Chapitre 10 : Pulsions
-Tu ne veux toujours pas savoir ce que Hagrid faisait dans la forêt interdite le soir de l’initiation ?
Eilane et Tom s’assirent sur deux confortables fauteuils, dans la salle commune des Serpentards qui se trouvait une fois de plus déserte. Leurs camarades étaient, pour la plupart, partis s’installer aux longues tables de la bibliothèque, plongés dans d’effrénées révisions… Pourtant, les examens ne commenceraient pas avant le début du mois de juin, et avril touchait à peine à sa fin.
Tom avait préféré évincer le sujet "Hagrid" pendant quelques semaines, laissant à Eilane le temps de digérer la disparition de ses parents adoptifs. Etrangement, lui qui avait montré si peu de sentiment quant à l’affreux cauchemar de sa compagne, paraissait à présent compatir à sa douleur.
La jeune Vélane ne parlait que rarement depuis la réception de la lettre du ministère, s’enveloppant dans une bulle de silence.
Il lui semblait que plus personne ne la regardait de la même manière : les professeurs étaient devenus trop attentionnés et les élèves chuchotaient sur son passage. Elle savait qu’aucun d’entre eux n’agissait de cette manière dans l’optique de lui faire du mal, mais les voir s’apitoyer ainsi sur son sort ne la rendait que plus amer.
Elle avait la terrible impression d’avoir sauté d’un bond dans le monde des adultes. Tout ce qui s’était produit depuis sa rencontre avec Tom se bousculait dans sa tête, et à présent qu’elle avait perdu les seules figures vraiment stables qu’elle possédait dans ce monde étrange, elle regrettait avec tristesse l’époque où elle n’était encore qu’une enfant insouciante.
Elle s’en voulait également de ne pas ressentir davantage de chagrin. Elle n’avait pas pleuré à l’annonce de la mort de ses parents, elle n’en avait pas même eu envie. Son cœur s’était-il endurci au point de devenir aussi insensible que celui de son vrai père ?
Elle n’avait pas eu de nouvelles de Grindelwald depuis leur dernière rencontre, et ne tenait pas à en recevoir de sitôt. Le même noble sang pouvait bien couler dans leurs veines, cela ne l’empêchait nullement d’éprouver de la répugnance pour cet homme !
-Eilane ?
La jeune fille leva subitement la tête vers Tom dont la voix l’avait sortie de sa torpeur. Il était rare qu’il l’appelle par son prénom, lui préférant de loin le surnom qu’il lui avait donné un jour sur le terrain de Quidditch et que lui seul employait.
-Quoi ?
-Tu étais encore une fois ailleurs ! observa Tom d’un air sombre.
-Désolée, balbutia Eilane.
Il lui arrivait trop souvent ces derniers temps de voir son esprit vagabonder sans qu’elle lui en ait donné l’autorisation !
-Je disais donc, reprit Tom, tu n’es pas curieuse de savoir ce que Hagrid fabriquait dans la forêt ?
-Mais si voyons, acquiesça Eilane.
-Quand on l’a surpris l’autre jour, il était en train ramasser toutes sortes d’insectes qu’il fourrait dans une grande besace. Il a même pris un rat mort aussi.
-Qu’est ce qu’il voulait faire de tout ça ? l’interrompit Eilane les sourcils froncés, essayant tant bien que mal de s’intéresser à la discussion.
-Ca, tu ne le devineras jamais ! s’amusa le jeune homme. Je me le suis d’ailleurs demandé aussi le soir-même… mais deux jours plus tard, j’ai vu cet abruti se promener près de notre salle commune, l’air inquiet, comme s’il dissimulait quelque chose. Je l’ai donc suivi en prenant soin de ne pas me faire remarquer et j’ai découvert ce qu’il cachait : ce gros bêta élève une acromantula enfermée dans une boite à l’abri de l’un des cachots de l’école ! Lorsqu’ il est ressorti de la pièce, je l’ai interpellé et quand il a eu comprit que je l’avais épié, il m’a supplié de ne rien dire à personne !
-Bien… Très bien, marmonna Eilane.
-Eily, dis-le si ce que je te raconte t’ennuies à ce point ! s’exclama dédaigneusement Tom.
-Je… non… Qu’est-ce qui te fait dire ça ?... Seulement savoir que Hagrid s’est trouvé un animal de compagnie n’est pas exactement la grande révélation à laquelle je m’étais attendue !
-Tu veux rire ? s’étonna Tom. Il fait quelque chose de totalement illégal : les animaux dangereux sont interdits au sein de l’école ! Et nous sommes préfets, on pourrait facilement le faire renvoyer !
-Pourquoi ferait-on cela ? interrogea Eilane qui se demandait si Nagini pouvait être considérée comme un animal dangereux.
-Il ne mérite pas le rang de sorcier ! siffla Tom tout en haussant les épaules avec mépris. Ce n’est qu’un hybride ! continua-t-il d’un ton dégoûté.
En entendant ces mots, Eilane bondit de sa chaise, le regard furibond.
-Qu’est-ce qu’il y a de mal à être un "hybride" ? s’énerva la jeune fille, soudain hors d’elle. J’en suis une moi aussi, je te rappelles ! Une semi Vélane, au cas où tu aurais oublié !
Tom ne put retenir un sourire satisfait en voyant sa camarade s’emporter de la sorte. Il se leva à son tour.
-Mais toi c’est différent ma belle ! murmura-t-il mielleusement en s’approchant d’Eilane.
-Laisse tomber tes airs de charmeurs, Tom ! Ca ne marche plus avec moi ! bredouilla la jeune fille avant de lui tourner le dos.
-Vraiment ? demanda ironiquement Tom.
Il était à présent tout proche d’elle et son souffle sur sa nuque la fit frissonner.
-Sérieusement, tu ne ferais pas renvoyer Hagrid, n’est-ce pas ?
Elle s’était retourné et fixait les yeux turquoise du jeune homme de son regard de bronze.
