Chapitre 9 : Les maux du sang
Sur l’île d’Ouessant, l’été touchait à son terme et la chaleur caniculaire qui sévissait depuis le début du mois d’août s’en était enfin allée.
Il devenait maintenant coutumier de voir les enfants du village de Lampaul s’assembler autour de cette mystérieuse femme aux longs cheveux blonds qui se plaisait tant à raconter des histoires.
Ce jour là, pourtant, la réunion avait été annulée. En effet, de gros nuages grisâtres envahissaient le ciel, déchaînant l’océan, déversant sur l’île ses fines averses.
Presque tous les Ouessantins s’étaient réfugiés chez eux, évitant ainsi la colère des éléments.
Seule une silhouette fantomatique arpentait la lande en direction d’une crique encastrée dans les rochers où s’étirait l’une des plus belles plages du site.
Eilane, les cheveux lâchés, emmêlés par le vent, agressés par l’air chargé de sel, ne semblait pas s’inquiéter du temps maussade qui engloutissait l’île.
Elle descendit prudemment jusqu’à la baie, se déchaussa et planta les pieds dans le sable fin comme si elle n’en avait pas ressenti le contact depuis des années. Des larmes roulaient sur ses joues, rougissaient ses yeux pâlis par le chagrin, troublaient sa vision. Elle avança à l’aveugle en direction de la mer houleuse et lorsque l’océan lécha sa peau, elle poussa un soupir de soulagement. Cela faisant tellement longtemps… Les vagues emportèrent l’eau au loin et Eilane sentit la pression du courant emmener, vers le large, le sable qui soutenait son corps. Attirée comme par aimant, elle se laissa glisser en direction de la mer. L’eau s’enroula autour de ses chevilles, agrippa ses jambes, monta jusqu’à ses cuisses, puis arriva à son ventre. Le froid gelant ses muscles lui faisait oublier son enveloppe terrestre. Elle se sentait délivrée d’un poids énorme devenu trop lourd à porter. Inconsciemment, ses genoux lâchèrent et elle bascula en position horizontale à la surface du miroir salé.
Elle ne voyait plus que le ciel envahis de nuages au dessus de sa tête. Elle se laissait doucement submerger par l’océan qui l’appelait à lui. Elle n’entendait pas les cris des marins affolés, sautant de leur bateau qui fonçait droit sur les falaises à quelques mètres seulement d’elle, ni le vrombissement des vagues, vainqueurs de cette bataille contre l’être humain. Tout devenait de plus en plus flou, de plus en plus sombre. Le froid s’estompait petit à petit et une étrange chaleur, synonyme de bien-être, l’envahissait lentement. L’eau coulait dans ses narines et dans sa gorge, ses membres se raidissait… Tout allait s’arranger à présent.
Elle ferma les yeux. A travers ses paupières closes, elle voyait vaguement des gens s’affairer autour d’un trône, des visages terrifiés, des regards implorants. Puis elle aperçut un jeune homme… ou plutôt un adolescent. Il ne lui fallut pas longtemps pour le reconnaître… C’était Harry Potter…
Soudain, elle sentit des mains soulever son corps inerte et le tirer hors de son linceul océanique. Dans un état second, elle comprit qu’on la déposait sur le sable fin et qu’on tentait de la rappeler à la réalité. Elle n’était pas certaine de vouloir y retourner… Après tout, cette réalité n’avait plus rien à lui offrir depuis longtemps déjà ! Mais par-dessus ces appels, par-delà les murmures du vent, une seconde voix retentit, une voix qu’elle connaissait trop bien et qui résonnait cruellement à ses oreilles, la voix de celui qu’elle avait tant aimé :
-Ce n’est pas ton heure aujourd’hui, Eily… Le monde a encore besoin de toi !
Elle ne savait si elle devait l’écouter ou non, il lui avait si souvent menti… puis elle repensa soudain à la vision qu’elle avait eu de Harry et cela la décida définitivement. Elle devait en avoir le cœur net !
Elle entrouvrit les paupières.
Assis à côté d’elle, le visage inquiet penché au dessus de sa tête, se tenait Albus Dumbledore, les vêtements de sorciers et la longue barbe blanche trempés par l’eau de l’océan à qui il venait de reprendre la Vélane.
-J’ai bien cru que nous t’avions perdue pour de bon, avoua-t-il en l’aidant à se lever.
Il porta presque la femme jusqu’au village tant toutes ses forces l’avaient quittées. Il l’allongea sur le lit de sa chambre d’hôtel et demanda aux employés de préparer une grande tasse de thé brûlant pendant qu’Eilane sombrait dans un sommeil troublé de cauchemars.
Lorsqu’elle se réveilla quelques heures plus tard, Dumbledore était assis à son chevet. L’air soucieux, il nettoyait ses lunettes en demi-lune avec un morceau de tissu, tout comme l’aurait fait un Moldu.
-C’est gentil professeur d’être venu me faire une petite visite, murmura faiblement Eilane. Sa voix cassée la fit alors frissonner, on l’aurait crue tout droit sortie d’outre tombe.
-Professeur ? Cela fait déjà bien longtemps que plus personne ne me donne ce titre ! Depuis que Poudlard n’est plus en fait !
Eilane détourna le regard. Elle était en grande partie responsable de la destruction de Poudlard, et surtout du massacre qui y avait eu lieu. Sa conscience ne le lui rappelait que trop souvent.
