Chapitre 19 : Point de non-retour
Les premiers rayons du soleil illuminaient à peine le ciel chargé de nuages lorsque le château s’éveilla, tiré d’un étrange et spontané sommeil par le plus terrifiant rire que ses habitants aient jamais entendu.
Le garçon pouvait ressentir le moindre sentiment qu’ils éprouvaient comme s’il faisait partie depuis la nuit des temps de leurs pensées les plus secrètes. Ils se réveillaient en sursaut, les uns après les autres, se demandant ce qui pouvait bien avoir si brusquement perturbé leurs rêves.
Leur angoisse grandissante était presque palpable et totalement jouissive. Les pouvoirs de l’adolescent s’amplifiaient à chaque minute et lui permirent bientôt, non seulement de percevoir les émotions de ses futurs victimes, mais également d’observer la panique sur leurs visages sans qu’il ait besoin pour cela de leur faire face.
Quel merveilleux contraste cela faisait en comparaison avec le calme et la sérénité qui régnaient sur le sourire du Seigneur des Ténèbres.
Voldemort semblait, en effet, n’avoir aucune appréhension à livrer bataille contre les occupants de Poudlard, et paraissait même très impatient de donner l’assaut. Cet acte, plus que tout autre, prouverait au monde entier la grandeur et la suprématie de sa puissance tout comme celle de ses mangemorts.
Eilane, évitant son regard, se tenait toujours à ses côtés, ses longs cheveux noirs lâchés sur ses épaules flottant dans la légère brise hivernale dont la froideur rosissait ses joues. L’attitude à la fois inquiète et empressée, elle scrutait le visage de Lucius Malefoy, espérant vainement y déceler un signe amical de sa part. Il attendait, lui aussi, avec toute la patience dont il pouvait faire preuve en de pareilles circonstances, les directives de son maître, tandis que Bellatrix lançait des regards méprisants en direction d’Eilane. Si la situation n’avait pas été aussi importante, le garçon aurait sans doute trouvé la scène cocasse. Mais l’heure n’était certainement pas à l’amusement et il ne souhaitait pas se sentir perturbé par l’hostilité qui se dégageait de ce groupe hétéroclite.
Alors que personne n’osait parler et que chacun s’observait avec plus ou moins d’animosité, Drago, enfin sorti de sa léthargie, comprenait, effaré, ce qui allait se dérouler sous ses yeux.
Finalement, Eilane, voyant qu’il avait repris ses esprits et que les autres ne semblaient pas se soucier de lui, s’approcha de l’adolescent.
-Tu sais qui je suis depuis longtemps, Drago, n’est-ce pas ? demanda-t-elle de sa voix mélodieuse.
-Oui, bien sûr, répondit Drago sur un ton respectueux, détonnant quelque peu avec cet air hautain qui ne le quittait jamais. Vous êtes la Dame !
Bellatrix émit un grognement de mécontentement mais Voldemort lui lança un regard si froid que la phrase qu’elle s’apprêtait à cracher comme du venin ne fit pas le trajet jusqu’à ses lèvres. Eilane sourit, s'égayant tout autant de la manière dont la mangemort, courroucée, venait de se faire remettre à sa place que du nom honorifique que Drago lui avait donné.
-Si on veut, répondit-elle, laissant échapper de sa bouche un mince filet de condensation tant le hall d’entrée était froid… Maintenant, nous te demandons une réponse… Décides-tu de nous suivre, de nous aider de ton plein gré et de servir le Seigneur des Ténèbres… ou pas ?
Drago sembla hésiter un moment incroyablement long, pesant le pour et le contre, croisant de temps à autre le regard dur et irrité de son père qui aurait aimé voir son fils répondre oui immédiatement.
-Vous souhaitez faire de moi un mangemort ? demanda-t-il enfin.
-En effet, oui.
-Tout de suite ? reprit l’adolescent, incrédule.
Eilane esquissa un sourire tandis que Lord Voldemort éclatait d’un nouveau rire glacial.
-Non, pas immédiatement ! rétorqua-t-il. Mais l’attaque de Poudlard me paraît être une très bonne épreuve pour un jeune Malefoy !
-Une épreuve ? interrogea Drago, tentant vainement de soutenir le regard austère du Seigneur des Ténèbres.
-Tous les mangemorts doivent en accomplir une avant de pouvoir réellement rentrer dans nos rangs, expliqua Eilane avec douceur. Alors… que décides-tu, Drago ?
-Je… d’accord, s’exclama Drago en haussant les épaules.
Après tout, sa famille était constituée de mangemorts, générations après générations. Ce choix n’étonnerait certainement personne.
-Parfait, tu as pris la bonne décision ! approuva Lucius, apparemment enchanté que son fils suive la même voie que lui-même.
-Nous pouvons donc appeler les autres ! dit Voldemort d’une voix sifflante. Eilane ?
La jeune femme tourna finalement la tête vers lui et son regard de bronze croisa celui du Seigneur des Ténèbres. La plupart des mangemorts le voyaient sous son allure semi-reptilienne (il préférait agir ainsi afin d’être certain qu’ils lui obéissent, ne serait-ce que par crainte), mais le charme qu’il utilisait lui permettait en même temps d’apparaître à Eilane sous son aspect humain et séduisant. Elle l’observa un instant, incapable de parler ni de bouger. Elle semblait se perdre dans le froid de ses yeux bleu turquoise comme dans un océan où son âme serait sur le point de se noyer, mais lorsque Bellatrix, furieuse, se râcla bruyamment la gorge, Eilane fut ramenée à la raison et reprit brusquement ses esprits.
Elle pivota vers la brèche translucide qui semblait onduler comme une eau en mouvement et tendit en avant son pendentif en forme de serpent.
La bille rouge placée en son sein se mit à briller intensément, faisant appel à la fois aux pouvoirs spectaculaires de la jeune femme et à ceux, tout aussi puissants, de Voldemort.
Ils ne prononcèrent aucune parole mais le garçon entendit résonner dans sa tête leurs deux voix parlant de concert et appelant les mangemorts à les rejoindre. Bellatrix et Lucius, dans un geste automatique, portèrent une main à leur bras où la marque des Ténèbres devenait encore plus noire et plus brûlante qu’elle ne l’était déjà.
Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que les partisans de Voldemort traversent à leur tour la brèche. Rodolphus, Queudver, Avery, Crabbe, Goyle et McNair ouvraient la marche, suivis de près par un nombre impressionnant de nouvelles recrues, une douzaine de Vélanes et le double de géants.