-Tu ne liras rien en moi Eily… Grindelwald m’a appris l’occlumencie depuis longtemps, alors arrête ça tout de suite ! ordonna Tom, adoptant un ton autoritaire. On croirait presque que tu as des sentiments pour cet abruti de demi-géant !
-Rubeus Hagrid est un garçon extrêmement gentil, voila tout ! Lui au moins ne serait certainement pas du style à reprocher à quelqu’un d’être affecté par un rêve qui, en plus, s’est finalement révélé prémonitoire ! Il ne deviendrait pas non plus ami avec une fille simplement parce que celle-ci est la descendante d’un puissant sorcier ! s’emporta Eilane en haussant la voix.
Tom leva les yeux au ciel en signe d’exaspération.
-Tu sais quoi, Tom ? continua furieusement la jeune fille. J’en ai assez ! Assez de tes sarcasmes, assez de tous tes mensonges, assez d’aimer quelqu’un qui n’est avec moi que parce qu’on lui en a donné l’ordre !
Elle se dirigea avec véhémence vers la porte du dortoir, Tom sur ses talons.
-Tu iras dire à mon cher père Grindelwald que je n’ai besoin de personne pour s’occuper de moi ! Je suis toute puissante et vous feriez bien, autant lui que toi, de ne pas l’oublier ! s’exclama-t-elle d’une traite.
Et alors que Tom s’apprêtait à lui attraper le bras pour la retenir, une immense onde électrique entoura la jeune fille et le bascula en arrière, l’empêchant d’approcha à nouveau Eilane.
-Je croyais que tu avais besoin de mon aide pour te venger des moldus ? Tu as déjà oublié ce qu’ils ont fait à tes parents adoptifs ? demanda férocement Tom.
Eilane, toujours protégée par le flot électrique, ne prit pas même la peine de se regarder en arrière.
-Mêle-toi de tes affaires, Tom, dit-elle d’une voix glaciale qui détonna avec le timbre doux qu’elle utilisait habituellement, et je me mêlerai des miennes ! N’aies crainte, je m’occuperais sans problèmes des moldus et de leurs sangs de bourbe toute seule !
Une nouvelle onde émana de la Vélane et se propagea à une vitesse si grande qu’en l’effleurant, elle projeta Tom contre l’un des murs de la salle commune.
Lorsqu’il se releva, la porte du dortoir des filles s’était déjà refermée derrière Eilane. A nouveau, il se mit à sourire.
Eilane, elle, ne souriait pas. En arrivant dans le dortoir, elle s’était affalée sur son lit, le poignet droit serré sur le pendentif que Tom lui avait offert pour la Saint-Valentin. C’était la première fois qu’elle se disputait avec Tom (si on pouvait appeler cela une dispute) et elle se sentait stupide à présent de s’être emportée de la sorte. Elle venait de lui dire clairement qu’elle ne voulait plus être avec lui alors qu’elle savait bien au fond d’elle-même qu’elle était incapable de se passer de son soutient. Elle sentit de chaudes larmes couler le long de ses joues et en quelques instants, elle se mit à sangloter si fort qu’elle avait de la peine à reprendre son souffle.
Elle n’était même plus certaines de savoir pour quelle raison elle pleurait : la mort de ses parents ? Sa dispute avec Tom qui allait sans doute se solder par une rupture ? Ou le fait qu’elle se sente vidée de toutes ses forces ?
Cela faisait longtemps à présent qu’elle s’entraînait à de nouveaux sorts, à l’abri des regards indiscrets de ses camarades et plus encore de celui de Tom qu’elle soupçonnait, s’il s’apercevait de ses progrès, d’aller tout rapporter à Grindelwald. Pourtant, cet acte de magie qu’elle venait d’effectuer dans la salle commune, elle ne l’avait encore jamais tenté. Il lui était venu instinctivement, comme si elle avait su le maîtriser depuis toujours mais que son existence se trouvait trop enfouit au fond d’elle-même pour qu’elle en prenne connaissance. Sa colère l’avait certainement fait remonter à la surface de son être et elle l’avait utilisé sans même réaliser ce qu’elle faisait.
Ereintée, elle sombra, les yeux encore larmoyants, dans un sommeil aux étranges rêves peuplés de chiens noirs, de loups-garous et d’enfants aux cheveux roux.
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Eilane resta enfermée dans le dortoir toute la journée et quand, le soir venu, les autres filles arrivèrent dans la pièce, elle fit mine de dormir et de ne pas les entendre.
Le lendemain matin, elle se leva plus tôt qu’à son habitude pour prendre son petit déjeuner, espérant ainsi éviter de croiser Tom dans la Grande Salle. Elle n’avait aucune envie de lui parler et préférait devoir supporter sa présence seulement à partir de leur premier cours de la journée. Mais lorsqu’elle arriva dans la salle commune, elle l’aperçut, assis sur le même canapé qu’il occupait la veille lors de leur dispute, griffonnant dans son journal à l’aide d’une longue plume d’aigle.
Pendant un instant, elle hésita à faire demi-tour, mais avant qu’elle n’en ait eu le temps, il avait rangé le petit cahier noir dans l’une de ses poches et s’était levé en la regardant.
-Toujours en colère ? demanda-t-il sans la moindre émotion apparente dans la voix.
-D’après toi ? lui lança Eilane d’un air de défi.
-Dans ce cas…, commença Tom en haussant les épaules, …il semblerait que nous n’ayons plus rien à nous dire ! Du moins, tant que tu n’auras pas changé d’attitude !
Les yeux d’Eilane s’embuèrent : et voila, ils y étaient !
-Alors quoi ? C’est tout ? Ca s’arrête là ?
-C’est toi, Eilane, qui a dit que tu en avais assez ! Tu n’as pas déjà oublié je suppose ! s’exclama Tom sur ce même ton monocorde qu’il utilisait depuis le début de la conversation.