-Il n’est pas temps pour les regrets, Eilane… Un jour peut-être, mais pour le moment, j’ai besoin de ton aide.
La Vélane releva les yeux vers Dumbledore, dont la peau ridées et le regard anormalement cerné, lui donnait un air plus vieux que jamais.
-C’est Harry, n’est-ce pas ?
-Toujours aussi perspicace ! fit remarquer malicieusement le sorcier.
Eilane esquissa un sourire forcé avant de reprendre la parole.
-Je l’ai vu… dans mes rêves ! Je ne voulais pas y croire, mais les prémonitions des prêtresses s’avèrent trop souvent exactes !
-Que sais-tu exactement à son sujet ? demanda Dumbledore avec intérêt.
-Je sais qu’après la bataille de Poudlard, il a disparu sans laisser de traces. Ensuite, je sais seulement ce que mes visions m’on montré : il était assis sur un trône dans une pièce sombre et des gens terrifiés se prosternaient tout autour de lui. Le reste, je l’ai compris par déduction : réaliser sa responsabilité dans la mort de ses amis et dans la destruction de son école ne l’ont pas laissé indemne… Une fois Voldemort tué, il s’est enfuit… mais son cœur était déjà rongé par les Ténèbres… Et ce que tout ceux qui connaissaient la vérité craignaient s’est produit !
-La "prophétie des Anciens"… ! s’exclama Dumbledore et il se mit à marmonner dans une langue étrange.
-« Celui par qui le sang du Seigneur noir coulera, sur son trône de Ténèbres régnera », traduisit Eilane.
-Ce n’est que le début de la prophétie, reprit Dumbledore, mais la suite concorde tout autant, n’est-ce pas ? Il semblerait qu’elle ne s’appliquait pas à Grindelwald en fin de compte !
-Non, peut-être pas en effet ! admit la Vélane.
Elle resta un long moment sans rien dire, méditant sur la signification de la prophétie. Comme Dumbledore ne reprenait pas non plus la parole, elle mit un terme au silence qu’elle avait du mal à supporter depuis quelques temps.
-Vous voulez que je vous suive en Angleterre, n’est-ce pas Professeur ? C’est bien pour cela que vous êtes ici ?
-Il faut que tu reviennes…! acquiesça Dumbledore. Si réellement nous avons vu juste et que Harry s’apprête à devenir le nouveau Seigneur des Ténèbres, nous devrons tout faire pour l’en empêcher tant qu’il est encore temps… Et tu es sûrement la seule personne qu’il écoutera!
-Vous vous trompez… Autrefois, peut-être, j’aurais pu le sauver… Mais maintenant…
Eilane ne termina pas sa phrase, des larmes salées envahissaient ses yeux et sa gorge serrée l’empêchait de parler.
-Ainsi tu vas le laisser sombrer, comme toi avant lui, comme Tom ?
Eilane jeta à Dumbledore un regard glacé et s’apprêtait à se retourner dans son lit afin de ne plus avoir le sorcier dans son champ de vision lorsqu’il reprit la parole :
-Je croyais que ce garçon importait à tes yeux ?
-C’est le cas ! s’insurgea-t-elle.
-Alors pars avec moi, et sauvons-le ensemble ! Seul, je ne ferais pas le poids !
-Vous ne comprenez pas ! Tous ceux que j’ai aimé dans ma vie… tous sont morts, les uns après les autres… le seul moyen pour moi de préserver Harry est de rester loin de lui !
-Si je ne m’abuse, l’éloignement n’a pas empêcher ton enfant de trépasser ! fit remarquer calmement Dumbledore. Mais soit ! Si c’est ce que tu souhaites, reste donc ici, aveugle aux malheurs des autres ! Après tout, tu fais cela mieux que personne !
Il se leva de sa chaise et s’apprêtait à sortir quand Eilane l’appela.
-Professeur, attendez !
Le sorcier se tourna vers la Vélane qui s’était redressée dans son lit, le visage plus résolu que jamais, les larmes encore ruisselantes sur ses joues.
-Je viens ! se contenta-t-elle d’ajouter.
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Mayann s’effondra soudain. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait trébuché sur la neige depuis leur arrivée dans cet endroit lugubre. Elle ignorait encore pourquoi on les avait amené ici, ni comment il était possible que deux sorciers de leur trempe ne puissent réussir à s’enfuir… Ce qu’elle savait par contre, c’est qu’ils n’en ressortiraient certainement pas vivants… Elle voyait souvent les militaires escorter de nouveaux arrivants depuis le train… mais jamais personne ne faisait le trajet en sens inverse, et pourtant, nombreux étaient ceux qui avaient disparus depuis qu’elle et son mari, plusieurs semaines auparavant, avaient été forcés à franchir les barrières et les fils barbelés du camp d’Auschwitz.
-Auf ! ordonna brutalement le soldat le plus proche. AUF ! cria-t-il à nouveau, tout en pointant son arme sur Mayann qui se releva difficilement.
Il était devenu courant pour elle de se faire menacer par une arme… Une monotonie bien éprouvante ! Son seul réconfort, dans tout cet enfer, était de retrouver, la nuit tomber, Beren, son mari, qui tentait tant bien que mal de la rassurer sur leur sort. Il lui rappelait chaque soir avec une émotion impossible à cacher que s’ils ne tenaient pas le coup pour eux-mêmes, ils se devaient au moins de le faire pour leur fille adoptive, Eilane, qui avait encore besoin de leur affection.