Voldemort étira ses lèvres en un large sourire en voyant l’ampleur de son armée tandis qu' Eilane observait ce spectacle les yeux écarquillés, la mine défaite, le regard plus anxieux que jamais.
-Bien…Très bien ! Je crois que ce sera absolument parfait ! s’exclama joyeusement le Seigneur des Ténèbres. Cette fois, ils ne feront pas le poids !
-Tu oublies une chose : Dumbledore est ici, Tom !
Le sourire de Voldemort s’effaça légèrement et Eilane comprit qu’elle avait touché un point sensible.
-Plus pour longtemps, Eily ! Il est peut-être capable de rivaliser avec moi… mais certainement pas avec nous deux réunis !
Eilane voulut rétorquer, mais son engagement auprès des puissances la forcerait, de toute manière, à combattre aux côtés de Voldemort, qu’elle le veuille ou non. Pourtant, à présent qu’elle entrevoyait enfin l’ampleur de cette attaque, elle commençait à regretter le camp qu’elle avait choisi… Après tout, la mort n’aurait peut-être pas été tellement pire ! Si seulement, au moins, Voldemort tenait parole et épargnait Lupin, elle pourrait se donner bonne conscience en pensant qu’elle aurait permis la sauvegarde d’un membre de l’Ordre du Phénix !
Les mangemorts s’agenouillèrent devant le Seigneur des Ténèbres en signe de soumission, mais lorsqu’il leur fit signe de se relever, ils n’obéirent que pour s’incliner à nouveau, cette fois, devant Eilane. Drago et le garçon regardèrent la scène un instant ébahis avant de se reprendre: cela n’avait, en fait, rien de très étonnant qu’ils aient autant de respect pour leur maître que pour Miss Snake si on prenait en compte son ancien rang au sein des Ténèbres. Bellatrix fut la seule à ne pas bouger, montrant clairement sa réticence à accepter Eilane dans le même camp qu’elle-même.
Les joues de la jeune femme rougirent légèrement tandis qu’elle demandait aux mangemorts de se remettre debout. Elle avait à peine eu le temps de finir sa phrase lorsqu' un premier habitant de Poudlard poussa un hurlement strident du haut des marches qui menaient au hall d’entrée. Il s’agissait de Lavande Brown. Elle était descendue prendre son petit déjeuner en avance et ne s’attendait sans doute pas à tomber sur une véritable armée. Elle resta un instant prostrée sans savoir quoi faire, regardant avec des yeux exorbités l’horreur qui s’offrait à elle. Seamus Finnigan accourut à l’entente de son appel, et se retrouva, lui aussi, bouche bée face à Voldemort et ses alliés. Alors que Lavande ne semblait plus capable de faire un geste, Seamus lui, dans un élan de bravoure, sortit sa baguette magique de sa poche et la tendit vers les mangemorts.
-S’il faut mourir aujourd’hui, alors je mourrai en me battant ! s’exclama-t-il sous les rires moqueurs de ses adversaires.
Puis soudain il réalisa que parmi cette armée se trouvaient plusieurs têtes connues.
-Harry ? Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?
Le garçon ne répondit pas… Il n’était plus Harry, cette question ne le concernait pas !
-Et toi Drago, tu as finalement rejoint ton père avec les mangemorts ?
A chaque phrase qu’il disait, Seamus descendait une marche de l’escalier. Son air se voulait désinvolte et accusateur, mais les tremblements de sa voix montraient le peu d’assurance dont il faisait preuve et la pâleur de son visage ne cachait pas la peur que l’on pouvait également lire dans son regard. Il tourna ensuite les yeux vers Miss Snake, qui se tenait toujours à côté de Voldemort.
-Vous ! Je croyais que vous étiez de notre côté… Vous nous avez trahis… Vous…
Les mots lui manquaient, tant la colère était intense. Il descendit encore une marche, une de trop…
Lucius, fatigué par ses élucubrations, pointa sa baguette dans la direction de Lavande toujours figée sur place par la terreur.
-Si tu ne la fermes pas, idiot, je la tue !
-De toute manière, vous allez tous nous tuer, n’est-ce pas ? s’exclama Seamus.
-Avada Kedavra ! lança Lucius, levant les yeux au ciel en signe d’exaspération.
Un jet de lumière verte sortit de sa baguette magique et se dirigea à une allure vertigineuse sur Lavande. Seamus n’eut que le temps de s’interposer. Le jet de lumière le frappa de plein fouet et il dégringola les escaliers jusqu’en bas, raide mort, les yeux grands ouverts dans lesquels se reflétaient la peur, la haine et l’incompréhension. Lucius lança un deuxième sortilège mortel et Lavande Brown s’écroula, elle aussi, en haut des marches.
Les mangemorts éclatèrent d’un rire cruel tandis que la troupe de Vélanes faisait onduler leurs cheveux d’argent en signe de joie malveillante. Seule Eilane ne riait pas, elle regardait à la fois horrifiée et prise d’une fascination morbide, le corps de Seamus qui avait presque roulé jusqu’à ses pieds.
-Allez-y ! s’exclama Voldemort tandis qu’il attrapait le poignet de la jeune femme et l’entraînait loin des mangemorts.
-Lâche-moi ! lui ordonna-t-elle, furieuse, mais Voldemort serra d’avantage son poignet et la força à avancer.
-Dis-moi au moins où tu m’emmènes ! se résigna la jeune femme en voyant qu’il ne la laisserait pas partir.
Il la poussa dans un coin plus sombre du couloir qu’ils arpentaient à présent et posa un doigt sur ses lèvres pour la faire taire.
-Invisibile !
La voix de Voldemort résonna et au même instant l’atmosphère du lieu sembla se modifier pour devenir plus dense. Eilane dû s’y prendre à deux fois avant de retrouver son souffle. Elle avait l’impression de respirer de l’eau comme si toute l’humidité que le château renfermait s’était soudain condensée à cet endroit.
Tout à coup, le décor changea autour d’elle et elle se retrouva à nouveau dans le hall mais, cette fois, en haut des escaliers, à quelques mètres seulement du corps de Lavande. Elle lança un regard interrogateur à Voldemort.
-Un petit tour de passe-passe, rien de plus, expliqua-t-il en haussant les épaules.