-On ne peut pas dire que ça semble beaucoup t’affecter ! remarqua Eilane avec tristesse.
-Tu reviendras ! se contenta de répondre le jeune homme.
-Qu’est ce qui te rend aussi sur de toi ?
-Tu as besoin de moi, Eily… Nous sommes liés, ne l’oublie pas ! Tu es à moi !
-A toi ? Tu rêves ! cracha furieusement Eilane. Je n’appartiens à personne et encore moins à toi !
Elle sortit en trombe de la pièce, claquant derrière elle chaque porte qui se trouvait sur son chemin.
-Bien sur que si, répliqua mystérieusement Tom, à voix basse, en fixant le passage par lequel Eilane venait de disparaître, un sourire vicieux étirant ses fines lèvres.
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Cela faisait deux semaines complètes qu’Eilane n’adressait quasiment plus la parole à Tom. Elle avait déserté le club d’aide aux devoirs, prétendant qu’il s’en sortait tout aussi bien sans elle, et ne discutait avec lui que pour remplir sa fonction de préfète.
Le mois de mai commençait tout juste et Eilane se sentait à la fois extrêmement malheureuse par la solitude qui l’enveloppait à nouveau (Maximilius, certainement sur ordre de Tom, ne lui parlait plus non plus) et anormalement libre.
Les cours venaient à peine de se terminer ce soir-là lorsque Eilane entra dans la bibliothèque. Elle y passait de nombreuses heures depuis qu’elle avait surpris la conversation entre Dippet et Dumbledore. Elle avait déjà lu, sans grand succès, le contenu entier de la moitié des livres que s’y trouvaient : aucun ne traitait d’une quelconque "prophétie des Anciens". Celle-ci n’était pas même mentionnée une seule fois dans l’un des ouvrages que la jeune fille avait déjà parcouru.
Elle s’empara de trois livres rangés tout au fond d’une étagère et tellement recouverts de poussière qu’ils devaient sans nul doute ne pas avoir été ouvert depuis des années, voir des siècles vu l’état de décomposition qu’offraient certaines de leur pages.
Eilane les emmena jusqu’à la table où elle avait posé son sac de cours et entreprit de les feuilleter.
Se plonger dans les livres était ce qu’elle aimait le mieux faire lorsque trop de soucis encombraient son esprit. La mort de ses parents l’avait poussée à se retrancher dans la lecture bien plus que n’importe quoi d’autre, ce qu’elle accomplissait avec plaisir, d’autant que, pour une fois, elle avait quelque chose de précis à rechercher.
Si vraiment cette prédiction donc le professeur Dumbledore avait parlé à Dippet existait, alors il lui fallait la découvrir ! Après tout, il avait sous-entendu que la "prophétie des Anciens" la concernait et trouver exactement ce qu’elle augurait était devenu à la limite de l’obsession.
Après un quart d’heure de recherches infructueuses, Eilane poussa un long soupir de découragement. Les textes contenus dans le livre devant elle semblaient tout aussi compliqués que ceux des ouvrages sur la magie noire emprunté par Tom dans la réserve et examinés des heures durant par les deux adolescents.
Au moins, à présent, elle pourrait étudier à sa manière, pensa-t-elle amèrement alors qu’elle tournait les pages avec ennui.
Le livre relatait des centaines de prédictions réalisés par les plus grands médiums de tous les temps, mais Eilane n’y trouva pas une ligne sur ce qui l’intéressait.
Elle referma le volume avec mauvaise humeur. Il lui aurait été facile de requérir de l’aide auprès de Mr Hamelet, son professeur de divination, si seulement elle n’avait pas eu peur qu’il lui demande où elle avait entendu parler d’une telle prophétie. Après tout, elle était, d’après lui, l’élève la plus douée qu’il avait eu dans sa classe depuis longtemps. Il disait que même "le talentueux Tom Elvis Jedusor" (comme les autres professeurs aimaient à le surnommer) ne lui arrivait pas à la cheville dans cette matière. Eilane sourit triomphalement en revoyant le visage renfrogné que Tom avait arboré en entendant son professeur parler ainsi. Bien entendu, les ascendances de prêtresses d’Eilane jouaient en sa faveur, mais cela ne l’empêchait nullement de se sentir fière d’avoir rivaliser, pour une fois, avec le meilleur élève de l’école !
Elle tendit les bras vers les deux livres restant et hésita un instant entre "Pas de veine" de William Manus sur la couverture duquel on pouvait admirer le dessin d’une main géante, la paume ouverte, parcourue de veines violacées et saillantes, et "Mediums : qui sont-ils" de Maggy Psy, qui, de toute évidence, devait lister les plus grands devins existant dans le monde de la sorcellerie.
Elle choisit finalement le second ouvrage qu’elle approcha vers elle en le faisant glisser sur la table. Il semblaient encore plus vieux et abîmer que celui qu’elle lisait jusqu’à présent et qu’elle poussa dans un coin pour faire de la place. Lorsqu’elle l’ouvrit, une étrange odeur d’encens s’éparpilla dans la pièce et il sembla à Eilane que du livre émanaient de doux chuchotements. Tentant de ne pas prêter attention à ce phénomène bizarre, elle commença à parcourir le volume. Il offrait une immense liste de sorcières et de sorciers ayant un jour révéler un présage, le tout classé par ordre alphabétique.
Eilane se désintéressa rapidement des noms commençant par un « A » et tourna les pages jusqu’à la lettre « P », dans l’espoir vain d’y voir apparaître les mots "prophétie des Anciens". Mais, comme elle s’en doutait, tout ce qu’elle y trouva furent les noms de nombreux mages médiums !
Il lui fallut quelques secondes pour réaliser ce que ses yeux, fatigués par toute cette lecture, n’avaient pas remarqué au premier abord. Elle revint à toute vitesse sur la cinquième page des « A » et lu le premier mot de la liste alphabétique avant de plaquer une main devant sa bouche, stupéfaite. Comment avait-elle pu être aussi distraite ?