Mais malgré ces douces paroles, ils savaient tous les deux qu’ils ne reverraient sans doute jamais ni l’Angleterre, ni la Bretagne dont ils étaient originaires, et encore mois celle qu’ils appelaient maintenant leur fille, même si aucun de leur deux sangs ne coulait dans ses veines.
Pour quelle stupide raison avaient-ils choisi, quelques mois auparavant, de faire le voyage jusqu’à Portsall, petit village entouré par les falaises de la Bretagne sauvage, où une de leurs amies semblait en grande difficulté ? Pour quelle autre stupide raison les allemands avaient-ils débarqués, deux ou trois semaines plus tard, avec pour ordre exclusif de les arrêter et de les envoyer dans l’un de leur camp de prisonnier ? Pourquoi aucune magie n’avait fonctionnée contre ces soldats, comme s’ils étaient protégés par un quelconque contre sort très puissant ?
Tellement de question restaient en suspens qu’il était difficile pour Mayann de trouver le sommeil le soir venu… Bien sur, les conditions de vie déplorables n’aidaient en rien à se reposer ou à se sentir à l’aise… Ils ne risquaient pas d’oublier qu’ils étaient des prisonniers exilés et non pas des hôtes de bonne compagnie.
Soudain, sortant Mayann de ses pensées, des appels retentirent en direction des bâtiments. Elle ne comprenait toujours rien à la langue Allemande et aucun soldat ne semblait s’en soucier. Elle n’était d’ailleurs pas la seule dans ce cas. Beaucoup d’autres déportés ne parlaient que leur langue maternelle. Lorsqu’un ordre mettait trop de temps à être compris, les allemands perdaient patience… certains se mettait seulement à parler plus fort, en affichant un air menaçant, mais d’autres, qui paraissaient amusés par cette guerre, préféraient immédiatement sortir leur arme et se débarrasser de ces prisonniers incompréhensifs… Mayann ne comptait plus le nombre de fois où elle avait vu la neige se tâcher de rouge… La plupart de ces militaires étaient sans pitié, aussi bien avec les hommes qu’avec les femmes ou les enfants.
Au deuxième appel, elle décida de suivre d’autres prisonniers de sa section, qui semblaient, pour leur part, avoir compris ce qu’on attendait d’eux.
Sans dire un mot, ils se dirigèrent en silence et en rang serré à l’intérieur de l’un des bâtiments où Mayann avait déjà été amenée plusieurs fois auparavant pour les douches collectives. Elle scruta les alentours et fut soulagée lorsqu’elle aperçut Beren à quelques mètres devant elle.
A l’entrée des douches, les Allemands les firent se déshabiller sans la moindre pudeur à les observer, comme cela était le cas à chaque fois. Ils séparèrent ensuite les hommes et les femmes et les envoyèrent dans deux grandes pièces similaires.
Mayann était éreintée par les travaux forcés qu’on lui faisait accumuler et n’aurait pas été réticente au contact d’une bonne douche bien chaude vu le froid qui régnait au dehors. Mais il ne fallait pas s’attendre à de la chaleur de la part de leurs tortionnaires… l’eau qui allait les asperger serait, comme d’habitude, aussi glacé que possible !
Les minutes défilaient mais l’eau ne se déversait toujours pas des conduits prévu à cet effet. Les facultés de sorcières de Mayann, bien qu’étrangement inhibée depuis son arrivée dans le camp, lui disaient clairement qu’il se passait quelque chose d’anormal. Pendant qu’elles attendaient, les autres femmes du groupe, grelottantes de froid, se regroupèrent au centre de la pièce dans un effort vain pour se tenir chaud.
Puis Mayann comprit, bien avant les autres, qu’elle ne ressortirait pas de cette pièce vivante. Prise par un vent de panique, elle courut vers la porte scellée. Il fallait qu’elle essaie quelque chose, n’importe quoi… Elle tambourina la porte de toutes ses forces mais rien ne se produisit. Elle tenta de rassembler toutes son courage et prononça la formule magique adéquat mais encore une fois… rien… Elles étaient prises au piège…
Alors elle entendit un bruit étrange, comme un souffle qui provenait des conduits d’où aurait du normalement sortir l’eau. L’air se chargeait d’une odeur nauséabonde, irrespirable. Dans un dernier effort, elle prononça une seconde fois la formule mais la porte resta tout aussi immobile que la première fois. Elle sentait avec terreur ses poumons se contracter sous l’effet de l’air qu’ils absorbaient. Bientôt, elle n’eut plus la force de respirer et s’écroula sur le sol, sans un souffle de vie, emportée par l’une des morts les plus atroce qui soit.
Dans la pièce adjacente, Beren, son mari, avait lui aussi succombé.
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Eilane se réveilla en sursaut. Sur sa peau luisait une fine pellicule de sueur froide. Ses joues étaient couvertes de larmes et ses membres secoués par d’incontrôlables tremblements. Sa respiration semblait irrégulière et saccadée.
Elle tenta de reprendre ses esprits et de se souvenir ce qui l’avait mise dans un tel état et tout revint à sa mémoire comme une gifle glacée : le camp, ses parents adoptifs, les douches, la mort…
Elle bondit hors de son lit, toujours sous le choc… Ce n’était qu’un rêve bien sur, mais il avait paru si réel ! Sans réfléchir d’avantage, elle partit en direction du dortoir des garçons.