En bas des marches, la bataille faisait rage. Plusieurs élèves et quelques professeurs étaient au prise avec un groupe de Vélanes dont la beauté avait fait place à un plumage aussi noir que celui d’un corbeau. Elles lançaient sur eux des jets de flammes qu’ils tentaient d’esquiver du mieux qu’ils le pouvaient grâce aux sortilèges de protection. A côté, plusieurs géants cassaient tout ce qui tombait sous leurs lourdes mains. Les mangemorts, eux, avaient dû monter dans les étages ou se rassembler dans la grande salle car Eilane ne les aperçut pas. Instinctivement, elle s’avança vers la rambarde de l’escalier pour mieux voir ce qui se passait en-dessous. Le garçon se trouvait toujours au milieu du hall d’entrée. Il ne faisait rien, se contentait d’observer, le regard dans le vague, l’assaut qui se déroulait tout autour de lui.
-Ils ne nous voient pas ? demanda Eilane lorsqu’elle réalisa enfin qu’aucun des combattants n’avaient levé les yeux vers eux depuis leur remarquable arrivé.
Voldemort s’approcha de la jeune femme et lorsqu’il parla, Eilane sentit son souffle réchauffé sa nuque refroidie.
-Le sort que j’ai lancé tout à l’heure servait à cela !
-Mais pourquoi ne pas te montrer puisque tout le monde se doute sûrement de ta présence ?
Cette fois, Voldemort ne répondit pas. Toujours derrière elle, il s’avança encore d’avantage, jusqu’à la frôler et écarta doucement ses cheveux noirs afin de dégager son cou et d’y déposer un baiser.
Eilane sentit son cœur s’accélérer mais ses yeux ne pouvaient se défaire du spectacle d’horreur qu’elle observait depuis la rambarde où ses mains s’étaient fermement agrippées.
-Ils vont mourir, Eily !
Eilane se sentit frémir lorsque Voldemort lui chuchota à l’oreille. Sa voix ne se voulait pas vraiment cruelle malgré ses paroles.
-Que diraient-ils, tes anciens amis, s’ils savaient…
Il l’embrassa à nouveau dans la nuque tandis que sa main droite descendait le long de ses hanches. Eilane voulut se retourner mais il l’en empêcha de son autre main qu’il posa sur son ventre, la maintenant à sa place.
-Regarde-les, tes pitoyables amis, se démener avant de perdre la vie ! C’est en partie ton œuvre, ma belle, je n’y serais pas arrivé sans toi, et je t’en suis très reconnaissant !
Il agrippa le tissu fin de la robe de la jeune femme et le remonta doucement. Puis il la dénuda de ses sous-vêtements.
-Que diraient-ils, s’ils apprenaient ce que nous sommes en train de faire tandis qu’ils périssent les uns après les autres, et sous tes yeux en plus !
Eilane, les larmes aux yeux, le visage enflammé par le désir, regardait Luna Lovegood venant de rendre l’âme.
Doucement, Voldemort laissa glisser sa main gauche jusqu’au bas ventre de sa compagne et entreprit de caresser avec ardeur son intimité, explorant tous ses recoins, s’attardant sur ses points sensibles. Puis, sans autres préliminaires, deux de ses doigts pénétrèrent brusquement en elle et lui arrachèrent un gémissement de satisfaction. Il les fit bouger ensuite, d’abord mollement puis de plus en plus vite et de plus en plus loin, avide du moindre soupir que lui offrirait Eilane.
-Ils seraient sûrement choqués que tu aimes autant ce que je te fais, tu ne crois pas ? lui chuchota-t-il encore, d’une voix à la fois envoûtante et perverse.
-Tom…, murmura Eilane.
-Oui, ma belle ?
Elle ne répondit rien, mais cela faisait bien longtemps qu’elle et Voldemort n’avaient plus besoin de parler pour savoir ce que l’autre pensait.
-Si tu souhaites que j’arrête, dis-le ! continua-t-il.
-Je…
Au même moment, alors qu’elle s’apprêtait à finir sa phrase, elle le sentit s’introduire lentement entre ses reins tandis que ses doigts continuaient de s’affoler dans l’humidité de son intimité et elle ne put retenir un gémissement de surprise et de contentement.
-Tu veux vraiment que j’arrête ? lui demanda-t-il sur un ton des plus charmeurs tout en bougeant doucement derrière elle.
Elle se mordit les lèvres de plaisir et ne répondit rien. Voldemort sourit et se mit à aller et venir en elle. Il la sentait, frémissante et tremblante, sous ses caresses. Ses doigts s’enfonçaient de plus en plus sauvagement dans sa chaleur. Il accélérait le rythme de ses va et viens tout en embrassant sa nuque réchauffée par tant d’ardeur.
-Tu adores ça, admets le, ce côté pervers, ça ne te déplaît pas ! lui chuchota-t-il à l’oreille tout en devenant plus brusque.
-Je ne dis pas le contraire, répliqua Eilane entre deux gémissements.
En bas des escaliers, tout juste sorti de la grande salle, Rémus apparut, sa baguette magique à la main. Les yeux d’Eilane s’agrandirent lorsqu’elle l’aperçut mais elle se sentait incapable de demander à son amant de s’arrêter. Voldemort, lui aussi, avait remarqué le lycanthrope.
-Jamais il ne t’aurait autant contentée, Eily… Il est bien trop sage pour toi, s’amusa-t-il.
Eilane tenta de se libérer, mais Voldemort la maintint contre la rambarde avec force.
-Tu tiens tellement à lui ?
Cette fois, la fureur s’entendait dans sa voix et dans la violence soudaine de ses mouvements.
-Laisse-moi !
-Jamais ! s’exclama le Seigneur des Ténèbres.
Tandis qu’il continuait ses caresses incessantes, sa main droite s’empara de sa baguette magique et avant qu’Eilane comprenne ce qui se passait, il la pointa vers Remus Lupin.
-Avada Kedavra !
-Nooooooooon, hurla la jeune femme tout en donnant un coup dans le bras de son amant. Le jet de lumière verte fut dévié de sa cible et frappa de plein fouet une colonne de pierre. Elle vacilla un instant puis commença sa chute. Lupin eut à peine le temps de la voir s’effondrer avant de se retrouver bloqué dessous.
-Tu m’avais donné ta parole ! s’exclama Eilane en se dégageant violemment de Voldemort
-Tu croyais vraiment que j’allais épargner cet insignifiant sang-mêlé ?
Elle ne lui accorda pas une parole et accourut, sa robe à peine remise en place, auprès de Remus.
-Visibile, murmura-t-elle, afin de réapparaître aux yeux de tous.
Remus était conscient et lui sourit lorsqu’il la vit soudain au-dessus de lui.
-Je savais que tu ne nous abandonnerais pas ! dit-il dans une grimace de douleur.
La jeune femme regarda la colonne qui coinçait le corps de Lupin. Du sang s’éparpillait sur le sol et imprégnait les dalles.
-Par Morgane, qu’ai-je fait ?