Sur le papier jauni, l’auteur du livre avait tracé dans une écriture arrondie, à l’encre noir, le terme "Anciens", l’agrémentant d’une majuscule comme s’il s’agissait d’un nom propre.
Eilane lut à voix basse ce qui était écrit en dessous :
-« Les "Anciens" sont les plus grands mediums que la communauté magique ait jamais connue. On pense qu’ils existent depuis la nuit des temps, ce qui leur vaut cette appellation. Il ne s’agirait pas de sorciers, encore moins d’humains et ils appartiendraient au monde des Ténèbres. Malheureusement, peu de gens possède le pouvoir de les invoquer et il est donc difficile de connaître leurs origines et leurs véritables intentions. Ils sont également appelés "Puissances des Ténèbres", nom d’ailleurs plus communément employé. »
Sur la ligne suivante, un nouveau nom de sorcier commençant par un A était noté. Il n’y avait rien de plus.
Eilane passa le reste de la soirée, jusqu’à la fermeture de la bibliothèque, à fouiller dans les livres, mais elle ne découvrit pas d’autres renseignements.
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Eilane continua les recherches ainsi pendant tout le mois, oubliant presque de manger, de dormir ou de réviser pour les BUSE qui arrivaient à grand pas. Mais elle dû finalement se rendre à l’évidence : elle ne trouverait pas plus d’explications sur "les Anciens" ou leur prophétie dans les livres de la bibliothèque. Du moins, pas dans ceux accessibles à tout le monde. Après tout, n’avait-elle pas lu que les "Anciens" portaient aussi le nom de "Puissances des Ténèbres" ? Si elle voulait en découvrir d’avantage sur eux, c’était dans la réserve qu’elle devait continuer ses investigations. Malheureusement, les élèves de cinquième année n’avaient pas accès à la réserve, et malgré ses pouvoirs chaque jour grandissants, elle ne possédait pas le talent de Tom pour amadouer les professeurs.
L’avant-veille du premier jour d’examen, elle attendit que toutes ses camarades se fussent endormies, puis se leva de son lit et, à pas feutrés, partit en direction de la bibliothèque.
Une fois dans les couloirs de l’école, elle sortit sa baguette magique et en alluma l’extrémité d’un Lumos silencieux. Son cœur battait à tout rompre : si un professeur la croisait dans les couloirs à une heure si tardive, elle risquait de se voir punie jusqu’à la fin de l’année scolaire !
Arrivée à l’entrée de la bibliothèque, elle ne prêta aucune attention aux inscriptions de bienvenue écrite dans la roche et pénétra dans la vaste salle, se dirigeant directement vers la réserve dont les grilles fermées étaient maintenues par un énorme cadenas rouillé.
Elle éteignit sa baguette d’un gracieux geste de la main et la fit disparaître dans la poche de sa cape. Elle n’en aurait pas besoin… La bibliothécaire, une vieille femme acariâtre et paranoïaque, n’avait sûrement pas oublié de doter le cadenas de nombreux contre-sorts afin d’interdire aux élèves l’accès aux livres prohibés. Mais Eilane n’était pas n’importe quel élève, elle disposait de pouvoirs que nul autre ne possédait et était persuadée qu’elle aurait même pu rivaliser avec les membres du corps enseignants. En effet, en plus de se plonger dans la lecture, elle avait pris l’habitude, depuis sa rupture avec Tom, de s’entraîner autant qu’elle le pouvait à maîtriser ses facultés et elle avait découvert émerveillée qu’elles étaient quasiment illimitées !
Elle plaça les mains face aux grilles closes, sans les toucher, aspira profondément l’air et ferma les yeux. Lorsqu’elle les rouvrit, elle se trouvait de l’autre côté, des centaines de livres sur les arts obscurs s’offrant à elle. Quelques rayons de lune illuminaient la pièce, certainement pas assez pour permettre à la plupart des gens de lire les titres des nombreux volumes, mais Eilane, qui avait une bonne vision nocturne, préféra éviter de lancer un nouveau Lumos, craignant que la lumière ne la trahisse et interpelle quelqu’un.
Elle s’empara d’un premier livre, puis d’un deuxième, avant d’entendre un bruit suspect provenir du fond de la bibliothèque. Elle se figea sur place. Un second bruit retentit et avant qu’elle n’ait eu le temps de prendre la fuite, elle se retrouva éblouie par la lumière d’une baguette magique.
-Qu’est-ce que tu fais là dedans ? lui demanda une voix familière.
Le cœur d’Eilane, qui, quelques secondes auparavant, semblait s’être arrêté de battre, repris son rythme normal.
-Des recherches, Tom, voila ce que je fais ! répondit-t-elle froidement. Et toi ? C’est une habitude courante chez toi de venir dans la bibliothèque en plein milieu de la nuit ?
-Je t’ai suivie, avoua le jeune homme. Impressionnant le petit tour de passe-passe que tu as accompli pour entrer ici !
Eilane ne répondit rien, elle venait de distinguer, illuminée par la lumière de la baguette que Tom tenait dans sa main, une dizaine de parchemins roulés, cachés dans le coin le plus sombre de la réserve.
Elle posa par terre les deux livres qu’elle avait préalablement sélectionné et s’approcha pour mieux voir de quoi il s’agissait.
Les parchemins étaient sales, jaunis et mangés par endroits. D’après leur état ils devaient être encore plus vieux que la plupart des livres poussiéreux qui se trouvaient dans la bibliothèque. Eilane saisit le premier à la surface et entreprit de le dérouler. Il lui parut d’abord vierge mais soudain des mots se dévoilèrent, tracés dans une écriture qui paraissait officielle :
« Annoncez le thème qui vous intéresse »
Eilane relut le message à deux reprises, puis d’une voix tremblante, alors que Tom l’observait d’un air interrogateur, elle prononça :
-"prophétie des Anciens"
L’écriture disparut et pendant quelques instants, le parchemin sembla à nouveau vierge. Finalement, un titre apparut sur le papier et Eilane eut presque envie de pousser un cri de victoire, ce qu’elle évita toutefois, de peur d’être entendue par quelqu’un d’autre que Tom.