Arrivée à la hauteur du lit de Tom, elle s‘aperçut qu’il dormait profondément et hésita un instant à le réveiller, mais elle avait besoin de parler à quelqu’un et elle ignorait vraiment à qui d’autre elle aurait pu se confier. Après avoir pris soin de fermer les rideaux derrière elle et de lancer un sort d’insonorité, elle se racla bruyamment la gorge, espérant que cela suffirait à sortir son compagnon du sommeil.
Le jeune homme se retourna dans son lit et ouvrit ses grands yeux turquoise.
-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il d’une voix encore endormie en voyant l’état dans lequel se trouvait Eilane.
Avant qu’elle n’ait pu répondre, elle sentit les larmes monter à nouveau à ses yeux et elle éclata en sanglot. Tom se leva, l’attira doucement vers lui et la fit s’asseoir ensuite à ses côté. Toujours secouée de pleurs, elle s’allongea, recroquevillée, sur le lit et posa la tête sur les genoux de son amant dans l’espoir de recevoir un quelconque réconfort. Quand enfin elle réussit à se calmer et à reprendre sa respiration, elle se mit à parler, aussi vite que possible, et elle lui raconta tout ce qu’elle avait vu dans son horrible cauchemar. A la fin de ce pénible récit, Tom fit une grimace qui ne présageait rien de bon, mais évita tout commentaire.
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Le lendemain matin, alors que tous les autres élèves étaient partis prendre leur petit déjeuné, Tom avait préféré rester avec une Eilane déconfite, dans leur salle commune. Nagini dormait bien tranquillement dans sa boite, à côté de la table où ils s’étaient installés.
-Tu ne devrais pas te mettre dans un état pareil ! fit remarquer Tom. Ce n’est pas digne de toi !
-Digne de moi ? Tom, j’ai rêvé que mes parents se faisaient massacré ! Qu’est ce que je suis censée faire ? Organiser une fête ?
-Tes parents adoptifs ! la reprit le jeune homme.
-Ils m’ont élevé comme leur propre fille ! s’exclama Eilane en le fusillant du regard. Je leur dois tout. Ce n’est pas comme mon père qui a simplement violé ma mère avant de disparaître ! Eux au moins…
-Ne parle de pas de ton père comme ça ! la coupa froidement Tom, dont les yeux semblèrent pendant un instant vouloir jeter des éclairs flamboyants.
Dans sa boite, Nagini poussa un cri strident. De toute évidence, la conversation animée l’avait réveillée. Tom vérifia qu’aucun étudiant n’était encore revenu de la Grande Salle, puis souleva le couvercle.
-Tu devraissssss écouter Tom… Inssssssssulter ton père ne te mènera ssssssssurement à rien, zézaya la femelle serpent avec un air de reproche, comme pour donner raison à son maître.
Eilane la regarda abasourdie lui donner cette leçon de morale, puis se tourna vers le jeune homme…
Après tout, ce moment n’était pas pire qu’un autre pour lui poser la question !
-Tu savais que j’étais devenue une Fourchelang ? s’enquit-elle tout en se doutant de la réponse qu’il allait certainement lui fournir.
-Oui, bien sur !
-Et comment…
-Lorsque j’ai fait apparaître cette marque sur ton bras, commença Tom en désignant le tatouage d’Eilane, j’en ai profité pour te donner ce don… Il se pourrait qu’il te soit grandement utile dans le futur ! rajouta-t-il mystérieusement. Ah au fait, avec cette histoire de rêve, j’ai faillit oublier de te prévenir… Grindelwald va faire ton initiation ce soir à minuit !
-Une initiation ? Mais je n’ai jamais demandé…
-C’est important et je te conseille vivement de venir ! dit-il d’un ton menaçant. Minuit ! Sois bien à l’heure !
Et, sans rajouter un mot, il poussa la boite de Nagini dans un coin de la pièce, s’empara de son sac de classe et sortit, laissant Eilane, bouche bée, piquée au milieu de la salle commune.
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-J’ai faillit attendre ! reprocha Tom alors qu’Eilane venait d’arriver dans le parc du château.
-Il est à peine minuit, je suis à l’heure ! Et de toute manière, c’est pour m’éviter d’être vue que j’ai perdu du temps !
Eilane en voulait tout autant à Tom pour son manque de sensibilité quant au cauchemar qu’elle avait subit que pour avoir décidé à sa place qu’elle devait rentrer dans les rangs des serviteurs de Grindelwald.
-En quoi va consister exactement cette initiation au fait ? demanda-t-elle sèchement.
-Tu verras ! se contenta de répondre le jeune homme tout en lui attrapant la main et en l’emmenant vers la forêt interdite.
Ils s’enfoncèrent lentement dans les sous-bois. L’air, qui pendant la journée se radoucissait de semaines en semaines, reprenait encore, à la tombée de la nuit, la fraîcheur propre à certains soirs d’hiver. Les deux adolescents suivirent durant de longues minutes un petit chemin sinueux qui déboucha finalement sur une vaste clairière où un ruisseau chantait son ode apaisante.
Comme à leur première rencontre, les Ombres, d’abord à peine visibles pour Eilane, lui apparurent plus distinctement alors que ses yeux s’habituaient au peu de luminosité qu’offrait une nuit sans lune. Tom lui avait formellement interdit de se munir de sa baguette magique et avait lui-même laissé la sienne dans sa poche, ne l’utilisant même pas pour formuler un Lumos. Heureusement, elle avait toujours possédé une très bonne vision dans l’obscurité et ne craignait pas de se déplacer dans la pénombre.
