Notes : Enfin le chapitre 3, après quasiment 6 mois... Non je n’ai pas honte, même pas un peu... Enfin si quand même, mais sachez qu’il fait 32 pages ! J’espère que vous l’apprécierez. On en apprend un peu plus sur le monde où est tombée Hermione, et surtout on fait (vraiment) la connaissance d’un nouveau personnage.
Le titre du chapitre est celui d’une chanson de Aimee Mann.
Bonne lecture.
_________________________
Chapitre 3 : Ghost World
Samedi...
Je déteste ce jour, surtout en été. C'est celui que toutes les petites familles choisissent pour sortir et faire leurs courses et par conséquent celui où je n'ai pas une minute pour moi. ça a l'air facile comme ça, la gestion d'un magasin de Potions. D'ailleurs en semaine, ça l'est... Mais le samedi, ça se rapproche de l'Enfer. Surtout que je suis seule pour tout faire. L'accueil, les conseils, la vente, la surveillance, la gestion des stocks, le réapprovisionnement des étagères... Si au moins nous pouvions engager un autre vendeur, tout cela serait beaucoup plus gérable, mais Mère refuse... La boutique doit rester totalement sous l'exploitation de notre famille. Quelle idée... Une aide serait pourtant la bienvenue. Je me demande d'ailleurs comment fait Mère quand je suis à Hogwarts... Elle qui ne parle quasiment plus à personne. Si tu veux mon avis, elle ferme le week-end et décale quelques ventes de la semaine sur la page "Samedi" du registre... Eh, depuis quand je suis mesquine envers Mère ?! Parce que ça n'est pas mesquin de te laisser seule dans cette galère, peut-être ? Ca n'est pas une raison ! Il n'empêche que c'est certainement la vérité. De plus, ça expliquerait pas mal de choses... Toujours à vouloir avoir le dernier mot... Un jour ça va nous attirer des ennuis ! Bah, il n'y a aucun danger, tant que nous gardons tout pour nous... Comme hier après-midi avec Ethan ? Très belle démonstration de self-control... Eh, je n'y peux rien si nous le détestons ! Et tu peux parler mais tu aurais très bien pu aussi t'abstenir de dire ça. Ca n'est pas comme si tu n'avais pas ton mot à dire sur ce que tu racontes... Vraiment très drôle. Bon, ça n'est pas que je n'apprécie pas cette petite joute verbale avec moi-même, mais l'heure tourne et j'ai encore du travail.
Bien, il est 13h30, il me reste une bonne demi-heure avant la réouverture. Je dois encore réapprovisionner le rayon des poudres et des herbes, quelques tiroirs "Précieux" et surtout remettre en état l'étagère des livres pour enfants que des triplés ont mis sans dessus dessous ce matin... Pense à mettre un panneau sur la devanture "Interdit aux animaux, créatures magiques et enfants, même tenus en laisse..." Vieille marâtre ! C'est vrai ! Les enfants sont insupportables dès qu'ils sont dans un magasin ! Ca finit toujours par du bazar, des bris, des cris, des pleurs et une bonne migraine... Nous perdons notre temps, et notre pause déjeuner. D'ailleurs... Oui ? J'ai oublié de manger ! Encore ? Ai-je le temps de prendre quelque chose dans la cuisine ? Non... Tant pis.
*****
Enfin fini. Assise sur la dernière marche d'un escabeau en bois, à deux mètres du sol, je savoure mes cinq minutes de paix avant la reprise des hostilités, en grignotant des biscuits que j'ai trouvés derrière le comptoir. J'ai l'air aigri, mais j'adore ce magasin. Je ne sais pas ce que je ferais sans... Je compte réellement le reprendre quand j'aurai fini mes études, mais il y aurait de sérieuses modifications à apporter ! Comme cette histoire de famille. Je peux parfaitement comprendre l'envie de garder cette affaire dans le cadre familial, mais il y a des limites... Surtout que les Adayloth ne sont plus qu'une poignée sur tout le globe... Deux en Angleterre et quatre ou cinq en Océanie... Deux ici... Ma mère et moi... Dimanche dernier, c'était le treizième anniversaire de la disparition de Père, d'où l'état quasi-catatonique qui s'est emparé de Mère toute cette semaine. Comme chaque année... Mais cette fois, elle en est sortie plus tôt que prévu, avec la visite d'Aberforth en fin de matinée. Et je crois même qu'elle avait retrouvé ses repères quelques heures auparavant. Bizarrement, je n'ai pas eu le droit d'assister à leur entretien... Pourtant Aberforth ne discute jamais avec elle, c'est toujours à moi qu'il s'adresse... Les discussions de l'Ordre ne l’intéressent plus du tout depuis qu'elle a choisi de le quitter. Mais aujourd'hui, ils se sont enfermés dans le salon, sans même m'appeler...J'espère qu'il ne s'est rien passé de grave. Mais non, si c'était vraiment important, Sirius nous aurait contacté.
Le timbre de l'horloge dans l'arrière-boutique indique qu'il est temps d'arrêter de rêvasser. Je descends de mon piédestal et tire les rideaux des vitrines et de la porte, place le panneau d'indication sur « Ouvert" puis pars vers le comptoir. A peine arrivée au milieu de la pièce, un tintement de clochette m'indique l'entrée d'un client.
"Bonjour."