Des larmes ruisselaient sur ses joues. Elle réalisait à présent tout le mal dont elle était coupable. Autour d’elle, des dizaines de gens mouraient, pour beaucoup âgés d’à peine seize ans. Elle devait arrêter cela. Elle était la seule à le pouvoir.
-Hagrid ! s’exclama-t-elle pour elle-même. Rémus, où est Hagrid ?
-Dans la grande salle ! La plupart des mangemorts y sont aussi , expliqua faiblement Lupin.
Eilane déposa un baiser sur son front couvert de perles de sueur.
-Je vais revenir ! On te sortira de là !
Elle se releva d’un bond et courut en direction de la grande salle. Dedans, en effet, une bataille toute aussi acharnée faisait rage.
-Hagrid, hurla-t-elle, en voyant le demi-géant aux prises avec une Vélane qui l’avait envoûté et s’apprêtait à lui lancer une énorme boule de feu. La voix d’Eilane le sortit de sa rêverie juste à temps pour éviter le projectile et assommer la créature d’un seul coup de poing.
-J’ai besoin de ton aide ! Tout de suite !
Hagrid vint le plus rapidement qu’il le put jusqu’à son amie et elle l’emmena dans le hall d’entrée où le sang de Lupin se déversait toujours.
-Il faut le dégager, je t’en prie !
Hagrid acquiesça tandis qu’Eilane partait déjà en direction du parc.
-Où vas-tu ?
Mais elle était déjà sortie et n’entendit même pas la question du demi-géant. En haut des marches, le garçon lui faisait face et l’empêchait de passer.
-Pousse-toi !
-Non ! répondit-il avec véhémence.
-C’est un ordre !
-Je n’ai plus d’ordre à recevoir de toi… Je sais tout de ce qui se passe ici… Je sais ce que tu t’apprêtes à faire, je t’en empêcherai !
-Tu le crois vraiment ? le défia la jeune femme.
Au même instant une brume épaisse emmitoufla le château et ses alentours à une allure surnaturelle. Le garçon ne sut comment elle avait procédé mais fut persuadé que ce brouillard émanait d’Eilane elle-même. Il ne la vit pas passer à quelques centimètres devant lui, et ne la vit pas non plus se diriger, dans un dernier espoir, vers le puits aux âmes…
Chapitre 20 : Là où tout commença
Il faisait froid dehors et la brume ne permettait pas une très bonne orientation. Elle avançait pourtant, guidée par un instinct maternel qu’elle n’avait jamais possédé auparavant, au milieu des arbres et des mauvaises herbes recouvertes par le givre matinal, en direction du puits aux âmes. Elle se fichait des ronces qui griffaient ses jambes et déchiraient sa robe, ou des branches basses qui giflaient son visage
Elle aurait bien eu du mal à expliquer pour quelle mystérieuse raison elle savait qu’elle devait se rendre précisément à cet endroit-là, mais elle en ressentait la certitude, et cela lui suffisait amplement. Elle devait réparer ce qu’elle avait fait, ce qu’elle avait permis. Elle savait ce que cela signifiait et ne voulait surtout pas y penser, sous peine de renoncer à cet acte héroïque. Elle allait tout y perdre… Lupin semblait faible et trop de sang s’était évadé de lui pour qu’il s’en sorte. La moitié des habitants de Poudlard était en train de mourir et elle en serait sûrement rendue responsable. Puis, enfin, si son entreprise fonctionnait comme elle l’escomptait, alors lui aussi, elle le perdrait à tout jamais. Mais de toute manière, elle l’avait déjà perdu depuis longtemps.
Elle s’arrêta un instant, scrutant les alentours, écoutant le moindre murmure. La forêt interdite était plus silencieuse encore que d’habitude et cela renforça son sentiment d’effroi. Pour être certaine de ne pas s’égarer, il lui aurait fallu relever la brume magique qu’elle avait appelée, mais elle préférait que personne ne risque de voir où elle se rendait, ni n’essaye de l’empêcher d’agir comme elle aurait dû le faire il y avait de cela bien longtemps.
Elle se remit en marche après avoir retrouvé son chemin. C’était certainement une chance pour elle d’avoir un aussi bon sens de l’orientation. Un don de plus parmi tous ceux qu’elle possédait.
Enfin, elle arriva dans la petite clairière où le ruisseau, malgré le gel, chantait toujours. Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’elle fit disparaître la brume.
Elle s’approcha, sans réfléchir, du puits aux âmes et regarda à l’intérieur. Le conduit n’était pas très profond mais assez large pour qu’une personne puisse s’y glisser. Elle enjamba le muret de pierre et, muée par l’instinct, se laissa tomber au fond . Un parfum de terre mouillée parvint à ses narines, mais ce ne fut pas cela qui attira son attention. Une autre odeur, moins forte mais bien présente, se dégageait de la paroi…Une odeur, presque nauséabonde, de décomposition. Une fois de plus sans réfléchir, elle commença à gratter de ses doigts la terre qui composait les murs du puits. Elle s’acharna sur la paroi, ne sentant pas le froid qui gelait ses mains et gerçait sa peau. Et soudain, l’odeur se fit plus présente. Elle accéléra son entreprise et trouva bientôt ce qu’elle cherchait. Elle ne put s’empêcher de porter une main boueuse à sa bouche en apercevant le minuscule corps étrangement conservé, qui avait dû être emmuré là, une cinquantaine d’années auparavant. Elle sentit une vague de nausée monter en elle mais s’empêcha de se laisser aller. Elle prit le bébé dans ses bras, le portant avec délicatesse comme si elle s’apprêtait à le bercer et entreprit de ressortir du puits.
Elle repartit ensuite en courant vers le château où elle espérait qu’il resterait encore quelques personnes à sauver.
Lorsqu’elle pénétra dans le hall d’entrée, elle vit immédiatement Lupin, allongé dans un coin, gardé de près par Hagrid qui combattait un géant deux fois plus grand que lui. Des bruits de sortilèges parvenaient de la salle des banquets et de temps à autre, des jets de lumière s’échappaient des portes grandes ouvertes. Dans tout ce capharnaüm, le garçon, retourné à l’intérieur, n’avait que peu bougé… Il était resté piqué debout au beau milieu du hall d’entrée, résigné de ne pas avoir pu empêcher l’entreprise d’Eilane. Lorsqu’il la vit, le bébé dans les bras, il comprit ce qu’elle s’apprêtait à faire mais ne fit même pas un geste pour contrer le sortilège.
-Restitue ! cria-t-elle en levant le nourrisson au-dessus de sa tête.
