Les préparatifs de noël continuèrent dans une douce ambiance, comme si la vie s’était soudain arrêtée, comme si le monde extérieur se mettait en pause le temps des fêtes. Une sorte de trêve pour Noël. Le vingt-quatre décembre toute la maisonnée se mit en action, plus question de papillonner, tout devait être à point pour le réveillon ! Pain d’épice, biscuits à la cannelle, au gingembre, cookies, roses des sables… Chacun des cousins avait sa spécialité et en gérait la préparation, pendant qu’Honoria et Rose s’affairaient autour de la dinde, du pudding, de la confiture d’airelles… Puis ce fut l’heure de se changer. Les garçons, plus vite prêts, se retrouvèrent à la bibliothèque pour une partie de cartes pendant que les filles se pomponnaient. Puis l’apéritif, le dîner, les plus jeunes piaffant d’impatience, vérifiant que les cadeaux n’étaient pas déjà disposés sous le sapin… Et à minuit pétante, tous les cousins étaient envoyés à la cuisine, priés d’y rester jusqu’à nouvel ordre. La plaisanterie récurrente de l’oncle Hector…
« Désolé les enfants, cette année le ministre de la magie a supprimé les cadeaux de Noël ! »
Et l’entrée en file indienne dans la bibliothèque, le plus jeune devant, le plus vieux en dernier. Enfin l’ouverture des cadeaux, les cris de joie, les embrassades, les biscuits et la bièraubeurre. Il y avait quelque chose d’immuable dans ce rituel.
Le vingt-cinq, on finissait les restes et chacun s’occupait avec ses cadeaux. Le vingt-six, la vie reprenait son cours. Sirius, lui, avait déjà la tête ailleurs.
« C’est mon anniversaire demain, James. Je te le rappelle, juste au cas où… » jeta-t-il d’un air détaché à son ami qui s’acharnait sur un devoir de potions.
« Je sais Sirius, je sais… Est-ce que j’ai déjà oublié ton anniversaire ? »
« Laisse-moi réfléchir… L’année dernière… L’année d’avant… »
« Oui bon d’accord ! Mais est-ce ma faute à moi si ton anniversaire tombe au milieu des vacances ? »
« C’est pour tester la sincérité de mes copains ! » ironisa Sirius.
« Alors je crois que tu peux me barrer de ta liste mon cher Padfoot… »
« Oui je sais, tu es un ami lamentable… »
« Ok, vas-y moque-toi, je l’ai mérité cette fois. » se résigna James.
« Tu pourras te faire pardonner par un cadeau… »
« Tu ne perds pas le nord toi ! »
« Eh ! Contrairement à toi, je n’ai pas une profusion d’oncles, tantes et cousins pour me couvrir de cadeaux… J’assure donc juste mes arrières, en rappelant mes amis à l’ordre. C’est légitime ! »
« Tes parents t’ont envoyé quelque chose pour Noël ? » demanda James d’un ton plein d’une soudaine sollicitude.
« Pas un mot. Ils ne doivent même pas se souvenir de mon existence. »
« Et toi ? Tu leur as envoyé quelque chose ? »
« J’avais d’abord envisagé de faire boire une potion mortelle à Bella, et d’offrir sa disparition à Regulus. Pour le libérer de son emprise. Mais je me suis contenté de lui envoyer un miroir à l’ennemi, en espérant qu’il finirait par comprendre qui ils sont… »
« Je croyais que tu te fichais de ce qui adviendrait à ta famille. »
« James… Regulus est mon petit frère ! Le fait que je ne cautionne pas la voie qu’il a choisi n’implique pas que je n’essaie pas de le remettre dans le droit chemin ! Mais je doute sérieusement qu’il soit prêt à entendre ce que j’ai à lui dire. »
« Patience Padfoot. Ton frère finira par grandir. »
« Le temps joue contre moi. Il est sous l’emprise de la famille… »
James posa une main amicale sur l’épaule de son ami. Il n’y avait rien à répondre à cela et ils le savaient.
« Contrairement à d’autres, tu as toujours une famille, même si tu ne la vois plus. »
« Tu pense à Dorcas ? »
« A elle, et à d’autres… Dorcas n’avait que ses parents, et désormais elle n’a plus personne. »
« Tout le monde raconte qu’elle a voulu rentrer passer Noël dans la maison de ses parents. Toute seule. C’est un peu glauque… Cette fille est bizarre ! »
« Lily m’a dit qu’elle avait tout fait pour l’en dissuader mais que Dorcas avait été intraitable. Qui sait comment on réagirait à sa place ? »
« Si mes parents mouraient ? Je ferais une de ces fêtes ! »
« Sirius ! »
« Si on ne peut pas rire de tout ça, on va tous se jeter d’une falaise après une interminable dépression ! »
James haussa les épaules et ferma son livre de potions, il était l’heure d’aller aider sa mère pour le déjeuner.
James briefa toute la maisonnée pour que personne n’oublie l’anniversaire du jeune Black le lendemain. Mieux valait prendre ses précautions, on ne savait pas de quoi il pouvait être capable ! Dociles et obéissants, aucun Potter ne manqua à son devoir, et à peine levé, Sirius s’essuyait déjà les joues, trop d’embrassades en peu de temps, les Potter étaient gentils mais un peu trop démonstratifs… Toute la journée, chacun prévenait les moindres désirs du jeune garçon, mais il ne put se défaire de l’impression qu’on lui faisait des cachotteries… Et il en eut confirmation lorsqu’en fin d’après-midi, il poussa la porte du salon et se trouva face à une petite dizaine de jeunes qui se mirent à crier tous en même temps quelque chose d’incompréhensible, qui devait être : joyeux anniversaire. Les septièmes années de Gryffondors réunis dans le salon de Quercus Alba ! Ils étaient tous là. Remus, Peter, Frank, Lily, Dorcas, Hestia, Alice, Camille et Mathilde, souriant, un verre de bieraubeurre à la main.
« Qu’est-ce que vous faites là ? » s’exclama Sirius, à côté d’un James hilare.
« Oh tu nous connais… » répondit Remus d’un ton détaché « Une occasion de faire la fête, et on se jette dessus ! »
« Ca, c’est ma réplique Moony ! » s’esclaffa Sirius avant de donner l’accolade à son ami.
« Ils vont rester quelques jours. » expliqua James. « On pourra en profiter pour finir de peaufiner notre technique pour le projet de DCFM. »
Au grand désespoir de Sirius, tout le monde vint l’embrasser pour lui souhaiter un bon anniversaire. Fallait-il vraiment qu’il se fasse lécher les joues toute la journée ? Puis ils trinquèrent à la bièraubeurre et James s’excusa.
« Je voulais de l’hydromel aux épices ou du punch, mais maman a parfois des principes un peu trop rigides… Il paraît que nous sommes trop jeunes. »
« T’en fais pas Prongsie ! Si tu savais ce que je suis content de les voir tous là… »
« J’aurais voulu inviter Petrowski, mais tu comprends, il a déjà fallu que je convainques mon père de laisser entrer nos amis, alors une Serpentard… C’est quand même le QG de l’Ordre ici ! »
« Elvira est bien une Serpentard, elle n’a pas été interdite de séjour à ce que je sache ! » ricana Sirius.