Quel magnifique sourire hypocrite. Désolé, mais c'est le mieux que je puisse donner pour le moment. Et s'il te plait, fais-toi un peu oublier, que nous ne recommencions pas comme hier... Très bien, si ça peut te faire plaisir. Et dire que nous ne sommes qu'à la moitié de la journée...
Une petite dame, replète et rousse, entre, toute sourire, suivie d'un garçon de mon âge et d'une fille à peine plus jeune. Les Weasley... Au moins, ce sont des gens gentils, et pas trop embêtants... Tu aurais pu tomber sur pire... Mais je vais arrêter oui ? Ca n'est pas le moment d'avoir une conversation avec moi-même. Se focaliser sur les clients, c'est ce que je dois faire.
Madame Weasley s'approche de moi et m'explique qu'elle a besoin des ingrédients de base pour Hogwarts, en me tendant une liste. Nul besoin d'en dire plus, je sais déjà que je dois aller piocher dans les pots de moindre classe. Les Weasley sont une famille vraiment pauvre, et acheter leurs fournitures scolaires doit être un vrai calvaire. Tous les ans, je voyais Ron dans l'incapacité de faire une potion correcte avec son matériel de mauvaise qualité. L'année dernière, j'ai fini par lui laisser une petite note, lui expliquant que nous avions un stock d'ingrédients de seconde zone, donc moins cher, mais qui restait quand même bien supérieur à tout ce qu'il pouvait trouver chez nos concurrents... Le message a l'air d'être passé...
Pendant que je remplis leurs paquets, je remarque que Ron est parti dans les rayons de livres. Plus loin, Ginny observe le contenu de l'étagère des plumes. Elle a le visage fermé et les yeux dans le vague. Elle tend la main vers une grande plume blanche d'autruche, retient son geste et prestement croise les bras dans son giron. Soudain, son frère apparaît dans mon champ de vision et me fixe. Quand il s'aperçoit que je regarde sa soeur, il me fusille du regard. Je ramène vite mon attention sur le sachet que j'ai entre les mains. Madame Weasley perçoit mon trouble, car elle se tourne vers ses enfants. J'en profite pour relever la tête et je vois Ron qui dévisage sa mère, rouge de colère. Puis soudain, il fait demi-tour et quitte la boutique en claquant la porte. Ginny, elle, n'a pas bougé. Je me demande si elle s'est même rendue compte de la scène...
"Je suis désolée..." je murmure.
Madame Weasley me regarde à nouveau, elle tente un petit sourire triste, mais je vois bien qu'elle est au bord des larmes.
"Ca n'est pas de votre faute. Je devrais même vous remercier pour l'avoir aidée. Si vous n'étiez pas intervenue, ça aurait sans doute été bien pire," me dit-elle en se reprenant. "Tu viens ma chérie, nous partons."
Madame Weasley est quasiment arrivée à la porte quand il me vient une idée.
"Attendez !" Je sors de derrière mon comptoir et je cours vers la vitrine aux plumes. Je prends délicatement celle que Ginny admirait quelques secondes plus tôt, et je la lui tends. "Un petit cadeau pour vous remercier d'être venues chez nous. Je ne pense pas que tu en auras l'utilité dans une potion, mais elle fera une très jolie décoration. Ou tu peux la tailler pour écrire avec, comme tu voudras."
Les mains de Ginny se serrent sur la tige de la plume et se mettent à trembler.
"Nous ne pouvons pas accepter, c'est beaucoup trop," me dit Madame Weasley gênée.
"J'insiste, ça me fait vraiment plaisir de la lui offrir."
"Merci infiniment," dit elle en partant.
Je les suis des yeux, jusqu'à ce qu'elles sortent du cadre de ma vitrine. Je ne reviens pas de la manoeuvre pathétique que j'ai utilisée pour tenter de me racheter. Pas de ma faute... Plus le temps passe et plus j'en doute. J'ai même la douloureuse impression que sans moi, ça ne serait pas arrivé... Du moins, pas comme ça. Mais je n'ai jamais pu le dire à qui que ce soit. ça aurait été leur donner la preuve que j'ai quelque chose à me reprocher. Et je ne peux pas me le permettre.
La cloche sonne à nouveau pour cette fois annoncer l'arrivée d'un homme d'une cinquantaine d'années. Quelques secondes plus tard, c'est une famille de cinq personnes qui entre, puis un couple. Je sens le déluge s'abattre sur moi... L'important c'est d'être polie, souriante et serviable... Répondre à leurs questions, aussi stupides soient-elles, et ne pas s'énerver. Finalement ce magasin et l'école, c'est quasiment la même chose... Quand je suis ici, je m'entraîne pour ma mission de l'Ordre, et quand je suis à Hogwarts, j'apprends à me maîtriser pour ma vie future. Mais quelle vie ai-je choisi ? Si j'avais su ce qui m'attendait dans les deux cas, j'aurais pris un temps de réflexion. D'un autre coté, j'aime ce que je fais. C'est comme partout, il y a des avantages et des inconvénients. Le magasin me permet d'élaborer des nouvelles Potions et l'Ordre me donne la possibilité de changer le monde. Il y a pire comme vie... Je pourrais être une... Weasley... Je pourrais être à la place de Ginny... Arrête d'y penser ! Si dans deux semaines, ils se rendent compte que tu ne t'en es pas remise, notre couverture va en prendre un coup ! Persuade-toi que tu n'as rien à voir avec cette histoire. C'est plus facile à dire qu'à faire. Et bien faisons de notre mieux ! Parfois il vaut mieux écouter sa raison que sa conscience... Et laquelle es-tu au juste ? Aucune, je suis la partie de toi avec laquelle tu passes ton temps à discuter, puisque tu n'as personne d'autre à qui dire tout ça... Ca ne me rassure vraiment pas. Tu te souviens du Sorcière Hebdo de Saïph qui préconisait des sessions chez un psychomage, pour des cas comme le nôtre ?