« Prophétie des Anciens »
« Archives du ministère de la magie, Département des mystères »
Tom s’approcha le plus qu’il le put des grilles derrière lesquelles se tenait la jeune fille, le souffle haletant, tandis que, dans la même écriture officielle, s’inscrivaient les quatre phrases de la prophétie.
Mais Eilane sentit son moral retomber sèchement lorsqu’elle s’aperçut que, de toute évidence, les "Anciens" ne parlaient pas un mot d’anglais. Le texte était écrit dans d’indéchiffrables signes. Elle allait pour reposer le parchemin avec mauvaise humeur quand quelque chose d’incroyable se produisit : les signes se transformèrent petit à petit et les phrases prirent tout à coup un sens.
-Cet invention est ingénieuse ! Elle a même pu traduire ce qui était écrit ! s'écria-t-elle, surprise.
-Qu’est-ce que tu racontes ? C’est toujours illisible !
Eilane tourna ses grands yeux ambrés vers Tom, juste à temps pour apercevoir Myrtille qui les observait, médusée, à l’entrée de la bibliothèque.
-Nox ! s’exclama Tom et l’extrémité de sa baguette magique s’éteint aussitôt, replongeant la salle dans la pénombre.
Puis il pointa la baguette en direction de Myrtille et murmura :
-Petrificus Totalus !
La collégienne se raidit instantanément et s’affala sur le sol. Mais dans sa chute, elle avait attrapé l’une des statues de pierre qui ornait l’entrée de la salle et celle-ci se brisa de milles morceaux en heurtant les dalles de marbre beige.
-Viens, Eilane, filons ! lança Tom à la Vélane en observant Myrtille d’un air dégoutté.
Eilane ne se fit pas prier. Tout en tenant contre elle le parchemin magique, elle repassa de l’autre côté de la grille, par le même procédé magique qu’elle avait utilisé pour y entrer.
Mais lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle remarqua que le rouleaux n’était plus dans ses bras. Elle scruta la réserve et vit qu’il était de nouveau rangé avec les autres parchemins.
-Eily, laisse tomber, on reviendra plus tard. Vu le bruit que cette idiote de Mimi Geignarde a fait en tombant, on aura de la chance si ça n’a réveillé personne !
Eilane se résigna et suivit Tom. Lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur de Myrtille, la Vélane interpella son compagnon.
-Attends ! dit-elle en s’agenouillant auprès de la jeune fille sur laquelle elle posa des mains grelottantes. Oubliette !
Puis, dès qu’elle eut lancé le sort d’amnésie, elle se releva et Tom la tira par la manche de sa robe. Dans l’obscurité, ils sortirent à toute vitesse de la bibliothèque, dévalèrent des myriades d’escaliers et se retrouvèrent enfin devant la porte secrète de leur salle commune, dans les cachots de Poudlard, le souffle court, mais la peur de se faire prendre disparue.
Le lendemain, Eilane apprit que Myrtille avait été retrouvée dans la bibliothèque, paralysée par la peur, incapable de raconter ce qui s’était passé, ni ce qu’elle faisait là. L’infirmière l’avait examinée sous toutes les coutures, mais elle semblait en parfaite santé et avait donc pu immédiatement reprendre les cours.
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Le premier jour de juin, l’effervescence arriva à son comble parmi les cinquième année : le temps était venu pour eux de passer leurs BUSE !
Lorsque Eilane s’assit à la table des Serpentard ce matin-là, elle se contenta de jeter un regard envieux à la nourriture qui se trouvait devant elle. Son estomac semblait tellement noué qu’elle se sentait incapable de manger quoique ce soit.
Un peu plus loin, Tom et Maximilius, quant à eux, discutaient à voix basse en prenant de copieux petit déjeuner.
Trop stressée pour avaler ne serait-ce qu’un verre de jus d’orange, Eilane redescendit dans sa salle commune afin de prendre ses affaires. Elle se rendit ensuite en bas des escaliers menant au hall d’entrée, comme demandé par leurs professeurs.
-Bonne chance ! lui souhaita Tom en la voyant arriver.
-Merci, répondit cordialement la Vélane sans lever les yeux vers lui.
Elle savait que si elle le regardait, il serait encore plus difficile pour elle de se concentrer durant les tests. Ils ne s’étaient plus reparlé depuis l’escapade de la bibliothèque, deux jours auparavant, s’évitant autant qu’ils le pouvaient, et sa présence manquait atrocement à Eilane qui ne réussissait pas à combler sa solitude.
Enfin, les élèves furent autorisés à pénétrer dans la Grande Salle, transformée pour l’occasion en pièce d’examen.
Chaque épreuve devait se dérouler de la même manière : la matinée était consacrée à la théorie, et l’après-midi à la pratique, ce qui signifiait que les élèves devaient tous se présenter individuellement à un oral devant un jury envoyé par le ministère.
Le premier jour, les cinquième années passèrent le test de divination et, à la fin de l’après-midi, Eilane su avec confiance qu’elle obtiendrait au moins un O dans une matière. La partie écrite avait semblé d’une grande facilité et l’oral s’était déroulé on ne peut mieux : elle avait prédit toutes sortes de choses qui se produisaient seulement quelques minutes après qu’elle en ait parlé. Les examinateurs avaient semblé enthousiastes !
Vinrent ensuite les épreuves de botanique, d’astronomie, de potion et d’histoire de la magie.