Une lueur blanchâtre sembla s’extirper du corps du garçon tandis que le même phénomène étrange se produisait sur le bébé. Les deux lumières se croisèrent et vinrent rejoindre leur propriétaire légitime.
Le garçon, perdant connaissance, s’affala sur le sol. L’anneau qu’il portait au doigt réapparut soudain et tomba dans un tintement sur la dalle gelée.
Eilane déchira un morceau du bas de sa robe, déjà en lambeaux, et enveloppa dedans le corps de son fils, affreusement petit. Elle le déposa délicatement dans un recoin du château que les géants n’avaient pas encore détruit et où elle espérait que personne ne viendrait y toucher.
Elle s’avança ensuite vers Harry, inanimé et s’accroupit à ses côtés.
-Réveille-toi ! Je t’en prie !
Harry ouvrit ses yeux vert émeraude, et commença à se hisser à l’aide de ses coudes. Mais il eut un mouvement de recul en voyant Eilane Snake devant lui. Il se souvenait de tout ce qu’il avait fait, de tout ce qu’il avait vu depuis que l’anneau le possédait. Il sentit une affreuse envie de vomir monter jusqu’à sa gorge et eut tout juste le temps de se tourner avant de rendre son dernier repas.
Il regarda autour de lui… Il aperçut les cadavres de Dean, Luna et Lavande, réalisa que sans doute beaucoup d’autres de ses amis se faisaient massacrer en ce moment même dans les étages et comprit ce qui lui restait à faire. Poudlard ne serait bientôt qu’un funeste souvenir, tout cela parce que lui, Harry, avait, un soir, enfilé un fichu anneau. Il finit de se relever et partit en courant vers le bureau de Dumbledore, laissant Eilane seule avec ses propres remords.
La jeune femme entra quelques instants plus tard dans la grande salle, trébuchant sur le corps inerte de Rogue. Elle faillit pousser un cri d’effroi en réalisant que lui aussi avait perdu la vie mais il ne fallait pas qu’elle se laisse apitoyer. A quelques mètres de là, Voldemort observait les membres de l’Ordre du Phénix encore debout lutter avec bravoure contre ses cruels mangemorts.
Il se retourna en sentant la présence de la jeune femme, mais ses yeux turquoise lui jetèrent des éclairs de fureur.
-Tu as choisi le camp des perdants ! lui fit-il remarquer haineusement.
Il jeta à nouveau un coup d’œil aux combattants et leva sa baguette magique.
-Dis-leur adieu, Eily !
Mais avant qu’il ait pu lancer le sortilège, la voix masculine de Harry retentit derrière lui.
-Vous n’avez pas encore gagné !
Le Seigneur des Ténèbres regarda l’adolescent qui lui faisait face, une expression de défi sur le visage, sa baguette magique dans une main, l’épée de Goddric Gryffondor dans l’autre.
-Comment ?...demanda Voldemort décontenancé.
Puis ses yeux se tournèrent vers Eilane et il eut tout juste le temps de comprendre avant que Harry ne se jette sur lui pour une bataille effrénée.
Eilane les contempla, muette, ne sachant qui elle souhaitait voir gagner ce duel.
-Tu n’aurais pas dû faire cela ! s’exclama Bellatrix, plus rageuse que jamais, tout en pointant sa baguette magique sur Eilane.
-Voyons, tu ne crois tout de même pas que tu vas pouvoir me battre… « Bella » !
-J’ai beaucoup appris auprès de notre cher maître.
-J’en tremble déjà de peur ! s’exclama calmement Eilane avec ironie.
-Très bien, puisque tu te crois si forte, montre donc ce que tu sais faire !
-Flamae Protego ! murmura Eilane en levant les yeux au ciel, et un bouclier de feu l’enveloppa entièrement.
-Endoloris ! hurla Bellatrix.
Mais le sort ricocha sur le dôme de flammes et elle dû se baisser pour éviter qu’il ne se retourne contre elle.
-Tu crois vraiment que tu es devenue puissante parce que tu es la mangemort préférée de Tom ?
-Ne l’appelle pas ainsi ! s’écria Bellatrix avec haine.
-C’est pourtant ainsi qu’il s’appelle, Bella !
Eilane fit disparaître le bouclier d’un simple geste de la main et Bellatrix lança un second sortilège Doloris. La Vélane l’esquiva vivement et répliqua à son tour.
-Serpentbrumae !
Un mince filet de brume émana de la jeune femme elle-même et prit la forme d’un serpent qui se faufila à la vitesse de l’éclair jusqu’aux pieds de Bellatrix dont il entoura les chevilles de son corps solide et vaporeux.
Une fois de plus, Bellatrix lança un troisième sortilège impardonnable. Sans prononcer une parole, Eilane leva la main devant elle et serra le poing. Le jet de lumière du sortilège stoppa net et se mit à flotter dans les airs sous le regard ahuri et horrifié de son adversaire. Puis la Vélane dessina un petit cercle avec ses doigt et le sort fit demi-tour sur lui-même avant de repartir à toute vitesse ricocher sur un mur à quelques centimètres de Bellatrix qui sursauta en le sentant siffler à ses oreilles.
-Tu ne peux pas faire mieux que ça ? s’amusa Eilane. Je me demande vraiment comment tu as pu l’intéresser !
-Moi, au moins, je n’ai jamais trahi le Seigneur des Ténèbres ! fit remarquer Bellatrix. Mais toi, tu es à présent incapable de choisir ton camp ! Tu as bien changé… Autrefois, tu aurais déjà tenté de me tuer au lieu de simplement faire tes petits tours de passe-passe !
Eilane lança un deuxième serpent de brume qui emprisonna le corps et les bras de sa rivale.
-Oh non, je ne vais pas te tuer, Bella, lui chuchota-elle cruellement en s’approchant. Te faire souffrir le martyre sera bien plus plaisant !
Bellatrix, incapable de faire un mouvement tant les liens vaporeux serraient ses membres, regarda Eilane, alarmée, la gorge trop sèche pour parler.
La Vélane s’empara d’elle et la tourna en direction de Voldemort et Harry, toujours occupés à se battre avec ardeur.
-Il ne viendra pas te sauver cette fois, Bella… Il se contrefiche de toi !
Elle la jeta violemment par terre.
-Tu n’es rien à ses yeux… tu n’as jamais rien été d’ailleurs… et bientôt tu ne seras plus rien du tout, pour personne !
Au même instant, un peu plus loin dans la salle, Hermione venait d’être terrassée par un sortilège de Lucius Malefoy. Quelques secondes plus tard, Ron s’écroulait, lui aussi.
