
« Elle a raté l’ASPIC blanc… » expliqua Harry en jetant son sac sur son épaule.
« Elle a eu quelle note ? »
« Un A… »
« Quoi ? Et elle appelle ça raté ?! » hallucina Ron en froissant sa copie qui arborait un piteux T d’un air agacé.
« J’ai eu A aussi ! » jubila Neville, et Ron lui jeta un regard abattu tandis qu’Harry le félicita.
« Au moins, c’est ton jour Neville ! » s’exclama Ron. « Tu vas te ramasser un O cet aprèm en Botanique et le week-end sera à toi ! »
« Il est à nous aussi si tu viens à l’entraînement de Quidditch ce soir, » ajouta Harry à l’attention du rouquin. « Je te rappelle juste comme ça au passage qu’on joue contre les Pouf’ demain et vu que tu n’étais pas à l’entraînement la dernière fois- »
« Oui, ça va, ça va, je sais, » l’interrompit Ron, « j’y serai, t’inquiète ! »
Ils gagnèrent le Grand Hall et au lieu de prendre le chemin de la grande Salle, Ron se dirigea vers les escaliers menant aux étages du château.
« Tu vas où ? » l’interrogea Harry. « Tu ne viens pas déjeuner ? »
« Si, j’arrive ! Minute papillon, j’ai un truc à faire ! »
Et sur ces mots, il planta Harry et Neville dans le hall pour commencer à grimper deux à deux les marches qui le conduisirent jusqu’à la Tour d’Astronomie.
Il y pénétra essoufflé et il n’eut pas le temps de reprendre sa respiration que Pansy lui sauta au cou.
***
Londres, mardi 5 février 1980
Eléa sursauta en entendant la porte d’entrée s’ouvrir. Lucius était en avance et elle chassa d’un coup de baguette magique la fumée qui l’entourait. Elle se tourna vers lui, un large sourire aux lèvres et il la regarda d’un air suspicieux.
« Qu’est ce que tu as fait ? » demanda-t-il.
« Rien, pourquoi tu dis ça ? » dit-elle innocemment.
« Tu as ton sourire spécial bêtise, » répondit-il doucement tout en s’approchant d’elle lentement. Il l’embrassa tendrement avant de reculer en la regardant d’un air blasé.
« Tu as fumé... encore. »
« Juste une petite cigarette, » avoua Eléa en faisant une mine boudeuse et comique.
« Ce n’est pas drôle Eléa ! » s’exaspéra Lucius. « Tu sais que je ne veux pas que tu fumes ! » Elle leva les yeux au ciel. « Je suis sérieux ! » ajouta-t-il.
« D’accord, je suis désolée... » dit-elle à voix basse alors qu’il la fusillait du regard. « Je te promets que c’était la dernière... »
Il soupira et la prit dans ses bras, déposant un baiser sur son front. Son attention fut attirée par des parchemins éparpillés sur la table basse.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il en fronçant les sourcils.
« Une dispute à distance avec mon père, » soupira Eléa.
« A quel sujet ? » s’étonna-t-il.
« Il veut absolument faire une réunion de l’Ordre en fin de semaine et exige ma présence... » répondit Eléa d’un ton ennuyé.
Elle s’assit sur le canapé et rangea un peu les parchemins, Lucius la rejoignit et passa une main affectueuse dans le dos de son amante.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu ne veux pas y aller ? »
« Non, » râla-t-elle. « Je suis trop fatiguée Lucius, je ne le sens pas trop... »
« Tu prends les potions que t’a fabriquées Severus ? »
« Bien sûr, ça m’aide physiquement, mais c’est plutôt psychiquement que je me sens faible... »
Elle se blottit contre lui et il l’entoura de ses bras amoureux. C’était dans ses moments-là qu’elle ressentait cette sorte de pincement à la poitrine, comme si l’amour qu’elle ressentait pour cet homme était trop grand pour son petit cœur. Il avait dû lire dans ses pensées, car il prit son visage entre ses mains et la transperça de ses yeux bleus, comme s’il voyait au plus profond de son âme, puis il l’embrassa tendrement.
« Tu lui diras, n’est-ce pas ? » Il fronça les sourcils. « Au Maître... »
« S’il me pose la question, oui, tu le sais... » dit-il doucement.