Si elle avait à peu près réussi la botanique et l’astronomie, il n’en était pas de même pour les deux autres : la potion qu’Eilane devait effectuer durant son oral avait adopté une étrange couleur violette au lieu de la teinte orangée attendue. Quant au test d’histoire de la magie, il n’aurait pu se passer plus mal : elle n’avait réussi à écrire que cinq lignes sur sa feuille, et encore, elle se demandait s’il se trouvait parmi ces lignes une seule information correcte. Il faut dire que l’histoire de la magie était sans nulle doute la matière qu’elle aimait le moins ! Peut-être cela venait-il du fait que le professeur Binns, qui la leur enseignait, avait succombé l’année précédente et continuait à présent de faire ses cours sous une forme fantomatique ? Il en était, en effet, devenu encore moins passionnant qu’auparavant depuis son décès et sa transformation en spectre. (Ce qui n’était pas peu dire lorsqu’on savait que, de son vivant, nombres de ses élèves s’endormaient durant ses cours ! )
Mais l’épreuve qui rendit Eilane la plus fière, fut celle de Défense Contre les Forces du Mal… Elle avait tellement dépensé d’énergie à s’entraîner à la maîtrise de ses pouvoirs que le test lui parut d’une simplicité affligeante. Elle ne pouvait en être totalement certaine car, cette fois, les juges étaient restés impassibles, mais elle espérait vivement obtenir un second O dans ce domaine. Après tout, il s’agissait de la matière qu’elle aimait le mieux expliquer à ses camarades durant le club d’aide aux devoirs !
Enfin, le dernier jour d’examen toucha à sa fin et Eilane ne fut pas mécontente de penser que les vacances ne se feraient plus trop attendre. Elle se sentait épuisée et n’avait qu’une envie : pouvoir enfin se reposer… Elle souhaitais également rentrer chez elle, faire une sorte de pèlerinage en souvenir de ses parents. Elle espérait simplement que personne, en raison de son jeune age, ne l’en empêcherait !
Elle monta se coucher rapidement, éreintée par tous les tests qu’ils passaient depuis plus d’une semaine et demi. Mais elle trouva sur son lit un petit papier griffonné.
« Rejoins-moi dans le hall à minuit
L.V. »
Eilane fronça les sourcils. Que pouvait-il bien vouloir encore ?
Un peu avant minuit, elle s’enveloppa dans une cape noire, pris soin de vérifier que tout le monde dormait dans le dortoir, et sortit de la salle commune sans faire un bruit.
-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle avec mauvaise humeur en arrivant face à Tom.
-On a un problème ! déclara-t-il mystérieusement.
-Oh oui, et je crois même savoir lequel Tom… On a rompu… Tu sais ce que ça veut dire "rompu" ?… On est plus censé se donner des rendez-vous secrets dans l’école ! C’est fini tout ça ! s’exclama la jeune fille, consternée par ses propres paroles.
-Il ne s’agit pas de ça ! marmonna Tom entre ses dents.
-Dans ce cas, dis-moi de quoi il s’agit, plutôt que de me laisser dans l’ignorance !
-Mimi Geignarde !
-Et bien quoi Mimi Geignarde ? Tom, si tu as l’intention de jouer aux devinettes, on ne pourrait pas faire ça un autre soir ? Je te rappelle qu’on a passé des examens cette semaine et que j’ai l’esprit légèrement embrumé par toutes mes révisions !
-Très bien ! râla Tom en jetant un regard noir à la Vélane. Dumbledore s’est aperçu que quelqu’un avait touché aux rouleaux de parchemins cachés dans la réserve ! Et maintenant, il veut faire parler Mimi et comme tu dois t’en douter, il lui sera facile de contrer un simple sortilège d’amnésie !
Eilane le regarda effarée.
-Comment tu peux savoir tout ça ? l’interrogea-t-elle finalement.
-Grindelwald a un espion au sein de corps enseignant de Poudlard ! Pourquoi tu crois que Dumbledore ne se rend pas compte de la présence du mage noir ? Cet espion brouille les pistes !
-Si Mimi parle, si le sortilège d’amnésie est levé…, souffla Eilane, accablée, …elle va nous dénoncer ! Elle nous a vu là-bas Tom.
-Voila, c’était ça, le problème ! acquiesça le jeune homme.
-Qu’est-ce qu’on va faire ?
-A toi de trouver l’idée, Eily ! Tu m’as dit que tu n’avais besoin de personne pour te défendre, n’est-ce pas ? Alors prouve-le ! répliqua froidement Jedusor.
Eilane réfléchit un instant. La solution, abominable et terrifiante, ne mit pas plus de quelques secondes pour lui venir à l’esprit. Une vague de nausée s’empara d’elle, mais il n’y avait pas d’autre moyen !
-On va devoir libérer le Basilic. Mais cette fois, il ne va pas seulement falloir qu’il la pétrifie ! murmura-t-elle d’une voix presque inaudible, espérant qu’ainsi ses paroles sembleraient moins horribles.
Tom sourit, une lueur de satisfaction traversant son regard.
-Voila qui me parait fort judicieux ! Mais je dois admettre que te connaissant, je ne m’attendais pas à ce que tu proposes une solution si radicale !
-Ce n’est qu’une enfant de moldu après tout, lui rappela Eilane, toujours dans un murmure, la gorge serré en réalisant ce qu’ils allaient faire. Une simple sang de bourbe. Ca m’est bien égal ce qui va advenir d’elle !
-Dans ce cas, nous sommes sur la même longueur d’onde ! Il ne nous reste plus qu’à attirer cette stupide Mimi Geignarde dans nos filets ! approuva avidement Tom, le bleu turquoise de ses yeux adoptant quelques secondes une teinte rougeoyante.
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Deux jours plus tard, le 13 juin, alors que l’année scolaire touchait à son terme, l’opportunité qu’ils attendaient arriva plus tôt qu’ils n’osaient l’espérer. Myrtille s’était une fois de plus disputée avec son amie, Olive, à propos de ses lunettes, et sanglotait comme une malheureuse dans le hall d’entrée. Eilane s’approcha d’elle, un air faussement bienveillant accroché au visage.