"Mademoiselle Adayloth !"
Je relève la tête brusquement. Devant moi se tient Monsieur Anderson qui me contemple avec désapprobation. Je viens de me faire prendre en plein délit de rêverie. Pas bon... Surtout avec le vieil Anderson... Tu vas en prendre pour ton grade.
"Monsieur Anderson ! Bonjour !" Je lui adresse un sourire hésitant.
"Ah, finalement ! J'ai crû que j'allais prendre racine !" rouspète-t-il.
Bon, je te laisse. A ce soir ! Non. Reviens ! Ne me laisse pas seule avec lui ! Allez, sois une grande fille ! Ca t'entraînera pour quand, après dix ans de thérapie, je ne serai plus là pour te soutenir ! Et voilà, je suis seule face au monstre qui me martyrise depuis des années... Chaque mois il vient ici, et chaque mois c'est la même chose. Des reproches sur nos produits, des questions dont il connaît déjà la réponse, et Merlin ne sait quoi d'autre... Qu'a t-il donc bien pu inventer aujourd'hui ?
"Je m'excuse pour le désagrément. Que puis-je pour vous ?" je tente de le calmer.
"Et bien, j'aurais quelques remarques à vous faire et j'aimerais aussi bénéficier de quelques conseils. C'est l'anniversaire de ma fille dans deux jours. Il me faut un cadeau," marmonne t-il.
"Mais très certainement," je soupire intérieurement, "et avez-vous déjà des idées ?"
"Non petite sotte, si j'en avais, je ne vous demanderais pas votre avis !" aboie t-il.
Rester calme à tout prix. Si je montre une seule once de faiblesse, je suis perdue...
"Et bien, tout dépend des goûts de votre fille. Préfèrerait-elle une potion, des onguents, ou plutôt un livre, du matériel et des ingrédients ?"
"Qu'est-ce que j'en sais moi ?"
Par Merlin et Viviane réunis, que quelqu'un me vienne en aide !!
"Je vais vous montrer ce que nous avons en rayon," dis-je en passant devant le comptoir. Je tente vainement de ne pas remarquer la douzaine de clients qui attendent d'être servis.
*******
"Ne vous inquiétez pas, je pense que c'est un parfait compromis," dis-je en emballant, dans du papier cadeau figurant des étoiles argentées scintillantes, un volumineux tome de "Potions et Secrets de beautés de nos Grand-mères". "êtes-vous certain de ne pas vouloir des ingrédients que nous avions choisis ?" je demande en jetant un coup d'oeil à la mallette et aux fioles qui reposent sur le comptoir à un mètre de nous.
"Certain ! Je reviendrai chercher le livre ce soir, j'ai encore quelques courses à faire," dit-il, sans même demander si cela pose un problème.
Finalement, Monsieur Anderson a entrepris aujourd'hui de me faire déplacer la quasi totalité de mes marchandises. J'ai dû lui montrer tous les ingrédients, et lui expliquer leurs effets. Tous ça en portant un panier qui s'alourdissait à chaque minute, pour tout compte fait ne prendre qu'un bouquin... Je me demande ce que nous avons bien pu lui faire, pour qu'il me fasse subir ça à chaque fois... Mais bon, point positif, la plupart des clients qui attendaient se sont découragés et sont partis.
Je sers rapidement une dame qui a attendu 45 minutes pour une poignée de gemmes et des écailles de Dragon, et je m'en vais remettre en place ce que Monsieur Anderson m'a fait déranger.
Les bras chargés de fioles en tous genres, je longe les étagères, tentant tant bien que mal de n'en faire tomber aucune. Soudain la clochette retentit et j'entame mon petit cérémoniel, fermer les yeux, soupirer intérieurement, ouvrir les yeux, pivoter avec un sourire po...
"Sirius !!" je m'exclame en y ajoutant mon premier sourire franc de la journée.
Il me rend mon sourire et c'est là que je remarque qu'il est suivi. Une silhouette féminine plutôt petite, avec des cheveux bruns très frisés.
"Toi !" je croasse.
Et avant que je m'en rende compte, les bouteilles sont déjà en miettes à mes pieds.
*******
"Voulez-vous une tasse de thé ?" demande Nina notre elfe de maison, à nos invités.
Sirius accepte d'un hochement de tête, la fille qui l'accompagne remercie l'elfe avec un sourire. Nina a un mouvement de recul, alors que je hausse un sourcil. Je n'ai jamais vu quelqu'un dire merci à un elfe. Quoi que, il paraît que Dumbledore le faisait toujours. C'est une drôle d'idée...
Je continue mon observation de la nouvelle venue. Elle détaille Nina qui amène un plateau où reposent une théière, quatre tasses et un sucrier en porcelaine.