Eilane, de plus en plus enragée, tendit les mains en direction de Bellatrix.
Elle ne dit aucune formule mais un jet de flammes rougeoyantes se jeta sur son adversaire qui hurla de douleur, se tordit frénétiquement de souffrance et la supplia d’arrêter. Quelques instants plus tard, le feu disparut et Bellatrix, le corps affreusement brûlé, reprit faiblement ses esprits.
-Tu vois… Tu ne mourras pas ! Pas tout de suite en tout cas… Je ne doute pas que ces brûlures te soient fatales dans quelques jours, mais il va te falloir souffrir avant ! s’exclama Eilane, sereinement, un sourire sur les lèvres.
-Tu crois que tu agis pour le bien…Mais tu seras toujours mauvaise, haleta Bellatrix entre deux grimaces de douleur avant de perdre à demi connaissance.
-Vous allez payer tout ce que vous avez fait à mes amis ! s’exclama Harry, un peu plus loin.
Il tenta de lancer un nouveau sort à l’aide de sa baguette magique mais Voldemort l’esquiva.
Le Seigneur des Ténèbres faisait bien attention à ne pas jeter un sortilège en même temps que Harry, ne sachant que trop bien ce qui se produirait dans ce cas-là.
-Avada Kedavra ! cria-t-il, alors que l’adolescent tournait la tête pour voir Dumbledore, victime d’un puissant maléfice, être fait prisonnier par Queudver et Malefoy père et fils.
Eilane s’interposa entre Voldemort et l’adolescent juste au moment où le jet vert traversait la pièce et fut frappée par le sortilège de mort.
Les deux combattants la regardèrent, pétrifiés, illuminée par la lumière verte. Alors que toute autre personne serait morte instantanément, s’écroulant sur le carrelage, Eilane, elle, s’éleva dans les hauteurs, entourée de milliers de petites lucioles couleur émeraude. Elle avait le regard dans le vide, mais ses yeux reflétaient encore la vie. La bille au sein de son pendentif se mit à briller de mille feux et attira à elle les lucioles qui virevoltèrent encore quelques instants avant d’être aspirées par le bijou. Eilane redescendit doucement vers la terre ferme, comme portée par des nuages et se retrouva allongée sur le sol, faible mais vivante, troublée par ce qui venait de se passer.
-Reprenons, là où nous en étions ! décida Voldemort après avoir jeté un dernier regard vers la jeune femme.
Harry, qui avait recouvré ses esprits, ramena à lui toute la vigueur dont il faisait encore preuve, brandit son épée au-dessus de sa tête et fonça droit sur le Seigneur des Ténèbres qui baissa sa baguette magique.
Personne ne sut exactement comment l’adolescent s’y était pris, mais quelques instants plus tard, la lame de Goddric Gryffondor se plantait dans le ventre de Voldemort.
-Nooooooooooooooooooooooooooon ! hurla Eilane, mais déjà le sang de son ancien amant s’écoulait de sa plaie et de ses lèvres entrouvertes.
Elle rassembla les quelques forces qui lui restaient et rampa jusqu’à Voldemort.
Autour d’eux, plus personne ne se battait. Hermione, seulement blessée, soutenue par Ron, qui lui aussi n’avait reçu aucun coup mortel, s’immobilisa. Queudver arrêta d’attacher les poignets de Dumbledore avec des liens magiques… Tous regardaient les derniers instants du si redouté Seigneur des Ténèbres.
La blessure ne lui permettait plus de faire fonctionner ses charmes et il reprit, aux yeux de tous, son apparence originelle…celle qu’Eilane aimait tant ; celle d’un homme, comme n’importe quel autre, aux traits fins, aux yeux bleu turquoise, au visage presque angélique.
-Je savais que cela finirait ainsi ! murmura-t-il.
Eilane secoua la tête. Son regard était tellement embué qu’elle ne voyait presque plus rien.
-Ne dis pas ça… Je vais m’occuper de toi, tout ira bien !
-Non, Eily… tout ne va pas bien depuis trop longtemps… Et c’est à toi d’en finir !
Les yeux de la jeune femme s’agrandirent lorsqu’elle comprit ce qu’il lui demandait.
-Non, je ne peux pas… Je n’en aurai pas la force !
-Bien sûr que si… J’ai confiance en toi, ma belle ! rétorqua Voldemort dans un râle.
-Je t’aime ! sanglota Eilane, les larmes s’étranglant dans sa gorge.
-Je sais…
-Ferme les yeux !
Elle posa alors un dernier baiser sur les lèvres de son amant, empoigna l’épée encore dans son ventre, la retira d’un coup sec avant de la replanter, plus profondément, au beau milieu de son cœur.
Elle s’effondra, en pleurs, sur le corps de Voldemort, incapable de regarder en face son visage livide et ses yeux restés ouverts où plus rien désormais ne vivait.
Au même instant, la voix des puissances, composée de milliers de murmures, accompagnée de terrifiants vrombissements, surgit des profondeurs de la terre et se répercuta sur les parois de la grande salle.
-Le Seigneur des Ténèbres a péri… Le pacte que nous avions conclu avec toi, Eilane Dierna Snake est à présent rompu… Toutefois, nous avons une proposition à te faire !
Eilane releva la tête.
-Je vous écoute, s’exclama-t-elle d’une voix chevrotante.
-Voldemort vaincu, le mal, à présent, n’a plus de maître, à moins que tu ne décides par toi-même de nous rejoindre… Nous ne connaissons pas tout de l’avenir mais nous savons beaucoup de toi… et il ne fait aucun doute pour nous que tu remplacerais dignement celui que tu secondais autrefois !
-Quoi ? s’étrangla Ron qui faillit en perdre l’équilibre et faire tomber Hermione.
-Jamais… Vous entendez ! hurla Eilane. Le temps de la haine et de la guerre est fini, jamais plus je ne servirai votre cause !
-Nous respectons ce choix, Eilane Dierna Snake, notre estime pour toi, enfant des mystères, restera immense… Prends garde, le chemin que tu prends s’achèvera bientôt.
Les voix s’éloignèrent lentement avant de disparaître à la fin de la phrase.
Eilane, épuisée et mortifiée, se releva lentement. Sa robe en lambeau était imprégnée du sang de Voldemort mais elle ne s’en soucia pas. Ses cheveux, peu de temps plus tôt encore noirs comme le jais, avaient repris leur blondeur argentée d’antan.
-Harry, est-ce que ça va ? demanda-t-elle sans se retourner.
Aucune réponse.
-Harry ?
Elle regarda autour d’elle. Personne. L’adolescent avait disparu.