Grindelwald, paré de son habituelle cape rouge sang, se détacha du groupe que formaient les Ombres dans un bruit strident et s’approcha du couple. Tom ne lâcha la main de la jeune fille qu’à cet instant précis et, sans dire un mot, s’éloigna doucement d’elle.
-Ainsi donc, tu es prête à passer l’épreuve de l’initiation ? demanda solennellement le mage noir de sa voix rocailleuse.
La peau pâle de la Vélane blêmit encore d’avantage. Elle n’avait jamais prétendu se penser prête à quoi que ce soit, c’était Tom qui avait décidé pour elle du moment où elle devrait passer cette mystérieuse épreuve dont il n’avait rien voulu lui révéler.
-Avant toutes choses, tu vas devoir être préparée !
Eilane ouvrit de grands yeux étonnés. Qu’entendait-il par là exactement ? Devait-elle prendre des sortes de cours ?
Sans plus d’explications, Grindelwald s’écarta et deux Ombres s’approchèrent de la jeune fille avec une telle fluidité que l’on aurait dit qu’elles flottaient dans les airs. Seul le bruit strident qu’elles émettaient en se mouvant rappelait leur statut de créatures des Ténèbres.
Une vive douleur, telle une brûlure, parcourut un instant le front de la jeune fille, faisant savoir que sur sa peau blanche était à nouveau apparut le croissant de lune des prêtresses.
L’une des Ombres tendit à Eilane une large coupe remplie d’un étrange liquide doré. La jeune fille, méfiante, regardait l’objet avec réticence mais l’Ombre approcha la coupe de sa bouche et la porta à ses lèvres. Eilane n’en aspira pas plus d’une gorgée avant de se sentir tomber dans une état d’émerveillement soudain. Le contenu de la coupe avait un goût suave et sirupeux qui rappelait un mélange de miel, de liqueur de fleurs et de nectar de fruit. Plus que de provenir de la nature, il semblait carrément avoir été puisé en elle, comme si la sève de chacun des éléments extérieurs s’épanouissait dans cette boisson aux reflets cuivrés.
Jamais Eilane ne s’était trouvée aussi bien, aussi calme, aussi sereine. L’affreux cauchemar qui l’avait tant bouleversée le matin même était à présent loin derrière elle.
Elle sentit des mains l’attirer vers un parterre douillet de mousse fraîche et l’allonger sur le sol. Elle n’opposa pas la moindre résistance. Elle n’en voyait pas l’utilité ! Tout lui semblait tellement parfait !
Les Ombres détressèrent ses longs cheveux argentés et les laissèrent s’éparpiller librement. Elles dénouèrent ensuite le laçage de sa robe et dénudèrent la jeune fille. L’air frais souffla sur sa peau laiteuse, mais elle ne s’en soucia pas plus que des mains qui, à présent, la lavaient et la massaient à l’aide de toute sorte d’huile naturelles aux parfums enivrants.
Quand les Ombres eurent enfin fini, elles laissèrent Eilane seule, allongée sur l’épais lit de mousse, sans lui donner la moindre explication. Mais la transe qui durait toujours, rendait la jeune fille indifférente et elle ne s’en inquiéta pas.
Lentement, elle se redressa et regarda autour d’elle. Ses facultés décuplées lui laissaient ressentir les vibrations de la terre et la fraîcheur de l’eau qui émanait de chaque pore des végétaux alentours telle un fluide vital coulant dans les veines de la nature et alimentant son pouvoir.
Eilane se releva et, comme si son instinct lui dictait ce qu’elle avait à faire, se dirigea vers un petit puits délabré, en pierre blanche, qui trônait un peu plus loin dans la clairière. Elle s’agenouilla, s’accouda aux rebords froids et baissa la tête vers le font. L’eau stagnante y miroitait tellement qu’on pouvait croire que toutes les étoiles du ciel pourtant couvert de nuage s’y reflétaient.
-Concentres-toi, lui disait une voix douce et lointaine, ni vraiment masculine, ni vraiment féminine. Que vois-tu dans le "Puits aux âmes" ?
Eilane tenta de se focaliser sur le fond du puits. Elle observa plus en détail le liquide qui y séjournait et n‘y perçut que des tâches indistinctes tournoyant les unes avec les autres. Peut-être n’y avait-il pas plus à voir ?
-Ne renonce pas ! ordonna la voix. Tu es une enfant d’Avalon, la dernière descendante des grandes prêtresses… Tu es la Déesse, tu possèdes en cet instant son savoir, sa puissance et sa sagesse.
Et enfin, les images apparurent, d’abord floues, puis de plus en plus nettes.
Eilane se vit elle-même se dessiner sur l’eau sombre du puits aux âmes. Elle ne semblait pas physiquement plus âgée, mais quelque chose dans ses yeux avait changé, et ses cheveux étaient devenus d’un noir de jais. Son front était paré d’une fine chaîne d’argent qui se terminait en croissant de lune bleu-gris. Elle portait une longue robe noire et ses cheveux étaient remontés. Autour d’elle, des hommes et des femmes se prosternaient par centaine.
L’image se brouilla pour laisser place à une nouvelle. Malgré la transe, Eilane frissonna en découvrant ce que le puits lui montrait. Il s’agissait d’un enfant, à peine nouveau né, mais ses yeux mi-clos ne reflétaient aucune vie et le nourrisson semblait flotter, inerte, à la surface de l’eau stagnante.