« Tu sais bien que c’est différent. »
« Evidemment ! » acquiesça Sirius « De toutes manières, Tatiana n’aurait jamais voulu venir. Elle ne veut plus me voir. »
« A ta place je n’en serais pas si sûr… »
« De quoi vous parlez ? » demanda Remus en s’immisçant dans la conversation.
« Rien, rien… » répondit James avec un clin d’œil à Sirius, avant de s’éloigner pour aller voir Lily, Hestia et Dorcas. « Alors les filles, vous avez passé un bon Noël ? »
« Comme tous les ans » répondit Hestia en sirotant sa bièraubeurre « Mon père, moi et ma sœur avons réveillonné chez les Prewett. Tous les frères et sœurs de Fabian étaient là avec leurs enfants. Sa sœur aînée vient d’avoir un troisième garçon, mais ses deux grands commencent à être à un âge amusant, Fabian a joué toute la journée avec Bill et Charlie. »
« J’en connais deux qui ne tarderont pas à faire des petits une fois diplômés… » dit Hestia avec un sourire complice.
« Comment va Gideon ? » demanda James.
Gideon était le frère du petit ami d’Hestia, Fabian Prewett. Les maraudeurs s’entendaient très bien avec les deux frères qui étaient chez Serdaigle, et Gideon qui avait un an de plus était sorti de Poudlard en juin dernier.
« Gideon nous a raconté ses exploits et s’est pavané avec ses cicatrices de guerre devant les petits. Il se bat, comme tout le monde… »
Il faudrait proposer aux frères Prewett de s’engager dans l’Ordre l’an prochain, pensa James.
« Et toi Lily, qu’as-tu fait pour Noël ? » demanda James en attrapant une souris en sucre sur le buffet.
« J’ai fait enrager ma sœur avec l’aide de Dorcas. Elle abhorre tout ce qui a trait à la magie, on n’a pas cessé de faire semblant de se servir de nos baguettes ! Si tu n’étais pas un sorcier, ma sœur te bénirait de l’avoir débarrassée de nous quelques jours. »
« Je ne savais pas que tu avais une sœur ! »
« Une petite sœur Pétunia, mais elle ne mérite pas vraiment à être connue ! Une vraie peste ! »
« J’avoue que je la connaissais à peine, mais qu’après quelques jours passés en sa présence, je remercie Merlin d’être fille unique ! » s’exclama Dorcas.
« Alors finalement tu as passé Noël avec Lily ? » demanda James « Je croyais que tu ne voulais pas… »
Dorcas sembla gênée.
« A vrai dire je n’ai jamais eu l’intention de rentrer chez moi… »
« Tu dois promettre de ne rien répéter James ! » dit gravement Lily.
« Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer ! » jura le jeune homme.
« C’est sérieux James ! » soupira Dorcas.
« Je suis très sérieux ! » protesta le garçon.
« D’accord. » reprit Dorcas. « Tu te souviens que suite à l’assassinat de mes parents, j’avais déduit que l’attaque du lynuix était dirigée contre moi ? Eh bien j’ai été voir Dumbledore, je pensais qu’il était le seul à pouvoir m’aider. Nous avons donc élaboré un plan pour confirmer mes doutes, en faisant courir la rumeur que j’allais passer Noël seule chez moi. Si réellement quelqu’un en veut à ma famille, et si comme nous le pensons, il y a un traître à Poudlard qui a introduit le lynuix, il répètera l’information à son maître, qui mènera une attaque contre ma maison. »
« Ingénieux… Mais il va vite se rendre compte que tu n’y es pas ! »
« Dumbledore a tout prévu. Il a jeté des sorts contre la maison. Personne ne peut y pénétrer, mais une présence magique s’en dégage avec mon aura, de sorte que si quelqu’un me veut du mal, il croira que je suis à l’intérieur, et sa seule manière de me tuer sera de détruire la maison. Si rien n’arrive pendant ces vacances, on pourra raisonnablement penser que c’était une malheureuse coïncidence. »
« En revanche, » continua Lily « Si la maison est détruite, on saura qu’il faudra renforcer la sécurité autour de Dorcas et mener l’enquête… »
« Ils vont arrêter de se bécoter les deux là-bas ! » maugréa Hestia en désignant Frank et Alice d’un signe de la tête. « Ca fait à peine une semaine qu’ils ne se sont pas vus, ils ne savent pas se tenir ou quoi ? »
« Serais-tu jalouse Miss Jones ? » se moqua Lily. « Fabian te manque ? »
Hestia haussa les épaules d’un air qui voulait clairement dire : tu ne peux pas comprendre.
« Parions sur les premiers mariés ! Frank et Alice ou Hestia et Fabian ? » s’amusa Lily
« Moi je parie sur toi Lily… » annonça Dorcas avec un clin d’œil.
« Il faudrait peut-être qu’elle se trouve un fiancé avant ! » s’exclama Hestia. « A moins que j’ai raté quelque chose… Dorcas, tu semble bien au courant ! »
« Passe donc une semaine seule avec Lily, tu verras qu’elle n’a guère qu’un prénom à la bouche… » dit Dorcas avec un sourire complice.
Hestia les pressait du regard, mais Dorcas ne semblait pas encline à en dire plus et Lily devenait rouge comme une pivoine.
Un peu gêné par cette discussion d’ordre trop privé pour lui, James fut soulagé par l’incursion de sa famille dans le salon, qui coupa cours aux discussions.
Charles Potter tenait dans sa main un petit paquet cadeau.
« Sirius, pour tes dix-huit ans, Honoria et moi avons tenu à te faire ce cadeau. Tu sais que nous te considérons comme notre fils, alors nous avons décidé de nous comporter comme si tu l’étais. »
Sirius ouvrit le paquet, curieux. A l’intérieur se trouvait… Un trousseau de clé ?
« Des clés ? Je ne comprends pas… »
Le père de James éclata de rire.
« Ce sont les clés de chez toi Sirius ! Un petit appartement au cœur de Londres. »
Sirius ne trouvait pas ses mots. Il parvint tout de même à balbutier :
« C’est beaucoup trop ! Je ne peux pas accepter ! »
« Bien sûr que si, tu le dois même. Mais nous y mettons une condition non négociable. » répondit Honoria avec un sourire attendri « Que tu vienne déjeuner chaque dimanche à Quercus Alba. »
« Nous avons plusieurs appartements qui ne nous servent à rien. Nous en gardons un pour James, un pour Augusta, mais nous n’avons guère besoin des revenus que nous rapportent les autres. Et puisque ta famille ne t’aidera pas à démarrer dans la vie, nous nous en chargeons avec plaisir ! »
« Mais, je n’ai pas les moyens de vous payer le loyer ! » protesta Sirius.
« Qui te parle de ça ? » dit Charles en riant. « Tu prends ces clés, et c’est tout. »
« Nous aimerions que tu restes aussi longtemps que tu le souhaites à Quercus Alba avec nous. » ajouta Honoria « Mais nous sommes conscients que tu risques d’avoir besoin d’indépendance un jour ou l’autre, et James nous en voudrait de te laisser t’évaporer dans la nature, au petit bonheur la chance. »
Sirius en avait les larmes aux yeux, et malgré ce contre quoi il avait râlé toute la journée, il embrassa chaudement les parents de James.