"Tu n'as jamais vu d'elfe de maison ?" je lui demande sarcastique.
"Si, mais un jour quelqu'un de sage m'a dit que pour juger un humain, il fallait regarder la façon dont il traite ses subordonnés," me répond-elle sur le même ton.
Je prends la tasse que me tend l'elfe et je me redresse dans mon fauteuil. Du coin de l'oeil, je remarque que Sirius a tiqué à ses paroles.
"Alors que vois-tu ici ?" lui demande t-il.
"Je ne sais pas trop. Je dirais que cette elfe est bien traitée. Sa toge est propre, en bon état et à sa taille. Elle a l'air en bonne santé. Pourtant pour le peu que j'ai vu, elle ne doit pas être considérée comme plus qu'un objet parmi tant d'autre. Mais c'est quasiment toujours le cas... Et pour le peu que je sache, ça m'étonne encore moins de voir ça ici..." répond-elle avec un petit air supérieur.
Ici ? Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? Je m'apprête à lui poser la question, quand la porte du salon s'ouvre. Mère fait son entrée et se dirige doucement vers le fauteuil qui fait face à Sirius. Elle s'assoit, sans un regard pour nos invités et attend patiemment que Nina lui serve son thé. Elle en boit une gorgée et soudain lève les yeux vers la fille qui accompagne Sirius.
"Tu dois être Hermione," lui dit-elle, brisant le silence quasi religieux qui s'était installé.
Malgré la douceur de la voix de Mère, Hermione esquisse un sursaut.
"Euh, oui madame," bafouille t-elle.
"Bien," répond Mère en portant la tasse à ses lèvres.
Je regarde la scène, amusée. Les personnes qui rencontrent Mère pour la première fois sont toutes déstabilisées et Hermione n'échappe pas à la règle. Sirius me jette regard désapprobateur. Il doit juger que le supplice de Hermione doit prendre fin, car il entame la conversation.
"Aberforth nous a dit de venir vous voir Circé. Il n'a pas pu en dire plus, mais nous avons cru comprendre que vous aviez mis les choses au point avec lui. Ou alors que vous aviez des réponses."
Mère prend quelques secondes de réflexion, comme si elle considérait chaque mot prononcé par Sirius.
"Effectivement, il m'a mise au courant de votre situation."
Mais de quoi parlent-ils donc ? J'ai horreur d'être mise de coté, surtout quand ça concerne l'Ordre ou Sirius. Je m'apprête à ouvrir la bouche quand Mère se tourne vers moi.
"Cette jeune fille provient d'un autre monde."
Je ravale ma question, surprise. Je me tourne vers Hermione qui s'enfonce dans son fauteuil, visiblement mal à l'aise. Je regarde alors Sirius.
"C'est possible une chose pareille ?" je lui demande.
"Visiblement, oui," me répond-il en haussant les épaules.
Ca expliquerait comment le tome 27 de mon herbier s'est retrouvé entre les mains de cette fille hier soir et était toujours sous le comptoir, lorsque j'ai vérifié deux minutes plus tard. Pourtant j'étais formelle, c'était bien ce livre.
"Et sais-tu comment tu es arrivée chez nous ?" je questionne, toujours un peu sceptique.
"On pense que ça serait à cause de ça," me répond-elle en tirant une chaîne de sous sa robe. A son extrémité se balance le pendentif de Grand-mère Gaïa.
"Où as-tu eu ça ?!" je m'écrie.
"Calme toi Thisbé, ça n'est pas le vôtre. Il appartient aux Adayloth de la dimension d’Hermione," me dit calmement Sirius.
J'interroge Mère du regard, elle acquiesce doucement.
"Celui de Gaïa est dans son coffret, dans ma chambre."
"Oh, désolée", je plonge mon nez dans ma tasse de thé.
"Ce que j'aimerais savoir, c'est déjà : comment ce bijou a pu m'amener ici. Mais surtout comment puis-je retourner chez moi ?" expose Hermione.
Je regarde Mère qui observe un rouge-gorge se nettoyant les plumes sur le rebord d'une des fenêtres. Puis, tout naturellement, elle reporte son attention sur nous.
"Le pendentif est un Portoloin", dit-elle sans plus d'explication.
Le silence tombe à nouveau, et je vois bien que les paroles de ma mère n'ont pas aidé Hermione, bien au contraire. Je décide de prendre les choses en main.
"Dans notre famille, les femmes se passent de mères en filles des bijoux pour se protéger. Ils portent le symbole des Adayloth, un papillon, et sont au nombre de quatre : une bague, un pendentif, un peigne à cheveux et une broche. Ce sont des protections faites à partir de l'Ancienne Magie. Ils sont dans la famille depuis la première génération. C'est un fait assez connu, nous les portons très souvent, un peu comme des armoiries. La plupart des gens pensent que ces bijoux repoussent les sorts, mais en fait ce sont des Portoloins. Si l'une de nous est en danger, et qu'elle porte son bijou, la Magie du papillon l'amènera à l'aide la plus proche... Du moins c'est ce que Grand-mère me racontait lorsque j'étais enfant. Je n'ai jamais pu le vérifier par moi-même..."
Sirius hausse les sourcils, comme pour me demander pourquoi je déballe nos secrets de famille à une étrangère...