-Ca ne va pas ? lui demanda-t-elle d’une voix douce. Je passais là par hasard et je t’ai vu pleurer. Je peux t’aider ?
Le hasard, bien entendu, n’était pour rien dans les déplacements d’Eilane qui avait épié Myrtille depuis le début de la journée.
-Non, merci ! répliqua froidement la collégienne. Tu ne crois pas que j’ignore à quel point vous vous moquez tous de moi dès que j’ai le dos tourné !
-Mimi… Euh, excuse-moi, je veux dire… Myrtille… Personne ne se moque de toi, je t’assure ! Cependant, si tu veux vraiment être mieux respectée, tu devrais arrêter de te lamenter pour un rien !
Sa dernière phrase eut exactement l’effet escompté : Myrtille se mit à pleurnicher de plus belle et s’enfuie en direction des étages.
Eilane détacha alors de son cou le collier que Tom lui avait offert quelques mois auparavant et le déposa dans la paume de sa main. C’était la première fois qu’elle l’utilisait, mais Tom avait dû lui répéter au moins une bonne vingtaine de fois son fonctionnement. Elle ne risquait d’ailleurs pas de l’oublier !
Tout à coup, la chaîne du bijou commença à serpenter dans les airs avant de s’enrouler autour du poignet de la jeune fille. Son extrémité se planta ensuite dans la chair, au niveau de la veine, alors qu’Eilane émettait un gémissement de douleur. Enfin, le pendentif aux allures reptiliennes s’éleva au-dessus de la main de la Vélane et la bille rouge qui était sertie en son centre se mit à briller violemment.
-Je t’écoutes Eily ! murmura mentalement Tom d’une voix froide et plus aigue que d’habitude.
-Elle arrive !
Ils savaient tous deux avec certitude que si Myrtille partait se cacher quelque part, elle n’irait certainement pas ailleurs que dans le lieu qu’elle préférait pour geindre en paix : les toilettes du deuxième étage, celle-là même où se trouvait l’entrée de la Chambre des Secrets.
-Je te rejoints ! pensa Eilane juste avant que la chaîne du pendentif ne libère son poignet meurtri.
Elle grimpa à son tour les escaliers et retrouva Tom, piqué debout devant la porte des toilettes.
-Elle est dedans ?
Le jeune homme acquiesça de la tête et lui fit signe d’entrer la première. Eilane obéit, la respiration précipitée, les jambes flageolantes. Tom lui emboîta le pas. D’un geste, il lui désigna le cabinet dans lequel Myrtille s’était réfugié, puis se tourna vers les robinets tout en prononçant les paroles en Fourchelang. La Chambre des Secrets s’ouvrit sous ses ordres et, toujours dans la langue des serpents, il appela l’animal meurtrier.
Les murs se mirent à trembler autour d’eux. Eilane entendit avec horreur quelque chose ramper le long du large passage permettant d’accéder à la pièce secrète. Elle s’éloigna d’un bond en voyant le Basilic passer la tête par le tuyau et envahir les toilettes. Ses paroles terrifiantes prirent possession des lieux, ricochant contre les murs, résonnant aux oreilles de la Vélane :
- Viens à moi…que je te déchires…que je t’écorche…que je te tue…
Eilane, épouvantée, eut l’impression de voir la scène suivante par les yeux d’une autre, comme si elle y était extérieure. Tout se passa très vite. Myrtille, sans doute intriguée par le bruit, ouvrit la porte de son cabinet. Le Basilic tourna la tête vers elle. La collégienne voulut crier mais n’en eut pas le temps, le serpent géant venait de la tuer de son regard assassin. Elle s’effondra dans un bruit affreux d’os rompus, ses lunettes se brisant également sous le choc. Dans le même temps, le Basilic, commandé par Tom, avait rejoint sa cachette dans la Chambre des Secrets.
Les battements du cœur d’Eilane s’étaient terriblement accélérés. Elle s’efforça à respirer calmement afin de leur permettre de ralentir, mais ce n’était pas chose facile dans de telles circonstances !
Elle s’approcha de Myrtille comme pour vérifier qu’elle ne s’était pas simplement endormie mais il n’y avait aucun doute possible.
Elle était morte.
Ses yeux encore ouverts avaient pris une teinte grisâtre et son regard était devenu vide et vitreux. De sa lèvre inférieur coulait un mince filet de sang frais, d’une couleur rouge vif, sans doute du à une dent brisée durant sa chute. Son corps avait une étrange position, comme celle d’un pantin inanimé et balancé nonchalamment sur le sol. Sa poitrine ne se soulevait plus, son cœur ne battait plus, plus aucun souffle ne sortait de ses narines.
Eilane resta ainsi pendant des minutes, peut-être des heures. Elle ne pouvait se l’expliquer, mais elle se sentait incapable de détacher son regard du corps de Myrtille. Elle n’aurait su dire si elle en était terrifiée ou fascinée, ce qu’elle savait par contre, c’est qu’elle venait d’être complice d’un meurtre et que dans cet instant presque surnaturel, cela ne la touchait pas plus qu’autre chose.
Tom, la sortant brusquement de sa rêverie, agrippa son poignet avec une telle force qu’elle ne put l’empêcher de la tirer à lui. Eilane fut parcourue d’un frissonnement en voyant son visage : un sourire malfaisant s’affichait sur ses lèvres et ses pupilles, teintées de rouge, brillaient d’un désir bestiale.
Avant qu’elle n’ait pu dire un mot, il la poussa sauvagement vers la lavabo où il la força à s’accouder, l’obligeant ainsi à observer le cadavre de leur victime qui se reflétait dans la glace face à laquelle elle se trouvait.
D’un geste brutal, Tom, derrière elle, lui retira ses sous-vêtements et tout en la frôlant, se déshabilla à son tour.
-Tom, arrête, je t’en pris ! l’implora Eilane, dont le regard ne pouvait à nouveau se défaire du corps de Myrtille
Mais il ne semblait pas l’entendre.