« Je vous promets de vous payer un loyer dès que j’en aurai les moyens ! »
« On verra ça plus tard. » répondit Charles. « Aller, on vous laisse entre jeunes, je crois que tes amis t’ont déposé une pile de cadeaux sur le billard. »
Pendant que Charles et Honoria s’éclipsaient, les cousins de James prirent possession des lieux et Brent fit voler un Juke-Box jusque dans le salon.
« Voilà de quoi faire la fête dignement ! » s’exclama-t-il « Je vous avais promis de vous trouver de quoi écouter de la musique les gosses ! »
« C’est toute ta famille ça James ? » s’écria Lily, abasourdie devant tant de monde envahissant soudain le salon.
James rit et fit les présentations, faisant taire tout le monde.
« Vous connaissez ma sœur et certains de mes cousins. Voilà les autres ! Vous n’êtes pas obligés de leur adresser la parole, ce sont des sauvages ! Les cousins, voici mes camarades de classe, soyez gentils avec eux. »
Et pendant que les uns se mêlaient aux autres, Sirius défit ses cadeaux. Ses amis lui avaient offert le kit d’installation. Des ustensiles de cuisine, des objets non-identifiés pour faire le ménage, un désodorisant de WC… Et au milieu de ça un bon provenant d’un magasin de Pré-au-Lard… Il regarda James, Remus et Peter d’un air interrogateur.
« Ecoute vieux, on sait que tu rêves d’une moto volante. On n’avait pas les moyens de te l’offrir, mais on s’est tous cotisés pour t’en payer la moitié, à toi de mettre l’autre. » expliqua James.
Sirius sourit, cette moto, il en rêvait depuis des années ! Il remercia tous ses amis pendant que Brent faisait marcher le Juke-Box, une grosse machine moldue pour passer de la musique moldue. Lily, la seule qui s’y connaissait, fit la programmation et l’énorme appareil se mit à cracher du son.
You are my dancing queen, young and sweet, only seventeen !
Brent invita Dorcas à danser et profita de son autorité naturelle pour mettre la main de Lily dans celle de James, en soufflant :
« Il faut s’amuser les jeunes ! » avec un clin d’œil à son cousin.
Alors en serrant la main délicate dans la sienne et en entraînant un peu maladroitement la jeune fille au milieu des danseurs, James pensa que la vie était parfois pleine de surprises. Six mois auparavant, qui aurait prédit que les filles et les garçons de cette promo finiraient par s’entendre, et même qu’ils se retrouveraient au milieu des vacances scolaires pour faire la fête chez les Potter ? Mais les événements semblaient se bousculer, tout changeait à une vitesse vertigineuse. Brent avait raison, il fallait profiter des petits moments de bonheur que la vie leur laissait.
Suivant l’exemple, Sirius obtint une danse avec Elvira, mais seulement parce que c’était son anniversaire ! Remus invita galamment la demoiselle de la maison, Augusta, dont les joues rosirent de fierté. Frank et Alice ne se quittèrent pas, sous les regards un peu jaloux d’Hestia, qui en l’absence de Fabian, dut se contenter de Peter… Graziella et Roland se précipitèrent sur la piste, ravis de cette petite fête, emmenant la petite Virginia avec eux. La gente féminine étant en supériorité numérique, Camille et Mathilde se retrouvèrent à danser ensemble, Oscar n’ayant pu se décider à inviter l’une de ces demoiselles. Il avait choisi la sécurité en attrapant fermement la main de sa sœur Elizabeth. Les chansons s’enchaînaient, les partenaires s’échangeaient. Sirius se fit glisser à genoux sur les dalles criant qu’il était « Born to be alive ». Les boissons et les sucreries s’épuisaient, les rires fusaient, la bonne humeur réchauffait la pièce. Vers onze heures, les parents de James vinrent dire bonne nuit et emmener les trois plus jeunes se coucher, faisant promettre à leur fils de ne pas finir trop tard.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, on put voir des visages défaits et des yeux en manque de sommeil. Elvira descendit en pestant contre ceux qui avaient prit toute l’eau chaude, récoltant seulement un « Il fallait te lever plus tôt ! » qu’elle accueillit par une moue méprisante. James fit ensuite faire un rapide tour du propriétaire à ses amis, suivi d’une balade dans le parc enneigé, pour revigorer les esprits endormis. Il était fier de leur montrer ce lieu qu’il aimait tant, partager tout cela avec eux.
« C’est immense ! » s’exclama Lily.
« Ne t’en fais pas » la rassura James « Ce n’est pas possible de se perdre. Etant donné qu’il est impossible de sortir de Quercus Alba sans la formule adéquate, vous finirez toujours par revenir vers la maison ! »
« Ca doit être formidable de grandir dans un endroit pareil ! » dit Camille d’un ton rêveur. « On doit pouvoir y faire de sacrées chasses à l’homme ! »
James répondit par un clin d’œil.
« Et nous voilà arrivés au seul endroit dangereux de Quercus Alba » déclara-t-il.
Ils se tenaient sur le bord d’une haute falaise, en bas de laquelle s’écrasaient des vagues gigantesques.
« Où sommes-nous donc ? » s’étonna Hestia.
On arrivait chez les Potter par voie magique, personne ne pouvait dire où la propriété était située.
« Au bord de l’océan. Quercus Alba a un accès direct sur l’Atlantique. » répondit le fils de la maison d’un ton mystérieux. « Toujours est-il que toute baignade est formellement interdite ! Les roches sont tranchantes et le courant violent, ce serait du suicide. »
« Parce que tu crois que les –3°C ambiants donnent envie de faire trempette ? » ironisa Mathilde.
« Je me méfie de vous et de ce qui peut vous passer pour la tête ! » répondit James en souriant. « Vous ne pourrez pas dire que je ne vous aurais pas prévenus ! »
Sur le chemin qui les ramenaient vers la grande maison, Hestia resta en arrière avec Alice, Lily et Dorcas.
« Alors, Lily, tu vas me dire qui est ton fiancé secret ? » demanda Hestia.
« Tu n’abandonnes jamais toi ! » s’exclama la jeune fille.
« Jamais ! » confirma son amie. « Alors ? Qui est l’heureux élu ? On le connaît ? Il est à Poudlard ? Dans notre année ? C’est un Gryffondor ? Il n’est pas ici quand même ? »
« Calme-toi Hestia ! » déclara Lily amusée « Et puis ce n’est pas mon fiancé du tout. »
« Mais tu aimerais bien… » observa Dorcas avec un regard complice.
« De quoi parlez-vous ? » intervint Alice, perdue.
« Tu avais qu’à venir avec tes amies hier soir, au lieu de te coller à ton Frank, et tu saurais de quoi on parle ! » répondit Hestia.
« Laisse tomber, elle est jalouse. » souffla Lily à Alice.
« Dorcas a laissé entendre que Lily avait un fiancé en vue… » expliqua Hestia à Alice.