"Si tu fais confiance à cette Hermione, j'estime que nous pouvons faire de même. Et si cela peut l'aider, autant lui dire tout ce que nous savons. Au pire, une bonne dose de Filtre d'Oubli et rien ne se sera passé," je dis en haussant les épaules.
Hermione fronce les sourcils en m'entendant parler de cette potion avec tant de désinvolture.
"Ca n'a rien de personnel. C'est seulement une question de sécurité," je la rassure avec un sourire compatissant.
"On n'en est pas encore là," dit Sirius. "Mais ce que je ne comprends pas, c'est comment le Portoloin a pu amener Hermione ici. Et surtout pourquoi ?"
Il marque un point. Je vois que Hermione me fixe, les yeux pleins de questions. Je me tourne alors vers Mère, qui est repartie vers son oiseau, qui lui s'amuse à sautiller sur la bordure. Tout le monde attend qu'elle réponde, mais elle fait comme si de rien n'était. Ce petit jeu pourrait durer des heures, elle ne s'en lasserait pas. Sirius est assez mal à l'aise et Hermione commence à perdre patience. Je me décide à la plaindre. Elle est perdue loin de chez elle, et elle se retrouve avec une lunatique qui détient des réponses, mais qui préfère les garder pour elle. Parce que je suis certaine que Mère en sait plus qu'elle n'en dit sur le sujet... D'un coté, elle ne dit rien. Sirius a dû en arriver aux mêmes conclusions car je l'entends soupirer.
"Circé, si vous avez la moindre idée, pourriez-vous nous aider ? Vous êtes notre dernière chance," supplie t-il.
Et la voilà de nouveau intéressée. Bien sûr, c'est ça qu'elle voulait, qu'ils l'implorent...
" Thisbé a oublié une partie de la légende", dit-elle sans cérémonie. " Ces Portoloins n'auraient pas eu besoin de l'Ancienne Magie pour seulement fonctionner en cas de danger imminent. Un banal Portoloin modifié par un bon Enchanteur peut le faire. Les nôtres agissent aussi dans l'autre sens. Si une femme de notre famille a besoin d'aide, et bien les autres Papillons se mettent à la recherche de la personne qui pourrait l'assister. Et lorsque cette personne finalement met la main sur un de nos bijoux, elle est envoyée près de l'Adayloth à secourir."
Elle déclare tout ceci avec un naturel déconcertant, comme si c'était la chose la plus simple au monde. Nous la regardons tous, même Nina, éberlués.
" Vous voulez dire que tout ça n'est pas un hasard ?" s'exclame Hermione.
" Nous ne croyons pas à une telle chose chez nous," rétorque Mère.
" Mais, si j'ai touché ce pendentif, c'était une coïncidence... La boîte était au fond d'une armoire, chez un antiquaire plein à craquer ! Si Ginny n'avait pas lâché un des cintres, jamais on ne l'aurait trouvé..." pense t-elle a voix haute.
" Mais c'est arrivé, et vous êtes ici. C'est donc que cela devait se faire," répond Mère.
" Pourquoi moi ? Je n'ai rien de spécial, je suis une étudiante. Je suis peut-être douée en cours, mais je n'ai pas les moyens de sauver quelqu'un ! Et d'abord, qui devrais-je aider ?"
Elle commence à paniquer. Sirius se lève et lui place une main réconfortante sur l'épaule. Je fais de mon mieux pour ne pas tiquer.
" Calme-toi Hermione. Il y a forcément une explication," dit-il doucement.
Hermione secoue la tête en frissonnant. Je ne sais pas si c'est pour réfuter ce qu'il vient de dire, ou alors pour se remettre les idées en place.
" La seule chose que l'on puisse dire pour le moment c'est que la personne à aider est Thisbé," reprend-il le visage assombri.
" Qu'est-ce qui te fait penser une telle chose ?" je m'étonne, même si un début de réponse se forme dans mon esprit.
" Hermione est arrivée dans le magasin n'est-ce pas ? Et c'était là où tu te trouvais, à ce moment même," affirme t-il.
" Cela pourrait parfaitement être Mère !" j'objecte avec véhémence. "Elle était dans son atelier, juste en dessous du magasin ! Et d'ailleurs je me trouvais dans la réserve, pas dans la boutique. Je n'ai pas besoin d'aide !"
Vraiment ? Ce n'est pourtant pas ce que tu demandais tout l'après-midi ? Ca m'aurait étonnée que tu ne te manifestes pas... Je ne pense pas que le pendentif considère mes problèmes de gestion de magasin comme un appel au secours... Ne fais pas l'idiote ! Je ne parlais pas que de ça ! J'avais plutôt Ginny Weasley en tête, tu le sais bien ! Et ta mission, ta couverture, ta solitude si omniprésente que tu en es réduite à m'avoir inventée... Tais-toi. Tu le sais parfaitement que tu es celle qui a besoin d'aide. Tais-toi. Sans parler de toutes ces questions que tu te poses... Je t'ai dis de te taire !! D'accord, mais un dernier conseil, cette aide pourrait être ta planche de salut, tu ne devrais pas la négliger.
Je me rends compte que je suis en train de fixer Hermione, la pauvre ne sait pas trop où se mettre. Ce que je viens de me dire commence à faire du chemin dans mon esprit, et je dois baisser les bras. Sirius a raison, j'ai véritablement besoin d'aide.