Elle acquiesça tristement puis saisit une autre feuille de parchemin, une liste de noms y était inscrite, ainsi que divers gribouillages qui firent sourire Lucius. Des cœurs entremêlés de leurs prénoms... comme une écolière amoureuse de son premier petit ami... Elle en avait rempli le parchemin.
« C’est la liste d’invités pour ma pseudo fête joyeuse, » dit-elle d’un ton monocorde.
« Oh... » Il s’empara de la feuille avant d’éclater de rire. « Vraiment ? Eléa... » Il secoua la tête.
« Bah quoi ? » sourit-elle, « ça pourrait être marrant non ? Et puis, ce sont tous mes amis, enfin, presque, j’ai envie qu’ils soient là... »
« Tu vas vraiment envoyer une invit’ à Bella ? »
« Oui, juste pour la faire enrager... Elle ne viendra pas, mais je pense que Rodolphus et Rabastan oui.... »
« C’est fort possible, » répondit-il d’un air concerné. « Où veux-tu la faire ? Ici ? »
« Je ne vois pas d’autre endroit... »
« On pourrait la faire au resto, comme ça, si on s’entretue, on n’aura pas à nettoyer la casse... »
Eléa pencha la tête sur le côté, d’un air blasé.
« Je ferai des efforts, et je brieferai les autres, je te le promets... » ajouta-t-il en souriant.
« Au resto alors ? Le problème c’est le placement de table, en plus je ne pourrais pas parler à tout le monde. »
« A moins de demander une table ronde. »
Eléa resta songeuse un instant.
« T’es vraiment l’homme idéal, tu le sais ? »
« Oui... » dit-il en s’approchant d’elle pour lui mordre la lèvre.
« Et modeste avec ça... »
« C’est génétique... » murmura-t-il avant de glisser une main audacieuse entre les jambes de sa maîtresse.
Eléa laissa tomber son parchemin sur le sol, décidant de céder aux envies de son amant et s’abandonnant dans ses bras.
***
Poudlard, dimanche 9 février 1998
La neige s’était définitivement envolée de cet hiver encore glacial et le soleil dardait ses rayons qui ne réchauffaient Hermione que parce qu’elle se trouvait derrière la fenêtre réverbérante. La bibliothèque fourmillait d’élèves avides de connaissances et elle fronça les sourcils en songeant que pour un dimanche après-midi, les préoccupations de la jeune génération avaient bien changé depuis son entrée à Poudlard il y a presque sept ans. Elle regagna la petite table ronde où elle avait étalé ses nombreux livres et parchemins, et commença à rassembler son fourbi en prenant soin de ranger minutieusement sa plume dans son écritoire. Elle se pencha afin de ramasser son sac et quand elle releva la tête, elle sursauta en face de la nouvelle présence qu’elle avait en face d’elle.
« Je peux avoir ce livre sur les Potions que tu es en train de corner ? » demanda la voix traînante familière qu’elle connaissait si bien avec un petit sourire en coin.
Déjà vu.
« Je suis en train de le lire ! » joua-t-elle en s’efforçant de garder son sérieux en prenant un ton volontairement dur.
« Tu lis un livre fermé ? Je savais que tu avais fait des progrès considérables ces dernières semaines, mais à ce point-là… » siffla Draco avec ironie et elle ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel.
« J’ai besoin de ce bouquin Malfoy, j’ai lamentablement foiré l’ASPIC blanc de Potions… » déclara-t-elle avec une petite grimace.
« Tu as eu combien ? »
« Un A… »
« Quoi ? Et tu appelles ça raté ??! » s’étrangla presque le Serpentard s’effondrant dans le fond de sa chaise.
Déjà vu. La voix d’Harry prononçant les mêmes mots lui fit écho et elle soupira à nouveau. Elle secoua la tête, décidée à chasser ces pensées et elle pencha légèrement la tête sur le côté en scrutant son ex-petit ami.
« Je peux te demander quelque chose ? »
« Vas-y toujours… » Il parut intéressé alors qu’il se rapprocha à nouveau de la table, posant ses coudes sur les livres encore étalés en prenant un air concerné et attentif.
« Je voulais te le demander depuis longtemps. Avec le temps j’avais oublié, et puis là tu viens de me le rappeler… » Elle s’arrêta en se rendant compte qu’elle était en train de commencer à parler pour ne rien dire et réfléchit aux mots les plus appropriés avec une minutie qui lui était propre. « Je ne sais pas si tu t’en souviens, mais au début de notre sixième année on s’est retrouvé à cette même table tous les deux… »
« Je me souviens, » acquiesça Draco et elle vit dans son regard qu’il avait compris la question qui arrivait.