« Je vous ai dit que ce n’était pas mon fiancé ! » protesta Lily. « Il ne sait même pas que je l’aime bien ! »
« Il ne pourra pas résister bien longtemps à tes jolis yeux verts et à tes cheveux si doux… » dit Dorcas en posant un regard affectueux sur sa meilleure amie, dont les joues avaient rosies.
« Mais de qui parlez-vous à la fin ? » s’énerva Hestia.
« Oui, je seconde Hestia ! Nous ne vous lâcherons pas avant d’avoir un prénom ! » acquiesça Alice.
« Dorcas, si tu dis quoi que ce soit, je leur dirai qui t’a envoyé une carte pour Noël ! » prévint Lily.
Hestia et Alice se jetèrent un regard entendu.
« Ils semblerait que nos copines ne soient plus célibataires pour très longtemps… » commenta Hestia.
« Il était temps ! » s’exclama Alice « Dans six mois nous quittons le collège ! »
« Des noms mesdemoiselles ! » ordonna Hestia en fronçant les sourcils.
« Laisse tomber, elles ont chacune un secret à défendre, elles ne laisseront rien passer. Il va nous falloir enquêter ! » dit Alice d’un ton résigné.
« Je vous promets, petites cachottières, que vos secrets ne tiendront pas trois jours ! » déclara Hestia en partant devant avec Alice.
Lorsque le petit groupe arriva dans la bibliothèque, il y trouva Elvira, récitant une formule trouvée dans un vieux livre poussiéreux. Lorsqu’elle eut finit, elle brandit victorieusement un petit miroir sous le nez de James et Sirius.
« Je vous avais dit que j’arriverais à le réparer ! J’ai cherché dans des dizaines de grimoires et j’ai fini par trouver la bonne formule. Ca m’aurait étonnée de mettre la bibliothèque de Quercus Alba à défaut ! »
« Où as-tu trouvé ça ? » s’exclama Mathilde en prenant le miroir des mains d’Elvira.
« Rends-le moi ! » ordonna Elvira.
« Tu sais au moins ce que c’est ? Qui te l’a donné ? »
« Il est à moi, il était dans le grenier de la maison, il était cassé, je l’ai réparé, et maintenant je voudrais le récupérer ! » s’impatienta la jeune Serpentard.
Mathilde regardait l’objet comme s’il était le plus précieux bijou au monde. Elle le retourna avec précautions, ne semblant pas entendre les piaffements d’Elvira, elle ne pouvait pas quitter le miroir des yeux. En voyant l’inscription au dos « R.R – From V. », elle murmura « Viviane ! »
« Hein ? Tu sais ce que signifient ces initiales ? » s’étonna James.
Il se passait quelque chose, mais cela le dépassait. Elvira elle-même avait cessé de réclamer son jouet.
Dans le silence qui s’était installé dans la bibliothèque, et sentant tous les regards converger vers elle, Mathilde s’arracha à sa contemplation.
« Regardez ces reflets de différentes couleurs en cercles concentriques sur le verre. Reflets bleutés à l’extérieur, puis orangés et émeraudes… C’est le miroir de l’âme de Viviane… Tout le monde le croyait perdu, que fait-il chez vous ? »
Les autres la regardaient interloqué. Le miroir de l’âme ? Jamais entendu parler !
« Tu peux nous décoder Cooper ? Qu’est-ce que c’est que ce miroir ? Viviane, comme dans ‘la Dame du Lac’ ? » demanda Sirius.
« Evidemment Viviane, la Dame du Lac ! » s’exclama Mathilde en levant les yeux au plafond. Le manque de culture de ses condisciple était parfois exaspérant par sa profondeur. « Elle avait forgé un grand miroir qui, disait-on, lui permettait de jauger la dangerosité de ses ennemis et la fidélité de ses amis. Un jour elle en a brisé un morceau et l’a offert à Rowena Ravenclaw qui lui avait rendu un grand service. Le reste du miroir a été réduit en miettes par Morgause après la disparition de Viviane. Ce morceau est le seul qui reste, on le croyait perdu à jamais… »
« D’où tiens-tu cela ? » demanda Elvira soupçonneuse.
« Un miroir de l’âme… C’est peu facile, non ? Alors il suffirait de mettre les gens devant pour savoir s’ils sont bons ou mauvais ? » ricana Sirius.
« Non, tout n’est pas si clair, et cela ne reflèterait qu’un instant furtif, celui où la personne se tient devant le miroir. D’ailleurs cela fait si longtemps, que de nombreuses légendes ont courues sur l’utilisation de cet objet. On dit également qu’il permettrait de voir certains événements futurs, ou qu’il montre le chemin à suivre aux âmes perdues. Tout est assez confus, qui sait qui dit vrai ? Et tout le monde ne peut pas interpréter le miroir de l’âme ! On dit qu’il faut posséder le don de seconde vue propre aux Dames du Lac. C’est probablement pour ça que Ravenclaw en a fait si peu de cas, elle ne savait pas l’utiliser. »
« A quoi ça sert alors, si on ne peut pas le déchiffrer ? » dit Lily.
« Il n’a jamais été fait pour pouvoir servir à n’importe quel mortel. Il est la propriété des Dames du Lac. Je ne sais pas pourquoi Viviane l’a offert à Ravenclaw. Mais peut-être que je pourrais essayer de lire dedans… » répondit doucement Mathilde.
« Bien sûr ! » ironisa Elvira « Et pourquoi y arriverais-tu mieux que nous ? »
Mathilde haussa les épaules et répondit seulement :
« Essayons ! Lily, viens, mets-toi devant ! »
Lily obtempéra, peu encline à s’opposer aux deux jeunes filles qui semblaient aussi énervées l’une que l’autre.
« Que vois-tu ? » demanda Mathilde à Elvira.
Elvira ne distinguait pas grand chose, des tourbillons, des lignes sans cesse changeantes qui s’entrecroisaient en tous sens. Elle essaya de se concentrer, mais rien ne changea, et après quelques minutes, elle admit avec agacement qu’elle ne comprenait pas ce que le miroir lui montrait. Mathilde se mit alors à sa place. Au début elle ne vit rien de plus. Puis les lignes semblèrent s’organiser. Elle ne sut pas les interpréter pour autant, mais le miroir se mit à scintiller entre ses mains. Ses camarades la regardèrent avec étonnement, c’était comme si l’objet avait réagi à son contact.
« Comment est-il possible que tu puisses t’en servir et moi pas ? » s’étonna Elvira.
« Parce que la Fée Morgane est l’une de mes lointaines ancêtres. Ma mère m’a élevée dans le culte des connaissances des Dames du Lac, elle m’a appelée Mathilde Melania Morgane Cooper. Ca n’a rien d’extraordinaire, c’est mon héritage qui joue, c’est tout. »
« C’est tout ? » s’exclama Camille « Tu es la descendante d’une des Dames du Lac, et tu ne m’en as jamais rien dit ? »
Mathilde haussa les épaules.