Presque aussi vite qu’elle était apparue, cette image s’évanouit, elle aussi. Un autre visage de bébé prit sa place. Cette fois-ci, l’enfant, auréolé de cheveux cuivrés, semblait rire aux éclats.
Les images s’enchaînèrent ainsi pendant plus d’une demi heure et la dernière qu’Eilane vit représentait une barque en bois portant le corps d’une femme vers une île qu’elle ne connaissait pas, perdue dans une épaisse brume bleutée.
Tout comme elle avait su par instinct qu’elle devait se diriger vers le Puits aux âmes, Eilane comprit que l’épreuve était à présent terminée.
Elle se redressa doucement. Ses jambes étaient encore chancelantes mais sa conscience avait repris le dessus sur la transe dans laquelle elle avait été plongée.
Tandis que deux Ombres l’enveloppaient dans un long drap blanc à la texture soyeuse, Grindelwald l’observait, une once de fierté dans le regard, comme si cela lui importait personnellement qu’elle passe brillamment l’épreuve.
Autour de lui, d’autres Ombres semblaient se regrouper dans d’étranges chuchotements.
-Je n’en attendais pas moins de toi ! s’exclama Grindelwald alors que la jeune fille s’approchait de lui. Tu es digne de faire parti de notre communauté privilégiée, mon enfant !
Eilane l’examina un instant, scrutant profondément son esprit mais elle s’aperçut à sa grande déception que rien ne semblait en émaner.
-Tu auras du mal à me sonder, tu sais ! s’amusa Grindelwald. La légilimencie ne peut en effet marcher que sur les humains ! Mais demande-moi plutôt ce que tu désires savoir !
-Que sur les humains ? s’étonna Eilane. Vous voulez dire que vous n’en êtes pas un ?
-J’ai bien peur que non !
-Dans ce cas, qu’êtes vous ? l’interrogea la Vélane, les sourcils froncés, un air d’incrédulité envahissant la blancheur de son visage.
-Tu es toute aussi curieuse que Tom me l’avait décrit ! sourit Grindelwald. Est-ce tout ce que tu avais à me demander ?
-Non ! avoua Eilane dans un murmure.
-Je m’en doutais ! Et si tu me permets, je vais t’éviter de gaspiller ta salive en me posant la question ! Oui, Eilane Dierna Snake, je suis ton père !
La gorge d’Eilane se noua. Elle se doutait depuis longtemps à présent de la réponse que Grindelwald venait de lui fournir, mais l’entendre aussi abruptement la rendit nauséeuse.
-C’est donc vous qui avez violé ma mère et qui l’avez tué indirectement ! s’indigna-t-elle en haussant la voix.
Tom accourut vers sa compagne, l’air alarmé.
-Eilane, ne parle pas ainsi au Seigneur Noir ! lui ordonna-t-il.
-Cela ne fait rien Tom… Non vraiment ! l’assura calmement Grindelwald. C’est vrai, Eilane, j’ai violé ta mère… Je voulais un héritier, le plus puissant qui soit, et Aélia, en tant que descendante des prêtresses d’Avalon, était une mère toute trouvée pour mon enfant ! Mais ce n’est pas moi qui l’ait tuée… non, ma fille, c’est toi qui a fait cela ! Et avec brio je dois dire ! Déjà à la naissance, tu avais l’âme d’une meurtrière !
Avant que Tom n’ait eu le temps de dire ou faire quoique ce soit, Eilane s’était jetée sur Grindelwald en hurlant.
-Vous mentez ! Vous mentez ! Comment osez-vous ?
Tom attrapa la jeune fille par les bras et l’éloigna de son père. Grindelwald éclata d’un rire froid qui résonna étrangement.
-Une véritable furie hein ! Il faudra apprendre à maîtriser ces sautes d’humeur, mon enfant ! Je suis certain que Tom y veillera !
Il se retourna soudain, tandis que deux Ombres entraient dans la clairière, escortant un autre adolescent. Eilane n’eut aucun mal à reconnaître les cheveux blonds platine et l’allure arrogante de Maximilius Malefoy.
-Ah voila notre seconde recrue ! s’exclama Grindelwald de sa voix caverneuse. Nous sommes donc au complet. Mes amis, il est temps que nos deux nouveaux partisans découvrent vos véritables identités !
Tandis que Grindelwald prononçait ces derniers mots, les Ombres semblèrent soudain devenir plus visible et perdre de leur translucidité. Eilane pensa d’abord que le ciel s’était dégagé et que la lumière de la lune permettait une meilleure vision. Mais un instant plus tard, comme le ciel restait désespérément couvert, le masque d’inconsistance des Ombres tomba totalement sous les yeux exorbités et les cris de stupeurs de Maximilius et Eilane.
Les Ombres n’étaient rien d’autre que des hommes et des femmes cachés sous des atours de magie noire. Mais il ne s’agissait pas de n’importe quels hommes et femmes…
Eilane reconnut, entre autre, Caïus Favour, bras droit du ministre de la magie et, un peu plus loin, Thésée Mcloane et Arnie Logan, plongés dans une grande conversation. La première était connue pour ses articles dans le journal "la gazette du sorcier", le second, quant à lui, était le chef de la clinique Ste Mangouste.
Il s’avérait en fait que ceux que les gens appelaient couramment les Ombres n’étaient autre que la plupart des sorciers les plus influents de la communauté magique.