« Alors tu vois où je veux en venir, n’est-ce pas ? Je sais que tu as certaines facilités en matière de divination et je sais qu’en faisant mine de lire dans les lignes de ma main ce jour-là, tu as vu des choses… Qu’est-ce que tu as vu Draco ? »
Draco. Elle venait de l’appeler à nouveau par son prénom et il imprima mentalement le son mélodieux de sa voix le nommant par son prénom alors qu’il ferma les yeux en soupirant. Il fut silencieux durant quelques secondes et il ouvrit à nouveaux ses yeux gris qu’il plongea dans le regard noisette de la jeune Gryffondor.
« J’avais vu que tu rejoindrais les Mangemorts mais je me suis de toute évidence trompé, » déclara-t-il enfin avec un faible sourire.
« Non, tu avais raison, on y est allé tous les deux, » répondit-elle d’un air perplexe.
« Non, Hermione, tu n’as jamais rejoint les Mangemorts et ça n’arrivera jamais. »
Elle comprit la subtilité de sa réponse alors qu’elle lui rendit son sourire. Puis son visage s’assombrit et elle osa, presque dans un murmure, à poursuivre sur ce terrain miné.
« Et toi Draco, est-ce que tu as rejoint les Mangemorts ? »
« D’après toi ? » répondit-il sans réfléchir.
« Je ne sais pas, » avoua-t-elle sincèrement confuse.
Un nouveau silence accompagna les trois élèves de premières années qui passèrent près de leur table et Draco se leva enfin.
« Si, tu sais, » répondit-il laconiquement avant de tourner les talons.
Elle resta encore une bonne demi-heure à retourner dans tous les sens ses dernières paroles et chercher un quelconque indice dans ses souvenirs puis elle décida de ne plus penser à Draco Malfoy en refermant ses pensées en même temps que son manuel de Métamorphoses.
Elle remonta lentement jusqu’à la Tour Gryffondor et se surprit à fredonner dans les escaliers avant d’arriver devant le portrait de la Grosse Dame qui engagea une conversation sur la vétusté des lieux qui commençait à ternir son cadre et son teint par la même occasion. Elle sourit en choisissant pour une fois de ne pas envoyer balader la gardienne de la Tour Gryffondor, un peu agaçante.
***
Harry soupira d’un air navré en regardant Ginny qui, dépitée, tournait dans ses doigts sa plume avant de lancer un regard désespéré en direction de son petit ami, assis à côté d’elle.
« Je te l’avais dit Harry, » intervint Ron d’un air amusé. « Gin’ est nulle en maths ! Lui expliquer cette tactique avec le calcul des angles du terrain de Quidditch n’est pas une bonne idée… Même avec le dessin elle pige pas, c’est du temps perdu ! »
« La ferme Ron ! » se défendit Ginny en froissant le morceau de parchemin qui contenait le dessin et les explications d’Harry pour le jeter au visage de son frère qui se mit à rire d’un air moqueur. « Au lieu de faire le malin, aide-moi ! Tu disparais de plus en plus souvent, à croire que tu vois une fille en cachette… »
« Et je rajouterais à titre subsidiaire, juste pour information, qu’Hermione est de moins en moins disponible, » ajouta Neville de derrière son journal.
D’un revers de la main, Ron frappa dans le journal de son ami qui riait avec Harry et Ginny.
« En parlant de Mione, une idée de ce qu’elle fait ? » demanda Ginny et au moment où elle prononça cette phrase, l’intéressée pénétra dans la salle commune en soupirant.
« Où est-ce que tu étais ? » demanda d’un air suspicieux Ron en plissant légèrement les yeux.
« A la bibliothèque, » répondit naturellement Hermione avant de se tourner vers son frère. « Harry, je peux t’emprunter Hedwige ? »
« Bien sûr, c’est pour écrire à Eléa ? »
« Ouais, » répondit familièrement la jeune sorcière en se dirigeant vers le dortoir des garçons.
« Hermione, ne lui dis pas que tu as eu une mauvaise note en Potions, c’est ridicule ! » lui cria Harry.
« Qu’est-ce que ça peut pas te faire ?! » répliqua Hermione des escaliers, « je dis ce que je veux à ma mère ! »
« Qu’est-ce que j’ai dit ? » soupira Harry en percevant le ton agacé et fâché de sa sœur.