« Il n’y a pas de quoi en faire un plat ! Je ne suis même pas capable de déchiffrer correctement ce miroir. Il ne fait qu’émettre des étincelles lorsque je le touche, ça me fait une belle jambe ! L’héritage doit s’être affaibli avec les générations. »
« Tu devrais garder ce miroir, il te revient de droit. » affirma Elvira, un peu à contre-cœur « Si tu y travailles, je suis persuadée que tu pourras faire quelque chose de formidable avec le miroir de Viviane… »
Mathilde haussa les épaules, peu convaincue, mais elle garda l’objet car il était magnifique. Tout le monde la pressa de questions sur ses ancêtres, mais elle n’avait pas grand chose à leur répondre, c’était si loin… Alors déçu, chacun se rendit à ses occupations.
Le déjeuner se fit en deux fois. La salle à manger avait beau être grande, elle n’était pas faite pour accueillir tant de personnes à la fois. En début d’après-midi, les jeunes se retrouvèrent dans la nursery, transformée en dortoir, pour travailler. D’un coup de baguette magique, ils firent disparaître les matelas et rangèrent les affaires sur les côtés, puis ils s’assirent en cercle au sol. Le silence se fit et ils fermèrent les paupières. Ils arrivaient à se concentrer et à faire se rejoindre leurs énergies de plus en plus vite, et cela semblait à chaque fois plus efficace. Ils plaçaient au centre du cercle une caisse de bièraubeurre et Lily devait la faire léviter avec son esprit, grâce aux forces conjuguées de ses partenaires. Tout cela sans baguette bien sûr, cela aurait été trop simple. La dernière fois, Lily avait réussi à soulever la caisse de plus d’un mètre. Elle se concentra et tenta de capter toutes les effluves magiques qui flottaient autour d’elle. Ses camarades les lui envoyaient de toutes leurs forces, à elle de les réunir et de les transformer en une seule énergie, capable de déplacer des montagnes, ou au moins cette fichue caisse. Les premières semaines, elle mettait des heures à faire seulement s’entrechoquer les bouteilles, aujourd’hui elle pouvait très rapidement les faire s’élever. La caisse s’éleva jusqu’au plafond cette fois et lorsqu’elle entendit le bois cogner le plâtre, Lily ouvrit les yeux et le charme se rompit, la caisse tomba avec fracas sur la moquette.
« La prochaine étape sera de maîtriser la chute ! » déclara placidement Sirius « C’est dommage de gâcher toute cette bièraubeurre ! »
Lily lui répondit par une grimace.
« Je plaisante Lily ! » s’amusa Sirius « Je serais incapable de faire ça ! Tu fait des progrès énormes à chaque entraînement ! »
« On progresse tous, je le sens, l’énergie qui se dégage est de plus en plus forte. »
« On continue à se passer de la pommade ou on recommence ? » demanda James en riant.
« Sérieusement. » intervint Dorcas « Il ne faut pas que nous relâchions notre concentration, la magie est très forte au début, mais si vous faites attention, on s’affaiblit avec les minutes. C’est là-dessus qu’on doit travailler. A re-concentrer nos forces, et à assurer notre soutien si Lily perd pied. N’oublions pas que nous serons face à trois autres équipes, ça peut être long. On doit travailler sur la longueur et l’intensité ! Lily, tu dois t’exercer à maintenir ta poussée, même lorsque tu ouvres les yeux ! »
Ils hochèrent la tête tous en chœur et continuèrent à travailler tout l’après-midi, jusqu’à ce qu’ils soient interrompus par de vigoureux coups frappés à la porte de la Nursery. La porte s’ouvrit sur Dumbledore, et les adolescents se levèrent comme un seul homme.
« Bonjour professeur ! »
« Bonjour les enfants. Je vous interromps en plein travail, j’en suis désolé – mais très heureux de vous voir vous entraîner avec tant d’entrain. Miss Meadows, je souhaiterais vous parler. »
« Pas possible, même en vacances, on n’est jamais tranquille ! » souffla Peter un peu trop fort, mais le regard du directeur était bienveillant.
Dorcas savait déjà ce que le professeur allait lui annoncer, ça ne pouvait être qu’une chose, et elle ne tenait pas à y faire face toute seule.
« Vous pouvez me le dire ici Professeur, il n’y a que des amis dans cette pièce. »
Pour dire vrai, elle sentait qu’elle aurait besoin d’eux pour accepter les conséquences de cette annonce…
« Bien » dit seulement le vieil homme.
Il ferma la porte derrière lui, et d’un geste fit rasseoir tous les adolescents, avant de prendre place lui-même sur le coffre à jouets…
« Dans la matinée, on m’a informé que Voldemort lui-même avait attaqué et détruit votre maison. Sa marque flotte au-dessus. Cela confirme nos craintes Miss. »
Dorcas se prit la tête dans les mains, effondrée, elle avait tant espéré que ses inquiétudes soient infondées. Elle sentit les bras de Lily se refermer autour d’elle et elle releva le visage, se reposant sur l’épaule de son amie.
« Vous n’avez vraiment aucune idée de ce pour quoi Voldemort en veut tant à votre famille ? »
Dorcas secoua la tête, incapable de parler. Si le plus grand mage noir de tous les temps voulait sa mort, quelle chance avait-elle, pauvre petite adolescente de dix-sept ans ?
« Bien, nous allons faire des recherches. A l’heure qu’il est, Voldemort doit avoir réalisé que vous n’étiez pas dans la maison et que son plan a échoué. Il va donc nous falloir redoubler de vigilance pour vous protéger. Vous resterez chez les Potter jusqu’à la fin des vacances, l’endroit est aussi sûr que Poudlard. Puis vous ne quitterez pas le collège jusqu’en juin, pas question d’aller à Pré-au-Lard. Ce qui nous laisse une marge pour établir votre sécurité après votre diplôme. »
« Professeur… » intervint James. « Est-ce que cela signifie qu’il y a un traître à Poudlard ? »
« Oui. Il y a probablement un élève qui informe Voldemort. »
« Snape… » souffla Sirius.
« Gardons-nous des conclusions hâtives Mr. Black. »
« Et si c’était un professeur ? » demanda Lily.
« Je ne crois pas Miss Evans, mais soyez certaine que je vais mener mon enquête. Je sais que vous allez vouloir mener la vôtre, je commence à vous connaître mes enfants, mais promettez-moi de rester prudents et de ne rien faire d’insensé ! »
Les uns après les autres, ils hochèrent la tête, et Dumbledore sortit, après avoir fait jurer à Dorcas de ne pas franchir le seuil de Quercus Alba, sauf pour rentrer à Poudlard.
« Tu es sûre que tes parents ne t’ont jamais parlé de rien ? » demanda James à Dorcas. « Essaie de te rappeler… »
Dorcas cherchait, mais elle n’avait pas l’ombre d’une réponse. Elle se laissait aller dans l’étreinte de son amie Lily. Dorcas d’habitude si forte, si digne, elle n’était plus guère qu’une jeune fille effrayée, qui avait grand besoin qu’on la rassure. Et les amis sont là pour ça.
« Laissez-la… » murmura Lily « Vous voyez bien que ce n’est pas le moment ! »
Hestia et Alice se levèrent pour aller s’accroupir auprès des deux filles, et se mirent à caresser doucement les cheveux de Dorcas.