-Vous voyez ! affirma Grindelwald en apercevant le regard éberlué des deux adolescents. Nous avons déjà le contrôle du monde des sorciers ! Nous pouvons sans mal influencer sur les médias et le ministère… Nous agissons déjà sur l’opinion publique sans qu’elle en ait la moindre conscience ! Très bientôt, le commun des magiciens sera à nos pieds ! garantit-il, un savoureux mélange de haine et de victoire dans sa voix grave.
Tom, à quelques mètres de Grindelwald, n’arborait pas le sourire glorieux de la plupart de ses "collègues"… Dans son regard se lisait la même lueur meurtrière qu’Eilane avait déjà vu lors de l’agression de Figus Grozieux.
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Eilane, Tom et Maximilius avaient repris la direction du château tandis que les Ombres s’étaient à nouveau dissipées dans leurs déguisements magiques, avant de disparaître en même temps que Grindelwald.
-Je croyais qu’on ne pouvait pas transplaner à Poudlard ! se rappela Eilane dont les pensées trop nombreuses s’entremêlaient.
-On ne le peut pas, approuva Tom. Mais il y a d’autres moyens de se déplacer sans se faire remarquer… Encore faut il s’y connaître en magie noire, bien sur !
-Alors comme ça, tu es la fille de Grindelwald ? demanda Maximilius, sans prêter attention à la conversation qui avait débuté.
-Il paraîtrait ! admit Eilane avec mauvaise humeur.
-Tu étais au courant Tom ? questionna Malefoy.
-Bien sur que je l’étais ! Quand j’ai rencontré Grindelwald, l’année dernière, il semblait particulièrement heureux d’apprendre que j’étais élève à Poudlard ! Lors de mon initiation, il m’a parlé de sa fille… et m’a demandé de m’occuper de son apprentissage et de veiller sur elle.
-Alors ce n’est en rien un hasard si nous sommes devenus proches ? demanda Eilane durement. Pourtant, si je n’avais pas été nommée Préfète, tu ne m’aurais même sûrement jamais remarquée !
-Eily… ça ne t’as pas paru bizarre, par hasard, d’avoir été désignée Préfète alors que, malgré tes bons résultats, tu n’étais pas spécialement appréciée par tes camarades ?
Eilane ouvrit la bouche, mais sa réponse ne dépassa pas ses lèvres. Bien entendu que cela lui avait semblé étrange, mais au vu de tous ces nouveaux renseignements, elle n’avait franchement aucune envie de satisfaire Tom en lui donnant raison.
-Dippet est un bon directeur, continua Tom sans attendre sa réponse, mais il est légèrement trop facile à influencer ! Ce qui m’avait paru être un difficile challenge s’est résolu en quelques minutes et Dippet s’est retrouvé persuadé que tu serais sans nul doute la meilleure des Préfètes possible pour les Serpentards !
-Alors tout ce qui s’est passé… tout ça ne servait qu’à m’amadouer ? s’enquit sèchement Eilane.
-Non pas tout, rit Tom. Jamais Grindelwald ne m’a demandé de te séduite ou de coucher avec toi !
A ces mots, Maximilius émit un gémissement gêné que les deux autres préférèrent ignorer.
-Bien que le Seigneur Noir devait très certainement espérer que cela arriverait, continua Tom. Sa progéniture au bras du descendant du grand Salazar Serpentard, il n’aurait pu rêver mieux !
-Mais…
-Chut ! ordonna Tom en désignant une silhouette massive à l’orée de la forêt.
-Qui est-ce ? demanda Maximilius à voix basse.
A la morphologie de la silhouette, Eilane su immédiatement de qui il s’agissait.
-Hagrid, murmura-t-elle.
-Qu’est ce qu’il fait là à une heure pareil ? s’interrogea Tom. Vous deux, rentrez au château ! Je vais allez voir !
-Je viens avec toi ! rétorqua Eilane déterminée à le suivre.
-Non… Rentre !
Eilane n’émit pas d’autre objection. Le regard furieux, elle prit le chemin de l’école accompagnée de Maximilius tandis que Tom partait à la poursuite de Hagrid qui se dirigeait vers la forêt.
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Arrivée à l’entrée du château, Eilane souhaita bonne nuit à Maximilius en lui expliquant qu’elle devait remplir ses fonctions de Préfète et faire une ronde avant d’aller dormir. En réalité, elle tenait surtout à être encore dans les alentours lorsque Tom rentrerait.
Tout à coup, des voix retentirent du haut des escaliers. Affolée, Eilane se cacha aussi vite qu’elle le pu derrière un gros pilier et retint son souffle, espérant que personne ne la remarquerait.
-Je sais ce que vous pensez Armando, mais je serais tenté de croire également que vous préférez ne pas voir ce qui se trame sous vos propres yeux plutôt que de risquer de mettre en péril votre école !
-Albus, voyons, commença le directeur Dippet, rien de grave ne s’est produit dans l’enceinte de Poudlard jusqu’à présent ! Il n’y a donc pas lieu de s’angoisser outre mesure !
-Et les agressions ?
-Si vous voulez mon avis, Albus, il s’agit là d’une plaisanterie de mauvais goût… Dans quelques jours, un élève va se présenter de lui-même avec l’antidote ! Il aura n’en doutez pas une longue période de détentions, mais il n’y pas de quoi paniquer tous nos collégiens !
-Au cas où vous ne l’auriez pas constaté, Armando, ils sont déjà paniqués ! fit remarquer Dumbledore. Et je vous ai plusieurs fois fait part de mes inquiétudes quant à nos deux préfets de Serpentard !