"Soit," j'obtempère. "Imaginons que je sois celle à qui Hermione a été envoyée... Il reste quand même un gros problème... Hermione a une vie dans son monde, elle ne peut pas rester ici, juste parce qu'un papillon l'a décidé. Comment peut-elle retourner là-bas ?"
Je refuse de gâcher la vie d'une inconnue, parce que je suis incapable de me débrouiller seule. Visiblement Hermione a l'air parfaitement d'accord sur ce point, et elle dévisage Mère, attendant la réponse qui la ramènera chez elle.
" Je n'en ai aucune idée."
C'est un choc pour nous tous. Je découvre que l'omniscience que j'attribuais à ma Mère n'existe pas, et Sirius a l'air aussi étonné que moi. Hermione, quant à elle, voit tous ses espoirs de retour réduits à néant. Des larmes lui montent aux yeux, et une vague de culpabilité m'assaille.
" Mais dans son message, Aberforth parlait d'un plan !" s'exclame Sirius.
Je hausse un sourcil. C'était donc cela, la visite de Dumbledore. Mais pourquoi n'ai-je pas eu le droit d'y assister ? Tout ceci a l'air de me concerner autant que Hermione. J'ai vraiment du mal à comprendre Aberforth parfois.
Mère se lève de son fauteuil et se dirige vers la porte du salon. Nina accourt à sa suite pour ouvrir à sa place. Hermione, bouchée bée, la fixe, ne comprenant pas comment elle peut laisser une personne en détresse dans l'embarras. Sirius se dresse à son tour, ne sachant plus trop quoi faire. Je suis moi aussi gênée du comportement de ma mère, quand soudain elle se retourne.
"Hermione va rester avec nous et ira avec Thisbé à Hogwarts. Ses réponses sont sûrement là-bas," dit-elle d'un ton las.
Et sans rien ajouter, elle referme la porte, nous laissant tous trois déconcertés. Je me tourne vers nos invités et avec un petit sourire embarrassé, je leur propose une nouvelle tasse de thé.
******
"Et ici se trouve une autre chambre d'amis, qui sera la tienne pour le reste du mois. La mienne est juste à côté," dis-je en ouvrant la porte.
Hermione me suit dans la pièce et regarde autour d'elle, déconcertée. Elle s'approche de la commode en ébène et passe la main dessus en la regardant attentivement. Puis elle fait de même pour la coiffeuse qui se trouve à quelques mètres de là. Je la regarde, étonnée. Elle vérifie peut-être que nous faisons souvent les poussières. Si c'est ça, elle va être déçue... Rappelle-moi d'envoyer Nina pendant le dîner.
Elle continue son inspection et à présent, elle va vers la grande armoire de l'autre côté de la chambre. Elle reste devant pendant quelques secondes à la fixer sans bouger.
"Euh, Hermione ?"
Elle ne cligne même pas des yeux. Puis après quelques instants, elle avance prudemment le bras droit vers la poignée et ouvre le battant, tout doucement.
"Hermione, ça va ?"
Je vais lentement vers elle, pour mieux voir ce qu'elle fait. Elle a l'air de chercher quelque chose, mais la penderie est vide. Sa poitrine se soulève légèrement et s'abaisse dans un soupir silencieux, et je vois ses lèvres se tordre en une moue contrite. Elle referme la porte et va s'asseoir sur le grand lit à baldaquin bleu.
"Je suis vraiment désolée pour tout ça," je commence à m'excuser. "Jusqu'à il y a une demi-heure, je n'avais pas vraiment pris cette histoire de papillon très au sérieux. Et même si j'y avais cru, je n'aurais pas imaginé que ça attirerait quelqu'un d'une autre dimension... Je ferai tout pour t'aider à rentrer chez toi le plus vite possible."
Elle lève les yeux vers moi, comme si elle me découvrait pour la première fois.
"Tu n'étais pas comme ça hier," lâche t-elle sans préambule.
J'écarquille les yeux.
"Hier ? Euh, et bien... Je... Tu m'as prise au dépourvu. Tu avais un de mes livres privés entre les mains," je bégaye, ne sachant pas trop où elle veut en venir.
"Pas avec moi," coupe t-elle. "Avec Ethan. Tu étais complètement différente."
Merde. Tiens, ça t'apprendra à être aussi odieuse avec les gens. Personne n'était sensé entendre cette conversation ! Et bien elle était là ! Et qui va devoir rattraper tout ça ? Hum, voyons... Toi ! Comme d'habitude... J'adore n'être que la petite voix dans ta tête... J'attends avec impatience le jour où JE serai la voix dans TA tête... Ca n'arrivera pas. Ca vaut peut-être mieux en effet...
"Ca, c'est un cas à part... Je ne suis comme ça qu'avec Ethan, et d'autres personnes très ciblées. Je ne sais pas comment ça se passe dans ton monde, mais tu dois bien avoir quelqu'un qui t'horripile tellement que tu rêves de lui écraser ton chaudron sur le nez dès qu'il est dans les parages. Non ?"
Elle acquiesce silencieusement, et un petit sourire se forme au coin de ses lèvres. Je crois que mon exemple très graphique lui plaît beaucoup.
"Ethan est une des personnes les plus prétentieuses que je connaisse... Quoi qu'il y a pire. En tout cas, ce que tu as vu hier, c'est très rare et seulement quand j'ai l'occasion de le faire enrager."