« Aller ma grande, tu n’es pas seule, on est là ! »souffla Hestia.
« On ne laissera personne te faire du mal ! » ajouta Alice.
« C’est gentil, mais si Vous-savez-qui a décidé de me tuer, je ne vois pas qui pourra l’en empêcher… »
« Moi, je sais. » déclara calmement James.
Tous les visages se tournèrent vers lui , interrogateurs. James hésita une seconde et fit un rapide tour de têtes. Il n’y avait que des amis dans cette pièce, que des personnes en qui il avait confiance, sans quoi il n’aurait jamais prit le risque de les faire pénétrer au cœur de l’Ordre. Alors il poursuivit.
« Vous ne vous en doutiez pas, mais vous êtes là au QG d’une organisation de résistants. Toute une armée de sorciers comme vous et moi, qui luttent contre l’avancée de Voldemort. Des gens qui n’hésitent pas à risquer leur vie pour cette cause à laquelle ils croient. C’est pourquoi Dumbledore sait que tu es en sécurité ici Dorcas. »
« L’Ordre du Phénix… » murmura Frank.
James acquiesça, bien sûr que Frank savait, son père était régulièrement présent aux réunions.
« Il y a des sorciers très puissants dans l’Ordre. » continua James « Et je te jure qu’ils ne laisseront pas Voldemort t’atteindre, Dorcas. Quant à nous, nous n’allons pas te laisser tomber non plus. Nous allons t’aider à chercher pourquoi Voldemort t’en veut personnellement. Tu peux compter sur nous, tous. »
Dorcas sourit en les voyant tous acquiescer. Elle avait des amis sur qui s’appuyer, c’était déjà beaucoup.
Soudain James se leva, il avait décidé qu’il était temps de se changer les idées ! Assez des sombres perspectives, il fallait savoir se vider l’esprit.
« Venez avec moi, j’ai quelque chose à vous montrer ! » déclara-t-il avec tout l’aplomb de son âge.
Il prit doucement Dorcas par la main, la jeune fille se laissa faire, et tout le monde les suivit, curieux. James connaissait l’endroit idéal pour se vider la tête. Parfois les moldus inventaient des choses, sinon intelligentes, utiles. La télévision ! L’oncle Sam l’avait ramenée un beau matin, et malgré les vives protestations d’Honoria, on l’avait installée dans l’ancien bureau du grand-père Ernest. Le petit poste émettait des tas de grésillements désagréables dus aux parasites magiques, alors l’oncle Sam avait ramené des cassettes. Des espèce de petits boîtiers noirs protégeant un ruban brillant, et qui permettaient de voir et revoir les programmes choisis. Les cousins trouvaient une détente incroyable dans cette pièce. Ils découvraient la société moldue et ses étranges coutumes, plongeant brusquement dans un autre monde, s’évadant du leur. Et c’était fort distrayant de se moquer des émissions ridicules !
Il semblait soudain à James que rien ne serait plus approprié que de s’extraire quelques instants de ce monde si peu complaisant, et d’en emprunter un autre, plus calme. Chez les moldus, Voldemort n’existait pas ! Les cassettes se finissaient toujours sur une note d’espoir, et l’espoir c’est déjà une force.
« Une télévision ! » s’exclama Lily abasourdie.
Evidemment, en bonne petite moldue, Lily connaissait l’engin mieux que personne ! D’ailleurs, elle pressa sans hésiter le bon bouton, attirant sur l’écran cette neige noire et blanche omniprésente.
« Elle ne marche pas ta télé, James ! » affirma-t-elle alors.
« Sa quoi ? » demanda Frank
« Pas de questions ! » ordonna le fils de la maison. « Asseyez-vous sur les canapés, et regardez ce qu’il se passe dans la boîte ! »
« Tu veux vraiment nous occuper avec ce rectangle plein de points noirs et blancs ? » demanda Mathilde sardonique.
« La naïveté de ce garçon est aussi profonde qu’un puits… » déclara Hestia.
« Pause les filles ! » répliqua James. « Vous n’avez rien vu encore. Aller, assis ! »
Plus ou moins à contre-cœur, ils obéirent néanmoins, assez curieux… Alors James ouvrit un placard plein de petites choses noires étiquetées, sur lesquelles Lily se précipita.
« Vous avez les épisodes du Brady Bunch ? » s’exclama-t-elle, toute excitée par sa découverte.
« Oui, mais ce n’est pas ça qu’on regarde ! » répondit fermement James en reprenant la cassette des mains de Lily et en la remettant à sa place.
« Cheers ! »
« Lily ! » protesta le garçon en réitérant la manœuvre. « Happy Days me paraît tout indiqué, aujourd’hui ! »
« Oh non, pas encore ce truc, je le connais par cœur ! » jeta Sirius d’un ton las.
« Pas de protestation Fonzie ! » répondit James amusé.
« C’est quoi Happy Days ? » demanda Camille.
« Viens-donc passer tout un été chez James et tu le sauras ! » répondit Sirius « C’est quoi le Brady-truc ? Ca me changerait. »
« Un truc de nana… » marmonna James. « L’histoire d’un type avec trois fils, qui se marie avec une mère de trois filles. C’est d’un ennui… »
Comprenant qu’elle n’obtiendrait pas gain de cause, Lily se mit à chercher autre chose. Les aventures de Richie et Fonzie ça ne l’enchantait qu’à moitié. Belle et Sébastien ! Un truc français qu’elle regardait quand elle était petite, un petit orphelin mignon à croquer avec son beau berger des Pyrénées… Non, il y avait tout à parier que ça serait jugé comme un ‘truc de nana’.
« N’y pense même pas Lily… » devança James.
« Je n’ai rien dit ! » s’insurgea la jeune fille.
« Pas encore, mais je te vois lorgner sur les cassettes préférées de ma petite sœur ! Il n’est même pas question que je regarde une fois de plus ce gamin se faire enfouir sous une avalanche, partir vivre au milieu des chevaux de son père ou tenter de percer le mystère du bateau de son grand-oncle ! »
« Vous avez la suite ??? » s’exclama Lily.
James leva les yeux au ciel.
« Tu pourras les regarder plus tard si tu veux. Maintenant vas t’asseoir. »
Et malgré les protestations de Sirius et Lily, ils regardèrent les aventures de Richie, Potsie et Fonzie. Pour faire plaisir à la jeune fille, ils consentirent tout de même à regarder un épisode du Brady Bunch, ce qui ennuya fermement James, Frank, et Mathilde. Et ils terminèrent sur le fameux, l’inévitable Cheers, dont le générique leur resta plusieurs heures dans la tête. En sortant de la pièce, ils avaient tous l’esprit plus léger, plus vide aussi, et entonnaient en chœur :
« Making your way in the world today takes everything you've got. Taking a break from all your worries, sure would help a lot. Wouldn't you like to get away? Sometimes you want to go where everybody knows your name, and they're always glad you came. You wanna be where you can see, our troubles are all the same. You wanna be where everybody knows your name. »
Et dans un sens, ça paraissait plutôt approprié!