Chapitre 21 : Rédemption
« Je ne mange plus, je ne dors plus…les sourires depuis longtemps ont déserté mes lèvres marquées par l’amertume… les larmes refoulées n’embuent plus mon regard désabusé, je ne pleure pas…je n’en suis plus capable…
Le monde pour moi, est devenu vide et noir… Un abîme profond dans lequel ma vie semble sombrer chaque jour davantage… Tout a basculé si rapidement… Il a suffit de quelques fractions de secondes pour que tout disparaisse dans l’obscurité.
Je voudrais crier, hurler la tristesse et la souffrance qui rongent si intensément mon âme tel un poison mortel, mais je n’en ai plus la force…et je me tais, je m’enferme dans ce tombeau de silence tellement doux et confortable, qui m’évite d’affronter en face la terrible réalité…
A présent que tout est fini, que l’espoir s’est échappé de moi, je me sens plus seule que jamais…
Seule, je ne le suis pourtant pas. Remus est encore à mes côtés… mais je sais que bientôt il me quittera, lui aussi…Ses blessures sont profondes et les mages anglais disent qu’ils ne peuvent plus rien pour lui. J’ignore combien de temps il restera encore conscient. J’espère seulement que nous arriverons avant qu’il ne perde à tout jamais connaissance.
Il souffre beaucoup, et pas seulement à cause de ses plaies. Il voit ma détresse comme nul autre ne peut la voir et en connaît mieux que quiconque la cause…J’aurais aimé lui cacher mes sentiments, pour l’épargner un peu… mais cela également m’est impossible. Je ne peux lui mentir…
La brise souffle sur mon visage, tandis que quelques vagues viennent bercer la barque dans laquelle Rémus et moi avons pris place. Elle vogue vers mon dernier espoir, m’emmenant loin de ce chagrin qui m’envahit plus encore à chaque minute…Il ne s’agit là que d’une fuite vouée à l’échec, j’en suis consciente…car c’est moi-même que je tente de fuir à travers cet ultime voyage. Je sais que cela ne me sauvera plus… qu’il est trop tard pour ma rédemption, comme il est trop tard pour sauver la vie de mon deuxième amour… Mais j’ai besoin, plus que tout à présent, de ce dernier retour aux sources… J’entends Remus gémir à mes côtés… Une épaisse couverture réchauffe ses membres endoloris mais il grelotte de froid. Il ne finira pas le trajet, j’en suis certaine…C’est ainsi qu’il a choisi de quitter son corps… avec moi, allongé sur une barque, perdue dans la brume, guidée seulement par le vent et l’ancienne magie, au beau milieu de nulle part, voguant sur l’océan… Je respecte ce choix, je ne me sens pas le droit de le lui refuser.
Il y a deux semaines seulement que la terrible bataille contre les mangemorts s’est déroulée à Poudlard, mais il me semble pourtant que plusieurs mois se sont déjà écoulés depuis. Deux semaines que Tom Jedusor a perdu la vie…
Je savais malgré moi que ce jour arriverait… que le trépas de Lord Voldemort semblait inévitable, que sa mort était le seul moyen de rétablir la paix… et même après avoir rejoint ses rangs, contre mon gré, je n’ai jamais vu d’autre issue à cette guerre stupide.
Pourtant je refusais d’accepter l’évidence tant elle me paraissait insupportable, tout comme je refuse à présent la mort de celui que j’aimais tant…
Je l’aimais oui… plus que tout au monde, plus peut-être même que ma propre vie… et j’étais la seule… sans doute les choses se seraient déroulées différemment si l’amour et l’affection avaient été au centre de sa vie dès son enfance, remplaçant ainsi la haine et le rejet… mais il est de toute façon bien trop tard pour refaire le passé… et malgré tous mes espoirs, mes sentiments à son égard ne l’ont pas sauvé de lui-même et de sa folie… J’aimerais être capable de dire que je ressens pour Remus un amour tout aussi puissant que celui que j’éprouvais pour Tom, mais ce serait, une fois de plus, me mentir à moi-même. Je tiens pourtant énormément à Remus, je ne m’en cache pas, mais jamais rien ne pourra remplacer ce que je percevais dans les bras de Tom… et je crois, telle une évidence, que cette terre, à présent, n’a plus rien à m’apporter que je n’ai déjà eu…
Maintenant toutes les choses qui m’entourent semblent avoir perdu leurs saveurs d’antan. Tom est mort devant mes yeux, et je n’ai rien pu faire pour empêcher l’inévitable. Je ne fus que spectatrice de cet affrontement dénué de sens qui opposait l’amour de ma vie à un garçon vers lequel allait tant de mon affection.
Les choses n’ont guère évolué par la suite : le ministre de la magie, Percy Weasley, fut destitué et accusé de collaboration avec les mangemorts. Le bruit court que le ministère sera à nouveau entièrement remanié.
Les rescapés de cette affreuse bataille ont été transportés à Sainte Mangouste pour y recevoir les meilleurs soins. Beaucoup pleuraient la mort de leurs amis, peu se souciaient de celle de Voldemort…Sans doute, dans d’autres circonstances, les membres de l’Ordre auraient souhaité faire la fête, mais les pertes étaient trop lourdes pour se réjouir d’une telle victoire.
Je pense que le monde de la sorcellerie ne sortira pas de son deuil avant de nombreux mois… peut-être même leur faudra-t-il plusieurs années pour oublier l’inoubliable… Presque chaque famille a perdu dans l’attaque de Poudlard l’un de ses enfants et je sais, par expérience, que la mort de ceux à qui l’on a donné la vie est celle qui nous affecte le plus.
Je crois que ce qui a également perturbé les survivants de l’assaut de Poudlard a été la disparition de Harry. Après sa victoire sur Lord Voldemort, plus personne ne l’a revu. Certains pensent qu’il avait été blessé, qu’il a succombé à ses plaies et que son corps n’a simplement pas été retrouvé sous les gravas, d’autres croient qu’il se cache, sûrement perturbé par le geste qu’il venait d’accomplir…
Quant à moi… j’ai une autre théorie, bien plus alarmante que toutes celles que les membres du monde de la magie ne pourraient jamais échafauder. Il faut savoir avant tout que l’art divinatoire est un don très fort dans ma famille… Un don que l’on enseigne de mère en fille, de générations en générations, depuis la nuit des temps ; et même si cela fait des années que je ne pratique plus cet art, il m’arrive encore parfois, pendant mon sommeil, lorsque mes sens s’éveillent aux mystères, de faire des rêves prémonitoires. Or, peu de temps après la bataille finale, j’ai eu une vision… La plus terrifiante et la plus effroyable de toutes.