En le sentant s’introduire entre ses reins, sans préliminaires et avec toute la férocité dont il savait faire preuve, Eilane eut une sursaut de surprise, accompagné d’un cri de douleur. Jamais encore il n’avait exploré cette partie de son corps. Affolée, elle voulut se débattre mais il la maintint avec force contre le lavabo.
-Laisse-moi faire…, murmura-t-il d’une voix de dément. Tu auras beau tenter de te libérer avec toute la conviction possible, tu ne pourras pas nier longtemps que ce que nous venons d’accomplir t’as émoustiller au plus haut point ma belle !
-Non, tu te trompes, murmura-t-elle.
Au fond d’elle-même pourtant, elle savait avec dégoût qu’il avait raison. Mais comment admettre qu’elle avait aimé regarder Myrtille rendre son dernier soupir, qu’elle y avait pris un plaisir pervers et que maintenant elle brûlait d’un désir tout aussi sauvage que celui qui animait son amant ? Non, elle ne pouvait décemment accepter tout cela !
Des larmes coulèrent le long des joues d’Eilane.
Elle tenta une nouvelle fois de forcer Tom à se retirer mais il resserra autant que possible son étreinte et s’enfonça plus profondément en elle, amplifiant la souffrance qu’elle avait ressenti dans les premiers instants.
Résignée, elle abandonna la bataille et, les yeux toujours rivés sur le cadavre de Myrtille, laissa Tom aller et venir férocement entre ses reins. Sans disparaître totalement, la peine s’estompa un peu jusqu’à devenir supportable et laissa place à des déferlantes de plaisir. Eilane se cambra bientôt d’avantage, invitant son amant à la pénétrer plus profondément. Elle s’agrippa au rebord du lavabo lorsqu’elle sentit une nouvelle vague de douleur jouissive la traverser, ne pouvant s’empêcher de gémir de délectation.
-Je savais que tu adorerais être brusquer ! s’exclama Tom sadiquement tout en lui attrapant violemment les cheveux, ce qui arracha à la jeune fille une nouvelle plainte. Te faire dominer, voila ce qui tu aimes, n’est-ce pas ma belle ?
Eilane ne dit rien, mais le regard brûlant qu’elle offrit au reflet de Tom dans le miroir suffit à répondre à sa question. Il éclata d’un rire glacial et victorieux avant de se retirer.
-Ca te plait de la regarder, n’est-ce pas ? demanda-t-il en voyant les yeux d’Eilane se reposer sur la dépouille de Myrtille.
Il la retourna brusquement et la poussa à s’asseoir sur le lavabo, le dos collé contre la glace dans laquelle elle regardait quelques instants plus tôt. Ses doigts forcèrent l’entrée de son intimité et remuèrent à l’intérieur avec brutalité.
-Contemple-la bien, Eily. N’en perds pas une miette. C’est ton œuvre ma belle, sois en fière ! dit-il en désignant le corps de Myrtille.
Eilane détourna les yeux quelques secondes du cadavre et les plongea dans le pourpre de ceux de Tom. Elle n’eut besoin d’aucune parole pour qu’il sache ce qu’elle désirait. Il retira ses doigts et, avec une brutalité plus puissante encore que celle dont il avait fait preuve auparavant, s’introduisit en elle aussi profondément et violement que possible. Elle hurla de satisfaction et de souffrance confondue en sentant avec plaisir les chairs de son intimité se meurtrir. En cet instant, rien ne semblait pouvoir l’exciter d’avantage que la douleur qui émanait de chaque mouvement bestial de Tom. D’un geste brusque, il brisa en mille morceau le miroir qui se trouvait juste derrière elle, puis plaqua la jeune fille contre les débris de verres encore accrochés au mur, coupant la peau pâle de son dos, faisant jaillir son sang qui s’écoula le long de ses hanches. Elle se sentait chavirer. Elle savait que les blessures que Tom venait de lui infliger étaient profondes mais elle ne désirait qu’une chose, aller jusqu’au bout de leurs fantasmes, quoi qu’il puisse lui coûter.
Tandis qu’il continuait à mener une danse frénétique dans son intimité, la main droite du jeune homme passa sous les cuisses de sa maîtresse et s’aventura entre ses reins, glissant dans le sang qui s’échappait toujours des plaies de son dos. Leurs bouches se collèrent dans un baiser effréné auquel Eilane mit fin en mordant profondément la lèvre de son amant.
Il jouit dans un dernier coup sec, ses doigts la pénétrant toujours. Elle jeta un ultime regard au corps inerte de leur proie et sentit la jouissance monter également en elle. Ses cris résonnèrent contre les murs des toilettes tandis que Tom la contemplait s’abandonner avec satisfaction.
Il n’attendit pas une minute de plus avant de lever sa baguette magique vers elle et de jeter un sortilège de soin, ce dont Eilane le remercia mentalement.
-Viens, mieux vaut ne pas rester plus longtemps ici, nous n’avons déjà que trop traîné ! s’exclama Tom dont les yeux avaient repris leur couleur turquoise.
Elle acquiesça et ils s’enfuirent des toilettes, laissant le corps inerte derrière eux.
Ce n’est que le lendemain matin que la dépouille de Myrtille fut découverte par Olive, sa meilleure et seule amie, alors qu’elle partait à sa recherche…
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A plus de cinquante années de là, Eilane, accompagnée de Dumbledore, posait une nouvelle fois les pieds sur le sol anglais. Elle avait vainement espéré ne plus jamais revenir dans ce pays d’où provenaient les pires souvenirs de sa vie, et c’est le cœur serré qu’elle prit dans ses bras Hagrid, venu les accueillir. Après de brèves retrouvailles, Ils s’en allèrent tous trois en direction de l’ancien QG de l’Ordre du Phénix.
Une nouvelle guerre s’apprêtait à commencer…