« Des conneries, comme d’habitude… » soupira à son tour Ginny en lançant un regard blasé au survivant.
***
Grimmauld Place, jeudi 7 février 1980
« Ça ira, ne t’inquiète pas amour... » chuchota-t-il.
Lucius serra sa maîtresse à nouveau dans ses bras. Il sentait qu’elle n’allait pas bien, inquiète d’une confrontation avec son père, elle était fragile et il essayait de refouler sa peur pour elle. Le Maître avait été très clair, elle devait participer à cette réunion. Lucius avait insisté pour l’en dispenser mais il avait failli franchir la limite de la désobéissance et le Lord avait été à la fois surpris et mécontent de son attitude trop sentimentaliste.
Eléa transplana et se rendit donc à l’Ordre du Phénix.
Lorsqu’elle arriva, Sirius et Rémus étaient déjà présents ainsi que McGonagall et son père, qui la regarda de ses yeux perçants. Elle se raidit et marcha la tête haute, pour se donner une contenance qu’elle n’avait pas. Elle les salua un à un, évitant soigneusement de croiser les yeux de son père.
Elle s’assit à la grande table, silencieuse, sous les regards intrigués de ses amis, et essaya de se concentrer, de rassembler toutes ses forces pour fermer son esprit.
Les autres membres arrivèrent enfin et prirent place, Eléa put remarquer la mine fatiguée ou triste de certains. Dumbledore prit enfin la parole et fit un petit discours qu’Eléa n’écouta que d’une oreille.
Encore un monologue pour remonter le moral des troupes, les encourager à ne pas perdre espoir. Quel espoir ? se demanda Eléa. Les Mangemorts étaient cinq fois plus nombreux qu’eux et le Maître prenait chaque jour plus de pouvoir, plus d’emprise sur le monde. Chaque membre de l’Ordre courrait vers une mort certaine, et bizarrement, ce constat ne l’attrista pas plus que ça.
Son attention fut attirée par le mot « France » et elle se décida à écouter les paroles de son père. La France était très touchée par les massacres, de nombreuses familles qui résistaient à Voldemort avaient été tuées, des maisons brûlées, femmes et enfants égorgés. Il s’arrêta un instant et regarda Eléa dans les yeux.
« Eléa, j’ai besoin que tu me dises tout ce que tu sais sur Marius de Lioncourt. »
Les mots résonnaient dans sa tête mais elle resta complètement immobile, les yeux rivés sur son père.
« Eléa ? » demanda-t-il.
Elle secoua sa tête comme pour se réveiller et eut un petit rire moqueur.
« Bien sûr... Voilà pourquoi ma présence était obligatoire... »
« Son adresse, les lieux qu’il fréquente, ses amis proches... » ajouta le vieil homme, avec un air sérieux.
Au pied du mur, Eléa sentit ses yeux se remplir de larmes. Tous les regards étaient sur elle, des regards durs ou compatissants suivant les personnes. Son cœur s’était emballé et elle pouvait sentir son rythme saccadé contre sa poitrine.
Comment pouvait-elle trahir Marius ? Elle avait partagé un an de sa vie avec cet homme, il avait été son ami, son confident, sa famille, son amant...
« Non, » murmura-t-elle en secouant la tête, « non, hors de question… »
« Eléa, nous avons besoin de ces informations pour pouvoir envisager une action en France... » ajouta Dumbledore en essayant de capter le regard de sa fille qui avait détourné la tête.
« Non ! » s’exclama-t-elle en se levant brusquement. « Comment osez-vous me demander ça ? C’est un de mes amis, jamais je ne m’en serais sorti sans lui ! » Elle éleva le ton tout en essuyant ses larmes. « Utilisez vos espions ! »
« Eléa, Marius est le leader des Mangemorts Français, tu ne peux pas le nier... Nos espions ont disparu... » reprit Dumbledore avec douceur, tentant de calmer la Mangemort qui tremblait de colère.
Eléa sursauta. Cela ne pouvait être réel... Devant elle, le visage de Marius, ses yeux bleus plantés dans les siens. Il lui caressait le visage puis l’embrassait passionnément. Elle pouvait sentir ses longs cheveux lui frôler les épaules et son parfum se répandre tout autour d’elle. Soudain, il s’effaça. Son père se tenait devant elle, les sourcils froncés, attendant une réponse.