Un endroit sombre, inconnu, apparut à moi. L’ambiance qui y régnait me rappela immédiatement le Quartier Général des Mangemorts mais le lieu en lui-même était différent, et sur les murs, aucun blason à l’effigie de la famille Serpentard ne trônait. J’entrevis ensuite une pièce…vaste, toute aussi sombre que le reste des lieux, faiblement éclairée,remplie de dizaine d’hommes et de femmes tous vêtus du même costume noir et rouge. Au centre de la salle dominait un siège de velours grenat sur lequel un adolescent était assis dans une pénombre cachant les traits de son visage…Les membres de l’assemblée s’inclinaient devant lui. Il ne se leva qu’un instant avant que je ne rompe, malgré moi, le lien de voyance, mais jamais je n’oublierai les deux yeux vert émeraude que j’aperçus. Je ne peux affirmer avec certitude qu’il s’agissait bien là de Harry, ni si cette vision représente un avenir immédiat ou un futur lointain, mais ne serait-ce pas, en fin de compte, logique que la vie ne soit qu’un long recommencement et que celui qui terrassa le Diable devienne à son tour démon ?…
Finalement, si mes pires craintes s’avèrent un jour vérifiées, au vue du résultat si peu glorieux que toute cette guerre nous aura apporté, je doute plus que jamais de toutes ces belles convictions qui m’animaient autrefois…
Poudlard n’existe plus à présent que dans nos souvenirs embrumés d’un passé trop présent encore aux esprits. Pourtant, il fallait que je retourne, une dernière fois, sur ce lieu si emprunt de sentiments personnels. Je crois que j’avais besoin de cela pour commencer à faire mon deuil, pour tenter vainement de me convaincre moi-même que tout était à jamais fini. C’est pourquoi j’ai refait le voyage depuis Londres il y a de cela deux jours. Le château n’était plus qu’un amas de gravas, la neige tombée, abondante, recouvrant les ruines d’un épais linceul blanc. Le silence mélancolique qui régnait dans cette vieille école pesait lourd sur ma conscience… Je suis responsable de cette tuerie… Jamais je ne pourrai l’oublier et même Remus, qui ne cesse de me répéter que les choses auraient été pareilles sans moi et que j’ai évité le pire, ne réussit qu’à me déstabiliser davantage. Reprenant mes esprits et mon souffle, j’escaladai quelques marches de l’ancien escalier qui menait jusqu’à l’entrée du collège et un spectacle de désolation s’offrit à moi. Les vitres cassées, la moindre pierre tombée, les marques de brûlures sur les murs, les traces de sang maculant le sol… chaque chose que je voyais devenait un poignard me transperçant plus profondément le cœur…Les cris, les sortilèges… tous ses bruits de bataille me revenaient cruellement en mémoire comme si l’édifice avait conservé une partie de l’horreur dont il avait été le théâtre. J’arrivai enfin dans la Grande Salle… Là où tout avait fini et là également, où, pour moi, il y a de cela de trop nombreuses années, tout avait commencé… Les émotions me submergèrent avec tant de violence que les larmes ne purent se retenir de dévaler mes joues, et mes jambes, sans que je le leur ordonne, me forcèrent à quitter cet endroit où la douleur s’emparait trop profondément de moi. Je ressortis du château, et me dirigeai vers le puits aux âmes… Là, moins de deux semaines auparavant, nous avions procédé à l’enterrement. L’endroit avait peu changé depuis la dernière fois… La neige recouvrait à présent la terre fraîche. Je m’agenouillai devant les deux tombes, l’une atrocement petite renfermait mon enfant que jamais je n’aurai eu le plaisir de chérir, l’autre, bien plus grande, avait été édifiée pour son père, Tom Elvis Jedusor. Aucune stèle n’indiquait leurs noms… Cela importe peu d’ailleurs… Tout le monde sait quels terribles évènements l’ancien collège Poudlard a abrité en son sein en cet hiver 1996. Quant au fait que Lord Voldemort y ait été enterré, plus personne, à part moi, ne se soucie de lui. Mes mains balayèrent la neige qui recouvrait la sépulture et se posèrent sur la terre retournée. On m’a enseigné, encore enfant, que tout était toujours lié à la terre, mais ce jour-là, je ne ressentis rien de plus que le contact froid du sol en la touchant. Ce qui m’étonna, en revanche, fut le petit rosier aux épines déjà acérées qui commençait à pousser sur cette étendue stérile. Et plus incroyable encore, ce petit rosier naissait de deux racines, l’une plantée dans la terre qui composait la tombe de mon fils, l’autre dans celle de la tombe de Tom. J’ignore ce que signifie ce phénomène mais, en cet instant, il me redonna une once d’espoir, et la force de décider, enfin, de quitter l’Angleterre.
En effet, à présent que le monde semble avoir retrouvé sa paix intérieur et que j’ai à tout jamais perdu la mienne, je crois qu’il est temps, pour moi, de rentrer auprès des miens.
Sur la barque, Remus pousse un nouveau râle et sors mon esprit de son vagabondage. Il est plus pâle que jamais et mon cœur se sert lorsque je comprends qu’il s’apprête certainement à pousser ses derniers soupirs. Je prends sa main dans les miennes. Elle est aussi glacée que du métal. Il tourne ses yeux vers moi et esquisse un sourire navré, tentant vainement de me cacher la douleur que j’ai déjà lue depuis longtemps en lui. Je le console, comme une mère l’aurait fait avec son enfant. Je sens ses forces vitales baisser, doucement, puis finalement le quitter tandis que mes yeux se remplissent, à nouveau, de pleurs incontrôlés. Cette fois, je suis vraiment seule…
Je me sens soudain vieille alors que jamais l’âge ne m’avait touchée auparavant… Je crois que la fin approche pour moi également mais il me reste une dernière histoire à raconter… celle d’une vie…celle d’une enfant non désirée que le destin, par ses plus chaotiques méandres, a mené jusqu’à cette barque perdue dans la brume… Mais chaque chose en son temps… l’écume des vagues se brise sur les falaises rocheuses d’une île en forme de crabe que j’avais quittée depuis de bien trop longues décennies. Ma barque, guidée par le vent et par l’ancienne magie, me mène jusqu’à un petit port de pêche…J’aperçois au loin le haut clocher de l’église Saint Pol… Un peu de sérénité revient en moi… Je suis enfin chez moi !
Nous sommes le 25 décembre 1996, je m’appelle Eilane Dierna Snake, et en ce jour de Noël si funeste, mon voyage est sur le point de s’achever… »