« Honoria ! » dit Charles Potter, d’un ton plein de reproches, en regardant passer les adolescents « Je t’avais dit de mieux cacher les bouteilles de Xérès ! »
« Mais je te jure qu’elles sont sous clé ! » protesta sa femme.
Ils remontèrent tous à la Nursery, c’était encore là qu’ils pouvaient être le plus tranquille. Bien sûr deux heures à regarder, sur un écran, de jeunes moldus se préoccuper du savon qu’allait leur passer un prof, s’il les prenait la main dans le sac, ça ne résolvait rien. Evidemment ça ne supprimait pas les atrocités qui plombaient leur monde, mais s’évader, parfois, c’était nécessaire ! Pour se vider l’esprit et tout reprendre à zéro, pour mieux réfléchir et parce que se focaliser sur tout ce qui va mal, ça finit par faire perdre la tête aux plus vaillants. Il y avait des moments où les jeunes adultes qu’ils étaient, avaient grand besoin de redevenir d’insouciants adolescents, avant de revenir trop vite à la réalité. Cette faculté à se déconnecter provisoirement était forcément un atout.
Dans la nursery, Remus avait pris un livre, Dickens, il l’avait trouvé dans l’immense bibliothèque de la maison. James, Sirius, Peter, Frank, Camille et Mathilde disputaient une partie de cartes, mais ils soupçonnaient Frank et Camille de tricher, tant de points d’avance, ça ne pouvait pas être honnête ! Et dans un coin, Dorcas, Lily, Hestia et Alice, le quatuor de choc, étaient en plein conciliabule. Probablement en train de rassurer Dorcas, mais aucun des autres ne voulaient s’emmêler. En réalité, la conversation avait plus ou moins déviée…
« S’il a un traître parmi les élèves, c’est forcément à Serpentard ! » disait Hestia.
« Pas obligatoirement… » répondit Lily. « Mais c’est vrai que c’est là qu’il vaudrait mieux chercher en premier… »
« Je crois que j’ai un moyen de savoir s’il y a un traître parmi les Serpentards de septième année… » murmura Dorcas.
« Rosier ! » répondit Lily.
« Hein ? » s’étonna Alice. « s’il y en a un que je ne voit pas du tout en mangemort ou lançant un lynuix à nos trousses, c’est bien Evan Rosier ! Il est plutôt clean avec nous… Pas comme ces ordures de Snape, Dolohov, Lestranges ou Avery… Même Katerina Wilkes, je n’ai jamais compris comment un type comme Rosier pouvait sortir avec cette vipère ! »
« Ils ne sortent plus ensemble ! » déclara simplement Dorcas.
« Pourquoi pensez-vous à Rosier particulièrement ? » demanda Hestia.
« Non, je ne pensais pas qu’il était le traître ! » infirma Lily. « Je voulais juste dire qu’il pourrait nous mettre sur une piste… »
« Oh ! La Terre appelle Lily Evans ! » s’amusa Hestia. « Rosier n’est peut-être pas du genre assassin, ce n’est pas pour ça qu’il va dénoncer ses petits copains. Et je ne vois pas pourquoi il se confierait à nous en plus… On ne le connaît même pas ! »
« Il ne se confiera peut-être pas à nous, mais peut-être à Dorcas… » répondit Lily, avec un sourire complice.
Devant les regards interrogateurs, Dorcas expliqua :
« C’est lui qui m’a envoyé une carte à Noël… On avait discuté plusieurs fois avant les vacances… C’est un gentil garçon. »
« Fais attention à toi Dorcas, il reste un Serpentard ! » dit Hestia d’un ton grave.
« On ne juge pas quelqu’un par sa maison. » rappela l’intéressée.
« Non, mais fais tout de même attention, c’est un jeu dangereux… » ajouta Alice.
Les quatre filles s’adossèrent au mur, perdues dans leurs pensées.
Le calme régnait donc, plus ou moins, dans la pièce, lorsque la porte s’ouvrit à toute volée, laissant entrer une Elizabeth manifestement furieuse. Le regard noir, le visage empourpré, les sourcils froncés, elle claqua la porte d’un coup de pied et se jeta sur la banquette, les bras croisés, en maugréant quelques paroles incompréhensibles, mais dont le ton ne laissait aucun doute sur la nature ! Avant même que quiconque n’aie eu le temps de réagir, la porte s’était rouverte, laissant entrer Graziella. La jeune fille s’assit à côté de sa sœur, et se mit à lui caresser doucement le dos, comme on ferait à un petit enfant qui se réveille après un mauvais rêve. Plus discrètement, Augusta et Adrienne entrèrent, regardant Elizabeth prudemment, comme craignant qu’elle n’explose comme un volcan.
« Je le hais ! » pesta alors Elizabeth. « Il ne fait ça que pour m’embêter ! »
« Mais non ! » répondit calmement Adrienne, l’aînée de ses sœurs. « Mais tu vois déjà tes amis toute l’année à Poudlard… Tu ne vas pas, en plus, aller chez eux pendant les vacances ! »
Mais Adrienne ne récolta qu’un regard furieux. Manifestement, l’adolescente n’était pas sensible à cet argument.
« Quelqu’un peut nous faire la traduction simultanée ? » demanda James.
« Lizzie veut aller à une fête chez un de ses amis, mais papa a refusé. »
« Branwell Nichols ! » s’exclama Elizabeth au bord des larmes. « Le garçon le plus chouette de tous les troisièmes années ! Et il a insisté pour que je vienne ! A cause de papa c’est fichu ! »
« Branwell, quel nom ! » se moqua Sirius.
Et si les yeux de Graziella et Elizabeth avaient été des fusils, le jeune Black aurait succombé immédiatement à d’atroces blessures.
« Maintenant que j’ai refusé son invitation, il ne m’invitera plus jamais… » gémit Elizabeth.
« Mais si… » la rassura Graziella. « Il serait vraiment trop bête de rater une fille comme toi ! Et ce n’est qu’une soirée, tu vas le retrouver à Poudlard. Papa est un peu vieux jeu quand il s’y met… »
« Il a tout de même raison, c’est dangereux de s’éloigner de Quercus Alba ces temps-ci ! » rappela Adrienne.
« Tu veux bien cesser de jouer la rabat-joie une seconde ? » demanda Graziella agacée.
L’aînée haussa les épaules et fit demi-tour. Ses petites sœurs grandissaient et elle avait du mal à leur lâcher du leste.
« Et toi Gussie, tu ne voulais pas y aller ? » demanda James.
« Non pas vraiment. Thomas n’était pas invité, Lizzie aurait passé la soirée avec Branwell, je me serais ennuyée. »
Thomas était le meilleur ami d’Augusta. Celui avec qui elle faisait les 400 coups. Contrairement à sa cousine, pourtant du même âge, elle ne voyait encore les garçons que comme des compagnons de jeu, les fêtes où il fallait danser avec eux, ça ne l’amusait guère. Enfin, pour faire plaisir à Lizzie elle aurait fait un effort.
« C’est de ta faute aussi ! » reprit Elizabeth. « Si tu avais montré un peu d’enthousiasme ! Oncle Charles est moins coincé que papa, et s’il t’avait donné la permission, papa n’aurait pas pu refuser pour moi ! »
« Ne t’avance pas trop Lizzie ! » intervint James en riant. « Papa devient très protecteur dès qu’il s’agit d’Augusta… »
Elizabeth haussa les épaules et rentra la tête comme une tortue.