« Je ne peux pas le trahir ! » Prise d’un frisson, elle resserra son châle autour de ses épaules.
« Eléa… » Elle tourna son visage pâle vers Rémus. « C’est un assassin, tu le sais, il a massacré tous ces gens... »
Elle porta subitement sa main à sa tempe droite. Du sang, elle marchait dans une marre de sang, main dans la main avec le Mangemort à la silhouette unique... Elle leva sa baguette et un éclair vert en sortit pour frapper un homme devant elle qui s’écroula en silence à ses pieds.
Elle releva la tête, prise de panique et d’un effroyable mal de tête. Elle commença à trembler de tout son corps.
« Eléa ? » demanda McGonagall légèrement inquiète, alors que son père la regardait d’un air soucieux, « vous êtes notre seule chance... »
Eléa sortit sa baguette et traça un trait horizontal vers la sorcière. Une fine lueur rouge s’échappa de la baguette, comme un trait fait rapidement à la plume, et le cou de l’enseignante se mit à saigner abondamment à la stupeur générale.
Eléa recula d’un pas et écarquilla les yeux tout en regardant autour d’elle. Ils l’observèrent, interloqués. Sirius était sur le point de se lever tandis que Lily lui avait attrapé doucement le bras, le regard empli d’incompréhension.
« Eléa, tu vas bien ? » demanda la rouquine.
La jeune femme se détacha brusquement d’elle, terrifiée. Elle jeta un dernier regard à son père avant de s’enfuir en courant et de transplaner immédiatement chez elle.
« Lucius ! » cria Eléa, secouée de sanglots, « Lucius ! »
Le Mangemort sortit de la chambre, habillé d’un peignoir et les cheveux mouillés. Eléa se jeta contre lui et pleura de tout son corps en marmonnant des phrases incompréhensibles au sujet de la France.
Il réussit enfin à l’apaiser et lui demanda finalement de lui expliquer ce qu’il s’était passé. Eléa se recula, les yeux rouges et gonflés par les larmes, encore tremblante.
« Je crois que j’ai foutu en l’air ma couverture, » articula-t-elle.
Lucius passa une main nerveuse dans ses cheveux et s’habilla d’un coup de baguette, il aida Eléa, qui s’était écroulée sur le canapé, à se relever et l’entoura de ses bras.
« Il faut qu’on dégage d’ici. »
Ils transplanèrent, Eléa savait vers quelle destination, et elle était morte de peur... Pas pour elle, elle était enceinte, Il ne lui ferait pas de mal, mais Il pouvait la punir en touchant celui qu’elle aimait par-dessus tout.
***
Londres, dimanche 9 février 1998
Elle allait y arriver. En faisant un effort, elle y arriverait. Finalement, elle soupira et balança à l’autre bout de la pièce son manuel de Magie Noire qui commençait à lui brûler les doigts. Elle ne savait pas grand-chose du rituel qui approchait et la frustration s’était emparée d’elle alors qu’elle avait l’impression d’ingurgiter tout ce poison comme un aveugle avance à tâtons dans un lieu qui lui est inconnu. Elle se leva, alla ramasser le manuel qu’elle replaça dans la bibliothèque avant d’admirer à nouveau la nouvelle décoration avec une fierté non dissimulée. Son cœur s’accéléra quand elle entendit les notes mélodieuses s’échapper du piano de Lucius. Le fait qu’ils aient poussé les murs de l’hôtel particulier avait permis à Lucius de rapatrier son instrument fétiche au plus grand plaisir de sa compagne.
Elle se dirigea vers la musique qu’elle ne reconnut pas et s’arrêta nette devant la vision qui lui coupa le souffle. Ce n’était pas Lucius qui jouait du piano et elle se maudit intérieurement pour ne pas l’avoir senti. Lord Voldemort s’était invité sans prévenir et elle frissonna quand il leva ses yeux turquoise dans sa direction. Elle déglutit avec difficulté et comme possédée, elle s’avança vers son Maître qui cessa de faire jouer ses doigts sur les touches noires et blanches. Il lui fit signe en silence de le rejoindre et s’asseoir à côté de lui. Elle obéit avec résignation et attendit les remontrances qu’elle savait inévitables.
« Tu ne veux pas me jouer un petit air Eléa ? » demanda-t-il d’une voix trop doucereuse qui sonna faux à ses oreilles.