Eilane manqua de s’étouffer et dû faire appel à toute sa concentration pour rester aussi calme que possible. Apparemment et à son grand soulagement, Dumbledore et Dippet ne semblaient pas l’avoir entendue.
-Ce sont deux de nos meilleurs élèves, Albus, s’indigna le directeur Dippet. Et de toute manière, vous n’avez aucune certitude sur ce que vous avancez !
-Je n’ai aucun moyen de prouver que Tom Jedusor est bien, comme je le soupçonne, le descendant de Salazar Serpentard… mais en ce qui concerne Eilane Snake, vous savez comme moi qui sont ses parents !
-Sa mère oui ! Mais rien n’a jamais prouvé qu’elle ait bien été agressée par Grindelwald ! affirma Dippet.
-Mise à part ce qu’elle a ensuite raconté dans le village où elle vivait…, le coupa Dumbledore. Un homme de haute stature, entouré d’une puissante aura de magie noire, dont les déplacements retentissent dans d’effroyables sifflements… Ça ne vous rappelle vraiment personne, Armando ?
Dippet, le visage défait, semblait à court d’argument.
-Et n’oubliez pas la prophétie ! rajouta Dumbledore.
-La prophétie ? Oh vous vous parlez de la "Prophétie des Anciens"… celle qui dit que celui par qui le sang du Seigneur noir coulera, sur son trône de Ténèbres régnera ?
Dumbledore acquiesça d’un signe de tête.
-Mais Grindelwald n’est pas mort, et personne n’est capable de dire qui pourrait le détrôner ! rappela Dippet avec bon sens.
-Vous ne connaissez pas toute la prophétie, Armando !
Mais lorsque Dumbledore s’apprêtait à en révéler le contenu, le claquement d’une porte retentit dans les étages, attirant leur attention. Ils partirent tous deux en direction du bruit au moment même où Tom passait la grande porte d’entrée de l’école.
-Tu en fais une tête ! s’étonna-t-il. Alors tu veux savoir ce que Hagrid faisait dehors ? rajouta-t-il d’un air mystérieux.
-Pas maintenant !
Elle lui raconta ce qu’elle venait d’entendre. Tom ne parut pas vraiment surpris ni contrarié et son attention ne se porta pas plus à la prophétie dont parlait Dumbledore qu’à ses doutes quant à son identité.
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A la fin de cette même semaine où Eilane avait réussi avec succès son initiation auprès de Grindelwald, une session spéciale du club d’aide au devoir avait été organisée. Tom et Eilane en tant que préfets et membres du club, se devaient d’assister à la réunion afin d’aider autant qu’ils le pouvaient leurs camarades. Pourtant, lorsque Tom arriva dans la salle où la session devait avoir lieu, il n’aperçut Eilane nulle part.
Il allait pour partir à sa recherche quand Hagrid s’approcha de lui timidement.
-Tu ne diras rien à personne n’est-ce pas ? lui demanda-t-il, les prunelles légèrement rougis.
Tom ne répondit pas. Il se contenta d’acquiescer d’un signe tout en lançant un regard vaguement hautain à Hagrid avant de ressortir de la pièce et de se diriger vers la salle commune des Serpentards.
Eilane se trouvait là, recroquevillée sur une chaise, les yeux dans le vide, son corps bercé par un léger balancement continu d’avant en arrière. Sa main droite était serrée sur ce qui ressemblait à une enveloppe et aux pieds de son siège se trouvait un morceau de parchemin froissé.
-Qu’est ce qui se passe ? demanda Tom.
Mais Eilane ne tourna pas les yeux vers lui. Elle ne parut même pas entendre le son de sa voix.
Sans tenter d’avoir d’avantage de renseignements de sa part, le jeune homme se baissa et ramassa le morceau de parchemin. Il le déplia avec précaution et s’aperçut qu’il s’agissait d’une lettre manuscrite adressée à Eilane.
"Miss Snake,
nous sommes au regret de vous apprendre que vos tuteurs légaux, Mayann et Beren Arhan, ont été déportés dans le camp de concentration d'Auschwitz. D’après nos sources, un membre de la communauté magique aurait aidé les militaires Allemands lors de leur arrestation et soyez sure que nous feront tout pour le retrouver et l’appréhender. Il semblerait que Mr et Mme Arhan ait perdu la vie durant cette détention, même si cette dernière information n’a pas pu, vous l’imaginez, être réellement vérifiée. Si vous avez besoin d’aide ou de quoique ce soit d’autre, n’hésitez pas à en faire la demande auprès de vos professeurs qui seront là pour vous soutenir durant cette difficile épreuve. Une copie de cette lettre leur a d’ailleurs également été envoyée.
Avec toutes mes sincères condoléances,
Mr Ignit Arrow, Ministre de la Magie."
Tom ne dit rien. Il se contenta de garder les yeux rivés sur la lettre, comme s’il voulait éviter une confrontation avec sa compagne. Ce fut elle qui prit la parole en premier.
-Tout ça c’est de leur faute ! déclara-t-elle avec un calme étrange vu les circonstances. Ce sont les moldus qui ont fait ça !
Tom leva son regard turquoise vers elle.
-Je les ferait payer ! continua Eilane en haussant le ton, tandis que des larmes perlait le long de ses cils ! Ils doivent payer tous autant qu’ils sont ! Tu m’aideras n’est-ce pas ?