"J'ai un cas assez similaire dans mon Hogwarts... Je lui ai même mis la gifle de sa vie en troisième année," rit-elle avec une touche de nostalgie dans le regard.
"Tu es en quelle année ?"
"Sixième, l'année dernière. J'aurais dû passer en septième, mais avec les récents évènements, mes amis et moi, nous avons quitté l'école. Tu sais, avec la mort de Dumbledore, Hogwarts a failli fermer chez moi. La moitié des élèves n'ira sans doute pas à la rentrée, si ce n'est les trois-quarts. Nous avons préféré partir de notre côté pour combattre Voldemort. Mais je suis studieuse, alors je maîtrise déjà la majorité du programme de septième année," explique-t-elle.
"Nous serons ensemble dans la plupart des cours alors. Tu es une Ravenclaw, c'est ça ?"
"Non, j'ai failli. Mais le Choixpeau m'a finalement envoyée à Gryffindor," avoue-t-elle, un soupçon d'orgueil dans la voix.
"Aïe..." je ne peux m'empêcher de souffler.
"Qu'est-ce qu'il y a ?" s'étonne Hermione.
Je ne sais pas trop comment lui expliquer ça sans la vexer.
"Et bien... Disons que chez nous, être un Gryffindor, ça n'est pas exactement ce dont rêvent les gens... "
"Comment ça ?"
"Sans vouloir te blesser, les Gryffindors sont la risée de Hogwarts... Finir chez eux, c'est une déchéance sociale. Je suis persuadée que la plupart des premières années passe au Choixpeau en pensant "Pas Gryffindor !" J'étais contente de ne pas du tout convenir à leurs critères..."
" La risée ?" Elle est abasourdie.
"Il vaut, de loin, mieux être un Hufflepuff qu'un Gryffindor," j'ajoute, en me demandant quand même si ma phrase aura du sens pour elle.
" Oh... Et qu'est-ce que tu es dans ce cas ?" demande t-elle, un sourcil levé.
" Slytherin, la Maison Reine."
Je crois que tu viens de la casser...
" Slytherin est la meilleure Maison de Hogwarts ? Ce nid de serpents ? De... De Mangemorts ?" explose t-elle.
J'opine de la tête à ses questions, quand soudain elle s'arrête pensive et éclate d'un rire nerveux.
"Des Mangemorts... Bien sûr... Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt ! Un monde où Voldemort dirige est à son image..."
"Quand Albus Dumbledore était encore avec nous, il paraît que Slytherin était une maison haïe. Après sa disparition, elle a prit sa revanche, et Gryffindor a été traînée dans la boue. Avec les années, ça a empiré. Tu t'en rendras compte par toi-même," j'explique.
Je me lève du lit et lisse ma robe noire.
"Nous allons devoir réfléchir à un plan qui te permettra d'entrer à Hogwarts sans attirer trop de soupçons. Tu dois te douter que ça ne sera pas facile du tout. J'ai été entraînée à l'Occlumancie dès mes 7 ans pour pouvoir y aller avec un minimum de sécurité. Et j'ai eu la peur au ventre durant quasiment mes cinq premières années."
"Ils vérifient souvent ce que les élèves ont dans la tête ?" elle s'étonne.
"Pas ouvertement, mais c'est quelque chose de très probable. Et puis, avec le cours d'Occlumancie-Legilimencie, il vaut mieux être prudent," je remarque, en ouvrant la marche vers la cuisine.
" Vous apprenez ça à l'Ecole ?" s'écrie t-elle, en s'arrêtant en haut de l'escalier.
Je me retourne et la regarde, un sourcil levé.
" Pas vous ?"
" Non, c'est bien trop dangereux... Ce genre de pouvoir n'est pas à mettre entre toutes les mains..."
Je réfléchis quelques secondes.
" Tu n'as pas tort... Je pense que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons ce cours. Il n'est pas ouvert à tout le monde, l'entrée se fait sur dossier. C'est le professeur qui décide de ceux qui peuvent y assister. Et seuls les meilleurs en ont le droit. Officiellement, c'est pour des raisons de capacités, n'importe qui ne peut pas y arriver. Officieusement, seuls les aspirants Mangemorts sont acceptés."
" Mais j'ai crû comprendre que tu y allais," dit-elle, perplexe.
" C'est le cas... Ma mission va bien plus loin qu'être une simple taupe dans l'Ecole. Après l'obtention de mon diplôme, je suis supposée devenir une Mangemort."
La nouvelle la laisse sans voix. Je souris tristement.
" Il y a mieux comme plan de carrière, je sais... Mais si ça peut aider à le faire tomber. Je ne sais pas ce que sont les Mangemorts chez toi, mais ici ce sont des personnes triées sur le volet, le cercle d'intimes du Maître. J'ai la "chance" d'avoir eu des parents Mangemorts, donc je suis en très bonne place pour le devenir moi-même."
Je sors une assiette d'un placard et y dispose des cookies. Je les tends à Hermione qui ne bouge pas.
" Tu peux en prendre un, je n'essaye pas de t'empoisonner," je dis en rigolant, "Je n'adhère pas du tout à ses idées. J'ai grandi dans les préceptes de l'Ordre tu sais, c'est pour eux que je suis devenue une taupe. Pour que nous arrivions à nous débarrasser de lui. Si je l'appelle le Maître, c'est par habitude. A Hogwarts, je n'ai vraiment pas le choix, je suis sensée être une de ses futures suivantes. Ca fait sept ans à présent que je dois l'appeler ainsi chaque jour, à la fin je n'y prête même plus attention, c'est un automatisme."