« Je-je ne sais pas jouer du piano… » bafouilla-t-elle en tremblant légèrement bien qu’elle essayait de dissimuler ses craintes.
« Allons… Lucius a bien dû t’enseigner quelques rudiments, n’est-ce pas ? »
« C’était il y a longtemps, je ne m’en souviens plus… »
Il se leva et passa derrière elle et alors que sa veste la frôlait, elle retint sa respiration. Il prit ses mains qu’il posa sur les touches et elle ferma les yeux en sentant avec culpabilité une chaleur s’insinuer en elle alors qu’il la guida pour quelques notes aventureuses. Ses doigts s’emmêlèrent aux siens, sa peau douce était à peine croyable si on connaissait le véritable visage du personnage, mais elle n’avait qu’une vision érotique de lui à l’esprit alors qu’elle pouvait sentir son souffle chaud dans son cou.
Il arrêta le doux ballet de leurs doigts indécents et la fit se lever avant de la conduire à la bibliothèque privée dans laquelle elle se trouvait il y a quelques minutes. Il prit le manuel qu’elle venait de reposer et le lui tendit sans un mot.
« Il ne te plaît pas ? Je l’avais pourtant choisi avec soin spécialement pour toi, » déclara-t-il toujours aussi mielleux et attentionné, mais elle ne se méprit pas sur le lourd mécontentement qui planait derrière ces paroles trop posées.
Et le volcan entra en éruption aussi soudainement que la foudre fendit le ciel, la faisant sursauter. Elle aurait dû le savoir, elle n’était pas la seule à jouer avec les éléments et il était même un challenger de taille.
« Moins d’un mois Eléa ! » hurla-t-il cette fois hors de lui alors que ses yeux devinrent rouges à nouveau et que les crevasses commencèrent à le défigurer. Il l’attrapa violemment par le bras et lui désigna une étagère remplie de livres. « Il te reste tous ces livres à ingurgiter ! Tu m’entends ?! » Elle acquiesça en serrant contre son ventre le manuel qu’il lui avait remis.
Il la lâcha aussi violemment qu’il l’avait saisie et elle recula d’un pas sous les brutales manipulations de son frêle corps, amaigri par les derniers événements. Son regard se posa sur son décolleté mais elle savait que ce n’était pas sa poitrine mise en valeur qu’il regardait. Sa protection invisible l’empêchait d’utiliser la force pour accélérer le processus mais il avait une arme aussi puissante alors qu’il lui envoya par la pensée des images d’Hermione et elle comprit la lourde menace alors qu’une larme incontrôlable roula sur sa joue. Il l’attrapa finalement par les cheveux et l’embrassa brutalement sur les lèvres avant de sortir de la suite sans un mot. Elle hoqueta avant de fondre en larmes et porta une main à ses lèvres qu’il avait meurtris, ses larmes se mêlant finalement à son sang.
La demi-heure qui suivit sa séance poussée de Magie Noire fut assez pénible bien que largement supportable compte tenu du fait qu’elle avait pris en guise de remède préventif une potion confectionnée par Snape. Elle avait tout de même rendu son déjeuner mais après une relaxation intense et le contrôle de sa respiration, elle pouvait dire que son état général était plutôt satisfaisant. Elle soupira en voyant ses yeux tout de même rougis et sa mine fatiguée que lui renvoyait son miroir, avant d’efforcer de camoufler ces désagréments sous un maquillage léger mais soutenu au niveau de son teint trop pâle. Elle releva ses cheveux dans un chignon mal fait qui laissait s’échapper quelques mèches folles et elle enfila un gros pull noir sur son vieux jean bleu troué et délavé.
Elle se força à plaquer un sourire de circonstance sur son visage et descendit lentement au rez-de-chaussée avec une lassitude perceptible sous ses pas lourds et désabusés. Elle gagna le boudoir où les conversations étaient nombreuses et ses yeux commencèrent à lui piquer sous l’effet des fumées épaisses de cigarettes et autres cigares dont elle ne supportait pas l’odeur.
Elle rejoignit Lucius, Rodolphus et Rabastan, assis autour d’une petite table ronde et Lucius lui tendit une cigarette qu’elle refusa d’un geste de la main avec une petite grimace.
« Qui est en charge de la mission de la semaine prochaine dans les anciennes zones minières ? » demanda Rabastan alors que Rodolphus lui envoya un coup de coude qui se voulait discret mais qui n’échappa pas à Eléa.