« Aller quoi, arrête de bouder ! » dit Graziella en riant, attrapant la tête de sa petite sœur à deux mains. « Tu en auras d’autres, des occasions de sortir avec des garçons ! Dans une semaine tu n’y penseras même plus, je te le promets. Tu peux comprendre que par les temps qui courent, papa préfère te savoir ici ou à Poudlard… Ce n’est facile pour personne, et ça demande des concessions. On ne lui mène pas une vie facile tous les jours à papa. »
Alors, dans les yeux de Graziella, Elizabeth vit sa maman. Ca ne faisait pas un an qu’elle était décédée… Bien sûr que c’était dur sans elle, pour tous, pour son père aussi ! Cinq enfants à élever tout seul… Et elle faisait la tête à cause d’une fête ? Evidemment elle aurait voulu y aller, mais finalement, est-ce que ça valait le coup d’en faire toute cette comédie ?
« A la rentrée, si ce garçon ne fait plus attention à toi à cause de cette fête, je te jure qu’on t’aidera, il ne va pas résister longtemps ce Branwell ! » s’exclama Mathilde.
« Il n’a qu’à bien se tenir ! » confirma Camille.
Pacte scellé d’un clin d’œil, et les sourires revinrent. Graziella tendit la main à sa petite sœur pour l’aider à se relever.
« Le dîner est prêt, ne faisons pas attendre la maîtresse de maison… »
Encore une fois, Honoria avait passé des heures aux fourneaux, tenant à ce que toute la maisonnée se régale au dîner. Elle excellait dans le soufflé au fromage, et comme d’habitude, les cousins se disputèrent les croûtes de gruyère. La table de la salle à manger avait été magiquement élargie, pour pouvoir permettre à tout ce petit monde de dîner en même temps. Cela faisait gagner un temps considérable à la maîtresse de maison. Charles, qui aimait plus que tout avoir un grand auditoire, profita de la présence de tous ces jeunes pour narrer les aventures de son fils. James n’en était guère ravi, mais il avait très tôt appris à ne pas s’opposer publiquement à son père, ou il risquait les remontrances ultérieures pour irrespect. Ainsi il fut contraint d’écouter son père raconter que son tout premier mot avait été ‘Zizi’ ou comment, vers l’âge de cinq ans, il avait l’habitude de visiter les toilettes dès qu’il allait quelque part. Et évidemment tout le monde semblait trouver ça drôle ! L’humour était parfois très subjectif.
Après la tarte à la mélasse, Dorcas sentit le besoin de s’aérer l’esprit. Lorsque la famille Potter et ses invités quittèrent la salle à manger, certains allèrent prendre un digestif à la bibliothèque, d’autres montèrent dans leurs chambres, et Dorcas se glissa dans le jardin. Des lanternes, accrochées au mur en pierre, éclairaient d’une faible lueur la partie la plus proche de la clairière. La lune finissait le travail. Dorcas s’arrêta à l’orée des arbres et s’assit sur un petit banc de pierre. Depuis quelques mois, ses parents avaient paru la surprotéger, elle avait mis ça sur le compte de leur inquiétude chronique pour elle. Elle était leur fille unique et adorée, quoi de plus normal qu’ils veuillent la préserver le plus longtemps possible ? Mais à la lumière des événements récents, Dorcas se demandait s’il n’y avait pas quelque chose de plus… Ils savaient que leur famille était en danger, c’était presque certain. Pourquoi ne lui en avait-il rien dit ? Elle aurait su mieux se défendre en sachant ce qui l’attendait. Et maintenant elle saurait contre quoi se battre ! Contre qui, elle le savait, mais elle serait bien plus forte si elle connaissait le motif de la traque de Voldemort. Pourquoi ses parents, si attentionnés, n’avaient-ils pas pensé à cela ? N’avaient-ils jamais songé qu’ils pourraient disparaître en la laissant seule ? Elle devait chercher le leitmotiv de Voldemort, elle ne savait pas par où commencer…
« La maison est surpeuplée, n’est-ce pas ? Difficile de s’isoler ! » dit soudain une voix grave derrière elle.
Dorcas se retourna et vit Brent, le cousin de James, qui se tenait à ses côtés, dans la neige, elle ne l’avait pas entendu arriver.
« Je peux me faire une petite place ? » demanda-t-il en s’asseyant près d’elle.
« Je réfléchissais… » dit simplement la jeune fille.
« Si on en croit la rumeur populaire, tu as des raisons de t’inquiéter… »
« Les nouvelles vont vite à ce que je vois… »
« Dumbledore en a parlé à la réunion de l’Ordre. Tu sais ce que c’est ? »
« Oui, James m’a raconté. »
« Nous allons pouvoir veiller sur toi tant que tu restes ici ou à Poudlard. »
« Je n’ai pas peur. Je me sens en sécurité.
« Tu as raison. Je n’ai jamais eu peur entre les limites de la propriété. Enfin sauf quand j’étais gosse et que l’oncle Charles s’amusait à me ficher la trouille le soir avec ses chiens. »
Dorcas rit doucement. Brent ressemblait à James. La même faculté à passer des choses graves aux choses les plus légères, le même regard rassurant, le même humour idiot. Dès qu’elle avait vu Brent, Dorcas l’avait classé dans le genre gentleman-playboy, qui laisse passer les filles devant, leur tient la porte, et fait le beau à la moindre occasion. Un genre de James en un peu plus élaboré quoi !
« Et puisqu’on parlait de secrets, sache bien que je n’ai jamais réussi à en garder un seul ici, alors fais attention à ce que tu dis à Quercus Alba ! Ce sera, sans faute, répété, amplifié et déformé ! »
« Pourquoi me dis-tu ça ? » demanda Dorcas avec un petit sourire amusé.
« Je ne sais pas. » répondit Brent avec un clin d’œil. « Je parle beaucoup et je ne dis pas que des choses intelligentes, ce serait d’un ennui mortel sinon. »
Dorcas sembla se souvenir de quelque chose et voulu parler, mais au dernier moment elle se ravisa. Trop tard, sa manœuvre était découverte !
« Qu’y a-t-il ? »
« Rien… » répondit Dorcas en baissant les yeux vers le sol enneigé.
Brent baissa la tête, et reprit :
« Je pense que je sais ce que tu te dis. Tu te demande si c’est bien moi le cousin de James qui a perdu sa femme il y a deux mois, et tu trouves que je suis trop léger. Oui c’est bien moi, mais je n’ai pas envie d’arrêter de vivre pour autant. Ce n’est pas parce que je continue à rire que je suis un homme sans cœur. Je voudrais juste que les gens arrêtent de me juger… »
Il se leva et fit quelques pas vers la maison.
« Je ne pense pas que tu sois sans cœur. » dit Dorcas.
« Alors ne reste pas toute seule ici, c’est le meilleur moyen d’attraper un coup de cafard ! Je crois qu’on a organisé un tournoi de petits chevaux là-haut. »