Elle avance alors la main vers les biscuits, en attrape un, et commence à le grignoter. C'était donc bien ça qui la gênait...
"Par contre, si tu dois venir avec moi là-bas, tu vas devoir apprendre à ne plus grimacer quand tu entends "Maître," je remarque. "Et tu vas devoir le dire, sinon tu vas être soupçonnée et ça ne serait vraiment pas bon, ni pour toi, ni pour moi... "
"D'accord," répond-elle, peu convaincue. Je ne peux pas le lui reprocher, moi aussi au début je l'avais pris comme ça.
"Nous devons mettre beaucoup de choses au point avant le 1er Septembre," je remarque, "par quoi veux-tu commencer ?"
" Et bien," elle hésite, "ta mère... Elle est vraiment toujours comme ça ?"
Je ris, surtout de sa gène. Circé a réussi son petit effet.
" Malheureusement pour toi, oui. J'ai moi-même parfois du mal à la comprendre. Elle parle très peu, et est très concise dans ses réponses. Comme tu as pu le voir, elle ne s'embarrasse jamais de détails... A vrai dire, ça doit être la première fois depuis des années qu'elle parle autant dans une seule conversation. Durant ton séjour ici, tu la verras sans doute très peu. Sûrement pour le thé, le soir au dîner, et peut-être au sous-sol, si tu y vas. De toute façon, elle ne fera pas attention à ta présence."
" A ce point-là ?" s'étonne t-elle.
" Un été, j'ai invité ma meilleure amie pendant tout un mois, sans lui demander la permission. Elle n'a jamais fait une seule remarque et a fait comme si de rien n'était... Ma mère est vraiment quelqu'un de bizarre," j'explique. "Tant que tu ne vas pas dans son laboratoire, elle n'en a rien à faire."
Hermione mâchonne un autre cookie, songeuse.
" Et ça ne te dérange pas que je sois ici pendant deux semaines ?"
" A vrai dire, ça m'arrange plus qu'autre chose. Déjà je serai moins seule et ça n'est pas un mal, mais surtout j'ai effectivement besoin d'aide..." je dis avec un petit sourire en coin. Il m'est venu une idée...
" C'est-à-dire ? Tu as dit le contraire tout à l'heure..." dit-elle suspicieuse.
" Tu t'y connais en Potions et en ingrédients ?" je demande avec un petit air innocent.
******
Finalement cette journée s'est révélée moins terrible que prévu. Je viens de gagner quelqu'un avec qui passer mes journées, et qui n'est pas une voix dans ma tête. Quelqu'un qui est au courant de ma mission, qui partage mes opinions et quelqu'un avec qui je peux être complètement moi-même. Et surtout quelqu'un pour m'aider au magasin !
Même si elle n'a pas le niveau pour fabriquer les Potions, Hermione peut parfaitement m'assister lors de leurs réalisations. Et elle a de solides connaissances qui lui permettront de vendre au magasin. C'est ce qui, d'ailleurs, a emmené notre plan pour la faire entrer à Hogwarts sans souci. Vu que soi-disant, seul un Adayloth peut travailler au magasin, et bien elle n'a qu'à en devenir une...
Voilà pourquoi je suis en train d'écrire au Directeur de Hogwarts, pour lui soumettre l'inscription de Hermione Adayloth, fille de Hector et Ariane Adayloth, le frère et la belle-soeur de Mère. La Nouvelle-Zélande n'ayant pas d'Ecole de Magie digne de ce nom, mes cousins et cousines ont toujours eu des précepteurs. D'après l'histoire que nous avons inventée, Hermione souhaite entrer elle aussi à l'Ecole Supérieure des Potions d'Oxford. Pour cela, elle doit être diplômée de Hogwarts, sinon elle devra se contenter de celle de Brisbane, qui est réputée pour son niveau quasi-lamentable. J'ajoute quelques insinuations, portant à croire que Hermione serait heureuse d'allouer ses services au Maître, puis j'apporte la missive à Mère pour qu'elle la signe. Elle s'exécute sans même lire ce que j'ai écrit, heureuse de ne pas avoir à trouver une idée elle-même. J'accroche le parchemin à la patte de Mandrake, notre Grand-Duc, et l'envoie, en lui signifiant l'urgence du message.
"J'espère que nous aurons la réponse lundi", je dis un peu nerveuse.
"Tu penses qu'il y a un risque pour que je sois refusée ?" demande ma nouvelle cousine, d'une petite voix.
"Je n'en sais rien du tout.", je soupire. " Mais bon, notre famille est plutôt importante, je ne pense pas qu'ils prendraient le risque de nous avoir à dos. Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'ils aillent vérifier si une Hermione Adayloth existe... L'Ordre s'occupe de t'inventer un passé, mais j'espère qu'ils pourront le faire à temps... Sirius et Remus sont déjà partis à Auckland, à ce que Mère m'a dit."
Je mordille mes lèvres avec appréhension. Je déteste savoir Sirius loin de Londres, surtout pour une mission, aussi facile soit-elle.
" Maintenant, nous ne pouvons qu'attendre. "
*******