« Luka, » répondit Lucius et la réponse de son amant surprit quelque peu Eléa. « Il m’a informé qu’Adriana avait disparu depuis cinq jours maintenant, aucune piste et elle semble s’être littéralement volatilisée. »
Lucius planta son regard polaire dans celui très clair d’Eléa qui leva un sourcil avec une fausse perplexité.
« En tout cas, la petite virée d’hier soir m’a vraiment fait du bien ! » s’exclama Rabastan qui se reçut un autre coup de coude de son frère.
Eléa fronça à nouveau les sourcils et jeta à Lucius un regard désapprobateur.
« Je croyais que tu bossais Lucius ! Vous avez fait une virée sans moi ?! J’arrive pas à croire que vous ayez fait une virée sans moi… »
« Pour avoir l’Ordre du Phénix et une armée d’Aurors au cul, non merci ! » s’exclama Rodolphus avant de s’enfoncer dans son fauteuil en voyant le regard noir que lui lançait Lucius.
Eléa se demanda tout à coup ce qu’elle faisait finalement là et eut une subite envie irrésistible de s’échapper pour se réfugier à Grimmauld Place. Elle n’avait pas sa place ici, plus maintenant, elle en était à présent plus que convaincue. Voldemort ne tolérait sa présence en ces murs que parce qu’il avait encore besoin d’elle pour son foutu rituel. Elle se mit à frissonner en songeant à son avenir incertain. Que lui avait-il réservé après la date fatidique de son rituel qui était censé lui donner la clé pour atteindre son but ultime ? Allait-il la tuer ?
« Tu serais venue Eléa ? »
La voix de Rabastan la ramena dans la réalité et elle s’aperçut que les trois Mangemorts la regardaient en attendant sa réponse.
« Non, non, je ne serai pas venue… J’ai autre chose à faire que vos stupides conneries… » marmonna-t-elle d’un air boudeur tout en se levant pour quitter le lieu enfumé.
Avant de regagner sa chambre, elle tourna un œil vers la pendule du hall qui indiquait déjà 18h et elle soupira en retenant ses larmes amères.
« Chaton… »
Elle se retourna et capta le regard inquiet de son amant qui s’approcha d’elle avec un air concerné.
« Je t’ai menti pour la virée d’hier soir, c’est vrai, » concéda-t-il, « mais tu n’as vraiment rien raté. Je m’inquiète Eléa, tu as l’air si fatigué. Tu tiens à peine debout, tu es amaigrie et je n’aime pas te voir dans cet état chaton… Tu étais aussi bien là à te reposer hier soir, et tu n’aurais pas pu venir de toute façon, tu le sais… »
« Je me fous de votre sortie à la con ! » répliqua-t-elle durement. « Je me sens exclue Lucius, de tout. Je ne participe plus à rien, tout le monde me rejette comme si j’étais une pestiférée ! Je n’ai plus ma place ici, je ne suis plus qu’une potiche à écouter des bribes de conversations dans lesquelles chacun prend bien soin de chaque mot qu’il emploie de peur que j’aille cafter après à mon père et l’Ordre du phénix ! »
« Tu es étonnée ? » demanda Lucius avec un brin de sarcasme dans la voix.
« Même toi, tu ne me dis plus rien, tu ne me parles plus, ou alors que pour me dire des banalités… » Elle essuya de rage une larme qui s’était échappée de ses yeux fatigués.
« Et toi ? Tu me dis tout ? » rétorqua-t-il d’un ton accusateur. « Tu n’aurais pas vu Adriana par le plus grand des hasards ? »
« Non, » mentit-elle en soutenant le regard de son amant et pour une fois sans ciller.
« Elle a été kidnappée par l’Ordre du Phénix ? » continua-t-il en insistant pour lui faire cracher le morceau.
Eléa lui lança un regard lourd de sous-entendus avant de mettre un pied sur la première marche des escaliers, puis un deuxième.
« Non, elle n’a pas été kidnappée par l’Ordre du Phénix, » articula-t-elle finalement en regardant Lucius bien droit dans les yeux avant de monter au premier étage.
Elle claqua la porte de sa chambre avec rage et scella l’entrée par un sort pour ne pas qu’il la rejoigne, bien qu’elle savait qu’il attendrait plusieurs heures avant de réapparaître. Sa colère disparut quand elle aperçut une lettre sur son lit et un franc sourire adoucit enfin son visage quand elle reconnut l’écriture d’Hermione.